L'incroyable dérapage de la facture de l'hôpital des armées Sainte-Anne de Toulon

Par Michel Cabirol  |   |  884  mots
La construction de Sainte-Anne (352 lits) a permis au Service de santé des armées (SSA) de disposer d'une structure intégrant "les équipements techniques les plus innovants et d'un pôle médical d'excellence participant à la politique de santé publique
La facture de la construction de l'hôpital de Sainte-Anne de Toulon a dérapé de 23 %. Le ministère de la Défense a dû payer 190 millions d'euros, dont plus de 20 millions d'indemnités à Vinci.

On en sait un peu plus sur l'incroyable dérapage financier de la construction de l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Sainte-Anne à Toulon pour le compte du service de santé des armées (SSA). Selon un rapport du ministère de la Défense, la construction, qui a été confiée à Sogea Construction-Sicra (devenu depuis Vinci Construction) "a connu, entre le lancement de l'opération et sa clôture, une augmentation de près de 23%". Soit 190 millions d'euros, dont une indemnité versée en 2012 par le ministère de la Défense de 20,3 millions d'euros au groupe Vinci. Elle représente près de 12 % du montant de la construction.

Le groupement, dont l'architecte Aymeric Zublena était le mandataire, demandait beaucoup plus au ministère, qui a finalement obtenu une diminution de 67% de la somme réclamée précédemment par l'industriel. Cette somme, réglée en 2012, "entraîne pour les deux parties renonciation à tout recours ultérieur", explique le rapport du Comité des prix de revient des matériels d'armement (CPRA). Aymeric Zublena avait notamment déjà réalisé l'hôpital européen Georges Pompidou à Paris et le centre hospitalier Caremeau à Nîmes. Au total, le coût de ce programme d'infrastructure s'est élevé 204 millions d'euros : les études initiales (1,22 millions) et les ouvrages induits par la construction de l'hôpital et l'aménagement de l'îlot de (12,5 millions).

Pourquoi un tel dérapage ?

Le dérapage de la facture s'explique "notamment en raison d'une hausse conjoncturelle des prix dans le BTP, mais surtout à cause de la prise en compte d'exigences réglementaires supérieures en matière de sécurité incendie, d'hygiène et de protection thermique", constatent les deux auteurs, Christian Giner, contrôleur général des armées,et François Renvoisé, ingénieur général des ponts,des eaux et des forêts. D'une façon générale, le chantier a rencontré un certain nombre de difficultés, notamment un arrêt lié à la découverte d'un engin explosif et la nécessité de certains travaux supplémentaires.

Les travaux réalisés par Sogea Construction-Sicra à partir d'avril 2004 étaient prévus pour une durée de 36 mois. Ils ont finalement été réceptionnés avec près de neuf mois de retard en janvier 2008. Ce qui est raisonnable pour une opération de cette envergure. Approuvée fin 1998 pour remplacer l'ancien établissement inauguré en 1910, la construction de Sainte-Anne (352 lits) permet au SSA de disposer d'une structure intégrant "les équipements techniques les plus innovants et d'un pôle médical d'excellence participant à la politique de santé publique".

Un hôpital performant

Au final, "le nouvel établissement constitue un ensemble immobilier moderne et fonctionnel, dont les équipements autorisent une utilisation conçue pour le bénéfice maximal des patients et la qualité des soins", estiment les deux auteurs. Et de préciser que les concepts retenus montrent "leur pertinence avec le développement des techniques hospitalières les plus modernes. La division par un facteur supérieur à vingt des maladies nosocomiales, par rapport à celles observées dans l'ancienne structure, est une parfaite illustration de la qualité des soins obtenue".

En outre, l'hôpital de Sainte-Anne "se situe pour ce qui concerne le personnel auprès du lit du malade dans la moyenne observée au SSA, avec un ratio de 3,2". Par ailleurs, il connaît un taux d'occupation de près de 75 % et, "du fait de son insertion dans l'offre globale de soins de l'agglomération toulonnaise, 85 % des patients ne sont pas des ressortissants du ministère de la défense", note le CPRA. Pourtant, la cour des comptes avait dénoncé la reconstruction concomitante de Sainte-Anne et du centre hospitalier de la même ville. Le ministère de la Défense avait refusé la proposition de co-localisation des deux hôpitaux avancée par l'Agence régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d'Azur. La Cour juge qu'une telle proposition aurait permis d'éviter des surcoûts dans la création de deux infrastructures de santé sur le même territoire, pour la même population.

Malgré les difficultés rencontrées lors de sa réalisation, ce programme est "une réussite, qui ménage l'avenir grâce à la modularité offerte par sa conception", mais regrettent-ils, "il est peu probable qu'elle soit renouvelée dans les prochaines années et l'expérience acquise, qui est exceptionnelle, devrait être consolidée". Symbole des hôpitaux militaires, le Val-de-Grâce aurait pu profiter de cette expérience.

Une modernisation du Val-de-Grâce trop chère

Les activités médicales du Val-de-Grâce à Paris "seront progressivement transférées" vers deux autres hôpitaux militaires d'Ile-de-France, Percy à Clamart (Hauts-de-Seine) et Begin à Saint-Mandé (Val-de-Marne), a expliqué le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Le Val-de-Grâce abritera pour sa part "un pôle d'excellence" réservé aux activités de recherche et de formation.

La mise aux normes indispensable de l'hôpital aurait nécessité des travaux "pour plusieurs centaines de millions d'euros, alors qu'à proximité il y a deux établissements militaires performants récents, Bégin et Percy, et que l'offre de soins civile dans cette partie de Paris est largement significative", a justifié mercredi Jean-Yves Le Drian devant l'Assemblée nationale.