Méga-contrat en Pologne : les trois clés du succès d'Airbus Helicopters

La machine - le Caracal -, l'offre industrielle et les hommes ont été les trois facteurs déterminants du succès d'Airbus Helicopters en Pologne. Le constructeur de Marignane est présélectionné pour un contrat de l'ordre de 2 à 2,3 milliards d'euros pour la vente de 50 appareils.
Michel Cabirol
l'armée polonaise a véritablement découvert les qualités de l'EC725 présenté par Airbus Helicopters à Kielce en 2012
l'armée polonaise a véritablement découvert les qualités de l'EC725 présenté par Airbus Helicopters à Kielce en 2012 (Crédits : Sirpa Air)

Airbus Helicopters a remporté "le contrat de la décennie en Europe" dans le domaine des hélicoptères. C'est comme cela qu'en interne on désignait cette campagne majeure pour le constructeur de Marignane, qui a longtemps été considéré comme un simple outsider face à ses deux rivaux, l'américain Sikorsky et l'italien AgustaWestland, déjà très bien implantés industriellement en Pologne. Avec son partenaire le motoriste Turbomeca (Safran), Airbus Helicopters se sont d'ailleurs beaucoup engagés sur le plan industriel pour séduire la Pologne.

Avec succès finalement, le constructeur franco-allemand ayant été présélectionné pour entrer en négociations exclusives avec Varsovie. La signature du contrat est attendue en septembre tandis que les premières livraisons du Caracal sont prévues à partir de 2017.

Une compétition très, très dure

Que la compétition fut longue et extrêmement difficile pour les équipes d'Airbus Helicopters face à des concurrents prêts à tout, y compris à des opérations de piratage informatique. En outre, la saga de la livraison des deux porte-hélicoptères Mistral à la Russie a compliqué les chances d'Airbus Helicopters à l'automne 2014 et a miné le moral des équipes engagées dans cette campagne.

Le gouvernement polonais a également hésité sur les volumes qu'il souhaitait offrir à son armée, désireuse d'acquérir des hélicoptères de transport. Au bout du bout, il a finalement opté pour l'acquisition de 50 hélicoptères de transport (contre 70 appareils dans l'appel d'offre) pour un montant estimé entre 2 et 2,3 milliards d'euros. Trois compétiteurs - l'italien AgustaWestland (AW149), Airbus Helicopters (Caracal ou H225M) et l'américain Sikorsky (S-70) - se sont rapidement positionnés.

Comment Airbus Helicopters a gagné

Deux personnes, bien aidées par toutes les équipes d'Airbus Helicopters et d'Airbus Group mobilisées par cette campagne majeure pour l'avenir de l'entreprise, incarnent cette grande performance commerciale. Notamment les deux principales chevilles ouvrières de la campagne en Pologne, Olivier Michalon, patron des ventes Europe d'Airbus Helicopters, et son adjoint Mickaël Péru. Le vice-président exécutif en charge des ventes et des services au niveau mondial Dominique Maudet, a également beaucoup mouillé sa chemise pour la réussite du constructeur franco-allemand. Trois anciens de la maison qui ont su garder le cap et la tête froide malgré les montagnes russes par lesquelles ils sont passés pendant trois ans. Enfin, le ministre de la Défense Jean-Yves le Drian, qui a rencontré depuis son arrivée à l'Hôtel de Brienne en 2012 au moins quinze fois son homologue polonais, Tomasz Siemoniak, ainsi que François Hollande se sont également beaucoup dépensé comme à leur habitude pour faire aboutir l'offre française.

Après avoir pris du retard à l'allumage en Pologne en 2012, en raison du manque de fair-play d'AgustaWestland, le constructeur franco-allemand a mis les gaz pour rattraper ses concurrents partis plus vite et surtout déjà bien installés en Pologne. Airbus Helicopters a proposé dans son offre que la Pologne devienne l'un de ses piliers pays au même titre que la France et l'Allemagne. Ainsi, le PDG d'Airbus Helicopters Guillaume Faury a joué à fonds la carte européenne et a démontré que cet appel d'offres peut déboucher sur des partenariats plus globaux.

