L'incroyable marathon commercial d'Airbus Helicopters en Inde

Par Michel Cabirol, à Bangalore  |   |  929  mots
Le Fennec d'Airbus Helicopters se posera-t-il un jour en Inde ?
Bis repetita pour Airbus Helicopters qui s'est lancé pour la troisième fois dans la course pour renouveler la flotte d'hélicoptères légers de l'armée de terre et de l'armée de l'air indienne. Soit une campagne commerciale pour la vente de près de 400 appareils.

Incroyable mais vrai... Plus de 10 ans après avoir lancé le premier appel d'offre (2004) pour renouveler la flotte d'hélicoptères de l'Indian Army (armée de terre), soit des antiques Cheetah et Chetak (des Alouette II et III fabriquées à partir des années 60), qui sont aujourd'hui "sous respiration artificielle", New Delhi, qui consulte les industriels depuis la fin des années 90, s'apprête à relancer pour la troisième fois cette compétition maudite.

Quand ? C'est "la question que l'on se pose nous aussi", fait-on remarquer chez Airbus Group. D'ici à la fin de cette année peut-être, New Delhi sortira un nouvel appel d'offre (RFP ou request for proposal) à l'issue des évaluations des appareils ayant répondu au RFI (Request for information, une demande d'information). Les industriels intéressés, qui devront s'armer de patience - c'est le moins que l'on puisse dire -, attendent donc le nouvel appel d'offre pour préparer leur dossier de candidature.

Près de 400 hélicoptères légers

Pour l'heure, ils ont répondu au RFI pour la fourniture de 197 hélicoptères de reconnaissance et de surveillance (RSH) pour l'armée de terre et de 187 hélicoptères utilitaires légers (LUH) pour l'armée de l'air (IAF). Avec une exigence impérative de New Delhi qui entre dans le cadre de la nouvelle politique d'acquisition de systèmes d'armes voulue par le Premier ministre Narendra Modi, de faire faire en Inde, y compris par le secteur privé. Le fameux "Make in India" s'affiche sur tous les panneaux de publicité de Bangalore, qui accueille le salon aéronautique Aero India (18-22 février).

Une stratégie qui rebat complètement les cartes en Inde, ajoute de la confusion à la confusion et donc devrait logiquement allonger les délais de prises de décision de l'administration indienne, déjà réputée pour sa lenteur. Pour la petite histoire, New Delhi a mis six mois environ pour comprendre que Eurocopter avait changé de nom et que Airbus Helicopters était apte à concourir à cet appel d'offre.

"Tout le monde discute avec tout le monde"

Aujourd'hui "tout le monde discute avec tout le monde", la formule très langue de bois servie par les industriels, est pour une fois on ne peut plus vrai. Airbus Helicopters se fait évidemment discret sur les discussions avec de nouveaux partenaires industriels, y compris avec HAL son partenaire historique. "Tout est encore instable et au stade préliminaire", explique-t-on chez le constructeur.

Une chose est sure, le constructeur de Marignane va remettre en piste le Fennec, en tout cas dans sa dernière version, l'AS550 C3e, qui sera destiné, s'il est sélectionné, à ravitailler notamment les troupes stationnées en altitude près de la frontière indo-chinoise. En 2006, Airbus Helicopters proposait une précédente version, l'AS550 C3 qui avait même gagné le premier appel d'offre face à l'américain Bell.

Deux procédures arrêtées

En juin 2007 le processus d'acquisition du Fennec a toutefois été dans un premier temps suspendu après l'ouverture d'une enquête, puis cassé en décembre par New Delhi en raison de soupçons de corruption... jamais avérés mais fortement alimentés par le perdant. En partenariat avec l'entreprise publique Hindustan Aeronautics limited (HAL), Airbus Helicopters n'avait plus qu'à signer formellement le contrat. En avance sur le "Make in India" préconisé par le Premier ministre indien, le constructeur proposait de livrer 60 appareils clés en main, puis 137 fabriqués dans les usines de HAL.

Avec ce contrat, l'industriel HAL aurait obtenu la sous-traitance de la production des cellules de toutes les versions de la famille Ecureuil (version civile du Fennec). Pour l'hélicoptériste européen, cet accord devait permettre de créer un contexte favorable à l'établissement d'un partenariat renforcé avec HAL, qui remonte aux années 1960 avec la production sous licence de l'Alouette III (Cheetaks, 350 appareils), puis dans les années 1970 avec le Lama (Cheetah, 250 appareils construits par HAL).

Puis, Airbus Helicopters a répondu à un nouvel appel d'offre en 2008 (programme RSH). Il a attendu... depuis 2010 l'ouverture des enveloppes commerciales par New Delhi pour savoir si il est à nouveau sélectionné par l'armée indienne. Des offres commerciales qui ont été prolongées jusqu'en juin 2014. Pour finir, le nouveau gouvernement a cassé l'appel d'offre en cours.

Quatre campagnes pour Airbus Helicopters

En parallèle au programme RSH, Airbus Helicopters travaille sur d'autres campagnes commerciales. Le constructeur vise quatre programmes de renouvellement de la flotte de la Marine, de l'armée de terre et des Coast Guards. Il lorgne d'abord la fourniture d'une centaine d'hélicoptères légers pour la Marine dans le cadre du programme NUH (hélicoptères utilitaires navals) et propose la dernière version militarisée du Dauphin, l'AS565 MBe Panther. Après avoir lancé un appel d'offre lancé en août 2012 pour 56 appareils, New Delhi a relancé un RFI en septembre dernier pour 100 appareils dans le cadre du "Make in India". Un RFP est également attendu d'ici à la fin de l'année.

En outre, le constructeur européen est également en piste pour le programme NMRH (Naval multirole Helicopter), dont un RFI a été lancé il y a environ deux ans pour l'acquisition de 123 appareils. C'est-à-dire avant la nouvelle politique d'acquisition du gouvernement Modi. Airbus Helicopters propose l'EC725. L'armée de terre a également un besoin de plus de 150 appareils dans le cadre du plan de croissance de sa flotte. Enfin, les Coast Guard (14 appareils, soit un contrat estimé à plus de 400 millions) ont récemment évalué l'EC725.