Airbus Helicopters joue une partie très, très serrée en Pologne

Par Michel Cabirol  |   |  1085  mots
Airbus Helicopters compte équiper l'armée polonaise avec des Caracal (H225)
Sélectionné par Varsovie pour l'acquisition de 50 hélicoptères de transport militaire de type Caracal, Airbus Helicopters est sous la menace d'un changement de majorité faute d'avoir conclu les négociations plus tôt. Les élections législatives polonaises sont prévues fin octobre.

En Pologne, la partie s'annonce de plus en plus serrée pour Airbus Helicopters. Après avoir été sélectionné en avril par Varsovie, qui veut acquérir 50 hélicoptères de transport militaire, le constructeur de Marignane, qui propose le Caracal, est plus que jamais sous la menace d'un changement de majorité en Pologne à l'issue des élections législatives prévues le 25 octobre.

En avril, le ministère polonais de la Défense avait choisi d'entrer en négociations exclusives avec la division hélicoptères d'Airbus Group pour ce contrat de 50 hélicoptères H225M de type Caracal, évalué à 3 milliards de dollars (2,6 milliards d'euros), au détriment de l'américain Sikorsky et de l'italien AugustaWestland.

Le PiS hostile à Airbus Helicopters

En mai dernier, les Polonais, à la surprise générale, avaient déjà élu à la présidence le député européen du parti conservateur et populiste Droit et Justice (PiS), Andrzej Duda, avec 51,55% des voix. Et, début août, les sondages donnaient le PiS, parti qui s'affiche sur une ligne atlantiste et pas franchement francophile, largement en tête des élections législatives face au parti libéral, actuellement au pouvoir. Les très nombreuses déclarations des responsables du PiS hostiles à Airbus Helicopters ne sont pas de nature à rassurer le patron du constructeur de Marignane, Guillaume Faury.

"Il y avait trois offres, dont deux étaient excellentes (avec des machines) produites en Pologne. Et une troisième. Pour l'instant, il n'y a pas de décisions finales, attendons donc de voir. Cet appel d'offres soulève beaucoup de doutes et des questions se posent", a déclaré lors d'un point de presse la candidate du PiS, Beata Szydlo, qui pourrait devenir Premier ministre. "Laissons au gouvernement actuel la responsabilité de l'appel d'offres", a-t-elle ajouté, en réponse à une question sur une éventuelle remise en cause de l'appel d'offres par son gouvernement. Elle s'exprimait dans une usine d'AgustaWestland à Swidnik, dans l'est de la Pologne.

Une déclaration ferme qui est pourtant interprétée par le camp français comme des propos moins négatifs que ceux tenus régulièrement par Andrzej Duda. Durant sa campagne, il a très souvent attaqué le contrat passé avec Airbus Helicopters pour l'achat de 50 hélicoptères par l'armée polonaise. Le PiS estime que cela se fait au détriment d'entreprises basées en Pologne.

Les négociations ont traîné en longueur

Certains observateurs, à la fin du printemps, estimaient  probable une signature du contrat fin août, début septembre. Ce n'est plus aujourd'hui le cas. Il n'y aura donc ni annonce ni cérémonie de signature au moment du MSPO, le salon de l'armement de Kielce, qui ouvre ses portes le 1er septembre. La faute aux négociations entre le ministère de la Défense polonais et Airbus Helicopters qui ont traîné en longueur et qui "avancent doucement". Elle butent d'ailleurs encore sur deux, trois points, dont notamment le prix unitaire par appareil. Un classique... Mais rien qui inquiète les négociateurs.

Une fois la négociation conclue avec le ministère de la Défense, Airbus Helicopters n'en a toutefois pas encore terminé. Le constructeur de Marignane devra aussi négocier avec le ministère de l'Economie les offsets prévus dans le cadre de l'appel d'offres. Du coup, "la longueur des négociations a repoussé les échéances", constate un proche du dossier. Il reste encore du travail pour parvenir à la signature de ce contrat très important pour Airbus Helicopters, qui a un besoin urgent de remplir son carnet de commandes de gros appareils militaires.

Une signature avant ou après les élections législatives ?

Quand sera signé le contrat? Avant ou après les élections? A vrai dire, personne ne peut le prévoir. A priori, le contrat sera prêt après les élections, estime-t-on. Mais certains tablent sur une signature en deux temps - avant et après les élections - de façon à responsabiliser la nouvelle majorité à un contrat très important sur le plan opérationnel pour l'armée polonaise qui a besoin de ces appareils. Soit le contrat pour les 50 hélicoptères puis celui sur le volet logistique, centre de maintenance technique à Lodz, formation.

Dans un entretien accordé récemment au journal "Dziennik-Gazeta Prawna", le vice-ministre de la Défense Czeslaw Mroczek espère que les négociations aboutiront fin août et que le contrat sera signé en octobre, selon les prévisions les plus optimistes, au plus tard en décembre 2015. Les responsables politiques -qu'ils appartiennent au Parti libéral ou au PiS- doivent prendre en considération en premier lieu les besoins de l'armée  polonaise, a-t-il estimé.

"On ne peut pas annuler cet appel d'offres purement et simplement. Il faut présenter des motifs juridiques valables d'une telle décision. Il faut aussi prendre en considération le fait qu'à la suite de l'annulation du contrat, l'armée ne disposera pas du matériel dont elle a réellement besoin", selon le vice-ministre de la Défense.

Le Caracal et le Tigre présentés à MSPO

En attendant une signature, Airbus Helicopters sera très présent à MSPO. Le constructeur, qui va faire des démonstrations du Tigre et du Caracal à la presse polonaise dès jeudi à Varsovie , présente les deux appareils au salon de Kielce. Ce dernier participera à la compétition baptisée Kruk (corbeau en polonais), qui porte sur l'acquisition de 32 hélicoptères de combat. Un appel d'offre doit être prochainement lancée par Varsovie. Une demande d'information (RFI) a déjà été envoyée à la plupart des constructeurs. "La compétition va être féroce", estime un observateur.

Fin avril, le Pdg du constructeur d'hélicoptères, Guillaume Faury, avait déclaré prévoir 1.250 embauches directes et la création de 2.000 emplois supplémentaires en Pologne d'ici à 2020 dans le cadre du contrat. Airbus Helicopters a proposé de fabriquer les 19 premiers hélicoptères du contrat en France et de les livrer à la Pologne à partir de 2017 pour tenir le calendrier de livraison exigé par l'appel d'offre. Les 31 suivants seront assemblés en Pologne à partir de 2018. Enfin, conformément à son engagement de fabriquer 50 Caracal en Pologne, Airbus Helicopters assemblera 19 appareils gagnés à l'export.

Fin mai, le Caracal, utilisé par les forces spéciales françaises, a passé avec succès des tests militaires en Pologne, en préalable à l'ouverture de négociations officielles prévues pour durer trois mois.