"Nous sommes convaincus de la capacité d'Airbus Group de proposer des produits mais aussi d'offrir l'opportunité pour l'industrie polonaise de prendre part à un rôle plus important, de participer à l'avenir à des programmes d'envergure, que ce soit des programmes militaires ou civils, que le groupe Airbus lance et développe par nature", avait expliqué son PDG, Guillaume Faury, lors du salon de Farnborough en juillet 2014.

En outre, l'armée polonaise a véritablement découvert les qualités du H225M présenté par Airbus Helicopters à Kielce en 2012. Elle s'est montrée très intéressée par cet appareil, qui correspond bien à ses besoins opérationnels et qui a fait ses preuves au combat (combat proven) en Afghanistan, en Libye et au Mali même si dans ce pays du Sahel, les turbines ont souffert. Mais en règle général, H225M s'est très bien comporté sur tous ces théâtres d'opération. Mieux en tout cas que les deux autres appareils en compétition.

Des projets d'usine en Pologne

Dans le cadre de cette campagne stratégique, le constructeur basé à Marignane a signé en 2013 un accord industriel avec le polonais WZL 1. Cette entreprise basée à Lodz et spécialisée dans la maintenance aéronautique assemblera le Caracal si le constructeur franco-allemand gagne la compétition. En outre, le groupe Airbus a ouvert en février un centre de recherche et de développement à Lodz, en Pologne. "Nous sommes maintenant à Lodz parce que nous avons trouvé ici de très bons ingénieurs, un très bon environnement pour des investissements", avait expliqué Guillaume Faury.

De son côté, le motoriste et partenaire d'Airbus Helicopters dans cet appel d'offre, Turbomeca, installera aussi une chaîne d'assemblage pour les turbines du H225M. Safran a déjà pour sa part une usine implantée à Sedziszow Malopolski dans le sud-est de la Pologne (Hispano-Suiza) et qui emploie plus de 500 personnes. Elle produit des pignons et des carters pour les transmissions de puissance et fait le montage. Elle produit des composants pour moteurs d'avions, d'hélicoptères et de nacelles.

Ce que proposait la concurrence

AgustaWestland et Sikorsky avaient également des accords industriels avec des groupes polonais s'ils remportent la compétition. Le groupe italien a racheté en 2010 l'usine de PZL à Swidnik (sud), qui produit des hélicoptères Sokol utilisés dans les opérations de sauvetage, la lutte contre les incendies et le transport, notamment militaire. Ils sont vendus en Pologne, en République tchèque et en Corée du Sud.

Sikorsky Aircraft produit, quant à lui, dans son usine de Mielec (sud) sa nouvelle version de l'hélicoptère Black Hawk, S70i, destinée à l'exportation.

Une extraballe

Pour AgustaWestland et Sikorsky, une seconde chance d'offre à eux. Le ministère polonais de la Défense polonais a lancé en juillet 2014 un programme d'achat d'hélicoptères (entre 20 et 30), estimé à près d'un milliard d'euros. L'appel d'offre pourrait être formellement lancé "d'ici à la fin de 2015", explique-t-on de source proche du ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian. Il pourrait donc équilibrer leur choix, comme au Qatar (hélicoptères de transport pour la France, d'attaque pour les États-Unis). Le lancement de cette opération a été avancé de quelques années à la suite de la crise en Ukraine.

Airbus Helicopters concourt avec le Tigre contre l'Apache de l'américain Boeing et l'AW-129 Mangusta d'AgustaWestland. Les constructeurs intéressés avaient jusqu'au 1er août pour manifester leur volonté de participer à une étude du marché. Une demande d'informations (RFI) sera lancée mi-octobre et un appel d'offre (RFP) est attendu en 2015.

Michel Cabirol

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Commentaires 22
à écrit le 04/05/2015 à 13:14
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Les américains dépense beaucoup pour leur stations en europe (sauf France), dans l'OTAN, ce sont les principaux contributeurs, le France a refusé longtemps l'OTAN, c'est donc normal que les américains fournissent des armes aux pays proches de la Rus...

à écrit le 04/05/2015 à 13:06
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Encore bravo a Hollande bravo Ledrien, c'était pas gagné !

à écrit le 22/04/2015 à 9:57
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Le Fond européen alloué a la Pologne vont permettre d'acheter des armes afin de lui permettre de jouer son rôle dans l'OTAN! Et maintenir son agressivité face a la Russie!

