Armement : la Serbie se rapproche fortement de la Russie

Par Michel Cabirol  |   |  679  mots
Le système antiaérien de courte portée russe, le Pantsir-S1, sera livré à la Serbie début 2020 (Crédits : Rosoboronexport)
Bombardée par l'OTAN en 1999, la Serbie confie sa défense aérienne à la Russie. Belgrade a acheté le système antiaérien de courte portée Pantsir-S1 et veut s'offrir le redoutable S-400.

Vingt-ans après les bombardements de l'OTAN contre Belgrade en mars 1999, l'exercice bouclier slave (Славянский щит) entre la Serbie et la Russie ainsi que l'acquisition du système sol-air de courte portée Pantsir-S1 (portée de 20 km) montrent un très net rapprochement entre les deux pays. Ces deux nouveaux événements "sonnent comme une revanche de la Serbie - et dans une certaine mesure de la Russie - sur l'OTAN", analyse un expert. Le président serbe Aleksandar Vucic a d'ailleurs proposé de baptiser ces appareils du nom de pilotes yougoslaves tués dans les combats contre l'OTAN en 1999. La Serbie avait également acheté cet été des systèmes de défense anti-aérienne à courte portée français Mistral 3 (MBDA). Après la Turquie, la Russie entend, quant à elle, consolider son emprise dans les Balkans.

Le Pantsir-S1 sera livré début 2020 mais d'ores et déjà le personnel serbe a été formé et a donc pu participer aux manœuvres bilatérales (23-20 octobre) pour parfaire leur formation. La première étape a eu lieu en septembre au Centre de formation et d'application au combat des forces aérospatiales russes de la région d'Astrakhan. Une formation en deux temps qui s'est bien passée puisque les Serbes ont abattu deux cibles le 25 octobre. C'est le premier déploiement à l'étranger du Pantsir-S1 par Moscou. La Serbie, qui veut également s'offrir le système anti-aérien russe S-400, est actuellement en train de moderniser un lot de MiG-29 (entre 6 et 10) cédés pour certains par la Biélorussie. Lors des bombardements de l'OTAN, un F-117 "furtif" avait été abattu par la défense sol-air, mais celle-ci n'avait pu empêcher les raids aériens sur ses troupes et sur Belgrade.

Renforcement de l'alliance serbo-russe

A l'évidence, Belgrade renforce son alliance avec Moscou en mettant l'accent sur la défense sol-air, une des capacités d'excellence de l'industrie d'armement russe, et clairement vue en Serbie comme une capacité de déni d'accès de son espace aérien. C'est d'ailleurs pour cela que les Serbes souhaitent acquérir une voire deux batteries de S-400, dont un système complet a été déployé sur la base aérienne serbe Batajnica dans le cadre des manœuvres serbo-russes. Leur acquisition est un principe décidé mais le budget fait défaut. "Cette position ne surprend pas puisque la Serbie avait déjà manifesté son intérêt pour le S-350 en 2013", rappelle cet expert.

Par ailleurs, la Russie négocie la vente à la Turquie de nouveaux systèmes S-400, dont un premier lot a été acheté par Ankara malgré les protestations de Washington, selon les déclarations à l'agence Interfax du chef de la société publique russe chargée des exportations d'armements, Rosoboronexport, Alexandre Mikheïev. Cette annonce est intervenue alors que la Russie et la Turquie affichent un rapprochement spectaculaire, dont le dernier exemple en date est l'accord conclu par les présidents Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, sur un retrait des forces kurdes du nord-est de la Syrie et le contrôle en commun d'une large partie de la frontière turco-syrienne.

La Turquie a commencé en juillet à recevoir des systèmes S-400 dans le cadre d'un contrat estimé à 2,5 milliards de dollars. "Ce contrat a été rempli avant les délais impartis", s'est félicité Alexandre Mikheïev, en marge du premier forum "Russie-Afrique" organisé à Sotchi (sud). Il a précisé que ces livraisons avaient nécessité l'envoi de 72 cargaisons par transport aérien. Ankara a acheté des S-400 russes malgré les protestations de Washington, qui estime notamment que ces armes ne sont pas compatibles avec les dispositifs de l'OTAN, dont la Turquie est membre. En réaction, les Etats-Unis ont écarté la Turquie du programme de développement de l'avion de combat furtif américain F-35, en dépit des investissements importants d'Ankara dans ce projet. Les autorités turques et russes espèrent que les premiers S-400 turcs seront déployés au printemps 2020, une fois les militaires turcs formés à leur utilisation.