Economies budgétaires : quand le ministre de la Défense veut passer son tour

Par Michel Cabirol  |   |  577  mots
Selon le ministre de la Défense, les militaires ont déjà largement payé leur quote-part aux économies
Jean-Yves Le Drian a expliqué lors du deuxième conseil stratégique de la dépense publique, que le temps des économies au ministère de la Défense était révolu. En douze ans, l'Hôtel de Brienne va faire partir près de 80.000 militaires.

C'est non... Lors du deuxième conseil stratégique de la dépense publique, auquel ont participé Jean-Marc Ayrault et plusieurs ministres sous la présidence de François Hollande, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, invité à s'exprimer sur de nouvelles économies de l'Hôtel de Brienne, a expliqué que son ministère ne participerait pas aux futures économies, selon nos informations. A la grande fureur des autres ministres présents et qui ont pour objectif de réaliser "au minimum" 50 milliards d'économies d'ici à la fin du quinquennat en 2017. Aux autres de faire aussi bien que le ministère de la Défense.

Car Jean-Yves Le Drian, dont le budget a été sanctuarisé par le président de la République à plusieurs reprises, a précisé que son ministère avait déjà largement payé sa quote-part aux économies de l'Etat ces dernières années. Les deux dernières lois de programmation (LPM) 2008-2013, puis 2014-2019, ont programmé le départ de près 80.000 militaires. Du jamais vu dans aucun ministère. Sur les 23.500 postes supprimés entre 2014-2019, 9.000 doivent l'être au sein des forces opérationnelles et 14.500 dans le soutien et l'environnement des armées. Cette baisse des effectifs s'ajoute aux 54.000 postes supprimés dans le cadre de la LPM 2008-2013. 

Fin 2012, les armées françaises comptaient 225.000 hommes et femmes (donc des emplois...) et représentaient 1,5 % du PIB, soit 8 à 9 % du budget de l'État. A la fin de la guerre froide, c'était 500.000 hommes, 2,7 % du PIB, 15 % du budget de l'État. "L'effort de défense était, aux normes OTAN - c'est-à-dire hors pensions et hors gendarmerie -, de 2 % du PIB en 1997, avant de se stabiliser ces dix dernières années entre 1,6 % et 1,7 %, avait expliqué devant le Parlement le chef d'Etat-major des armées, l'amiral Edouard Guillaud. "La dépense publique, en France, représente 56 % du PIB. Quand on enlève 1,5 % pour la défense, il reste 54,5 %", rappelait de son côté il y a encore peu de temps l'ancien chef d'état-major des armées (2006-2010), le général Jean-Louis Georgelin.

La crédibilité de François Hollande et Jean-Yves Le Drian engagée

François Hollande avait assuré en juillet dernier devant la communauté militaire réunie à l'Hôtel de Brienne que la LPM 2014-2019  "reposera sur un principe, le maintien de l'effort financier important de la Nation avec la reconduction du budget de la défense à hauteur de 31,4 milliards d'euros, c'est-à-dire au niveau où il se situe cette année". Au-delà de François Hollande, la crédibilité de Jean-Yves Le Drian est également engagée. Il a répété à plusieurs reprises que que le budget de la défense était gravé dans le marbre. "L'ensemble de la loi de programmation est blindé", avait-il expliqué dans une interview accordée à "La Tribune".

En outre, la France, qui semble vouloir jouer un rôle sur la scène internationale notamment en Afrique, a besoin d'une institution militaire forte. Paris vient d'ailleurs de décider d'envoyer 400 militaires supplémentaires en Centrafrique, ce qui portera "temporairement à 2.000" ses effectifs dans ce pays. Et puis la perspective même très réduite de voir un jour des militaires français dans la rue, à l'image de ce qui s'est passé au Portugal, pourrait faire reculer Bercy et Matignon, qui tentent de tailler dans le budget du ministère de la défense sans aucune vision stratégique.