à écrit le 21/04/2015 à 23:55
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J'ai du mal à me réjouir de cette nouvelle. Elle est certes bonne pour Airbus (les actionnaires), mais je doute que ce soit une bonne nouvelle pour la France. On va avoir Pologne + Allemagne, et le dindon de la farce, ça va être les français, une f...

à écrit le 21/04/2015 à 21:10
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Il reste le tres gros contrat pour les sous-marins.... DCNS est de la partie, contre les allemands de TKMS. Les polonais seraient très intéressés par la possibilité d'emporter le missile de croisière MdCN, qui est inclus dans l'offre française...

à écrit le 21/04/2015 à 21:04
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c'est dommage de lire de commentaire chauvin, Pologne aujourd’hui ne plus paye de dirige par les autres, aucun respect pour indépendance de paye "amie" ça confirme mes opinion, un polonais c'est un ouvrier, mais il doit faire ce que on lui dit do...

à écrit le 21/04/2015 à 18:43
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Bonsoir M. Cabirol, j'apprécie beaucoup vos articles comme beaucoup de personnes qui s'intéressent à ces grands contrats et au monde de l'aviation et du materiel militaire. Cependant, vous oubliez de mentionner le plus important dans cette affaire, e...

le 21/04/2015 à 19:39
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ne pleure pas camarad

le 21/04/2015 à 20:26
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Sans en avoir vu votre post, je me suis exécuté... Mais je n'avais pas encore de confirmation sur la décision pour Raytheon. Je l'ai, donc j'ai écrit un nouvel article ce soir. Bien à vous. Michel Cabirol

le 21/04/2015 à 21:07
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Article que je viens de lire ! Merci :-)

le 22/04/2015 à 14:09
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1) As I know EU doesn't support defensive projects their members, so it's financed by polish government from money of polish taxpayers only. 2) Poland chose an American offer in the field of medium-range missile defense out of regard for strategic i...

à écrit le 21/04/2015 à 16:56
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It looks worst than russian heli from the 60s :/

à écrit le 21/04/2015 à 15:55
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La Tribune ne semble pas vouloir publier mon commentaire. Pourtant ce ne sont que des faits tres facilement verifiables.

à écrit le 21/04/2015 à 15:12
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C'est le moment de relire certains commentaires qui avaient été posté sur le sujet de cette vente il y a 6 mois, ici-même... http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/20141113trib0392bd0ed/airbus-helicopters-a-t-il-e...

à écrit le 21/04/2015 à 15:00
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Voila a quoi ressemble la solidarite europeenne. La Pologne va recevoir 100 milliards d'euros de l'Europe sur 7 ans mais achete le systeme anti-missile Raytheon (au lieu du systeme europeen Eurosam) dont le contrat va representer 26 milliards de Zlo...

le 21/04/2015 à 23:26
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Mais je reve? (Desole pour le manque d'accents). Ce genre de commentaires me rend furieux. Je vis en Pologne, un grand pays europeen (par sa taille, pas par son economie bien sur), j'achete mon lait chez Auchan (quasi monopoliste avec Carrefour des g...

le 11/06/2015 à 15:43
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Bravo ! très juste et très bien dit : Merci

à écrit le 21/04/2015 à 14:44
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Cette victoire cache une enorme defaite. Le principal contrat qui etait celui du systeme de defense anti-missile a ete attribue aux americains.

à écrit le 21/04/2015 à 13:53
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bravo, super et la les 2,5 c'est du concret pas comme du max potentiel hyothetique comme en Coree !!!

à écrit le 21/04/2015 à 13:14
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Cocorico. Chapeau bas à Le Adrian et Hollande, n'en déplaise à tous leurs détracteurs.... !!!!!

le 21/04/2015 à 14:44
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Non, surtout chapeau à l'industriel et à ses commerciaux qui ont réussi à emporter le marché. L'état a sans doute été un facilitateur et c'est tant mieux pour le bien de tous les personnels qui travaillent dans cet établissement près de Marseille !!

à écrit le 21/04/2015 à 13:05
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Bravo Alain. CVlap clap. Tu vois tes efforts sont récompensés. Chapeau

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