Avions de combat : la Belgique tout près de lancer un appel d'offres

Par Michel Cabirol  |   |  855  mots
Le F-35 est le favori de l'armée de l'air belge pour le remplacement de ses vieux F-16. Mais où est la préférence européenne ?
Bruxelles est sur le point de lancer un appel d'offres pour renouveler sa flotte de combat. L'armée de l'air belge pourrait à nouveau s'offrir des appareils américains, notamment le F35, au détriment de la préférence européenne.

Après des années de tergiversations, la Belgique est tout près de lancer enfin un appel d'offres pour remplacer ses 59 vieux F-16 AM/BM, qui doivent être retirés du service entre 2023 et 2028. Selon la presse belge, La Chambre des représentants de Belgique (députés) a avalisé la semaine dernière le "Request for Governemental Proposal", en quelque sorte le cahier des charges du successeur du F-16 établi par le gouvernement belge. Ce document technique permettra aux avionneurs de proposer une solution conforme aux besoins du ministère de la Défense pour le renouvellement de la flotte de combat belge.

Les cinq prétendants sont déjà connus : Dassault Aviation (Rafale), le suédois Saab (Gripen), le britannique BAE Systems dans le cadre du consortium Eurofighter (Typhoon) et les américains Boeing (F-18) et Lockheed Martin (F-35). Le F35 semble être d'ailleurs le favori de l'armée de l'air belge. Le marché est estimé à 15 milliards d'euros sur toute la vie des avions de combat (coût de possession) pour une trentaine d'appareils (34). Les premiers avions à livrer sont attendus dès 2023.

Pourquoi la Belgique souhaite un avion américain

Pays membre de l'Union européenne et cœur de l'Europe, la Belgique devrait pourtant à nouveau choisir un avion de combat américain, vraisemblablement le F-35 pourtant victime de déboires technologiques et financiers à répétition. "Le 35 va être beaucoup, beaucoup plus cher que le Rafale, a estimé la semaine dernière le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier. Mais en Europe, c'est la préférence américaine. Scandaleux".

Pourquoi la Belgique pourrait-elle une nouvelle fois tourner le dos à la préférence européenne? Grâce à un critère déterminant qui devrait être inscrit dans le cahier des charges pour le remplacement des F-16 : la capacité d'emporter une bombe nucléaire de fabrication américaine. La Belgique assume cette mission depuis des décennies, mais le nombre s'est réduit à une seule: celle confiée aux F-16 stationnés à Kleine-Brogel (F-16A), qui sont capables d'emporter et de larguer une bombe nucléaire américaine B-61. En tout cas, Bruxelles qui souhaite la conserver, l'a fait récemment savoir.

"Au sein de l'Alliance, la Belgique a accepté, il y a cinq décennies déjà, que ses avions de combat possèdent aussi bien une capacité conventionnelle que nucléaire. Tenant compte d'une analyse réalisée en commun de la menace globale, l'OTAN nous demande de continuer à maintenir nos avions de combat disponibles pour d'éventuelles missions de cette nature. Nous comptons bien remplir toutes nos obligations dans ce cadre", a récemment expliqué », a fait valoir le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders.

Cela risque de biaiser la compétition et donc de favoriser le F-35 américain face à ses quatre concurrents : F/A-18E/F Super Hornet, Rafale F3R, JAS-39E/F Gripen et Eurofighter Typhoon. Seul le F-35 sera capable d'assurer la mission d'attaque nucléaire en emportant une bombe à gravitation américaine de type B-61. Il est conçu comme étant à double capacité (conventionnelle et nucléaire) et devrait pouvoir emporter une bombe B-61 dans une phase ultérieure de son développement, sans doute à partir de 2022. Ce qui n'est pas le cas pour les autres prétendants au marché belge, à l'exception toutefois du Rafale. Pas sûr pour autant que Washington partage les codes de mise à feu et de largage des B-61.

Proximité de l'armée de l'air belge et néerlandaise

En outre, l'armée de l'air belge est proche de celle des Pays-Bas, qui a sans hésitation acheté huit F-35 en mars 2015 sur une cible de 37 appareils. Après l'achat de Mirage 5 en 1968 et d'Alpha Jet en 1973, deux avions de Dassault Aviation, Bruxelles avait fini par choisir le F-16A/B de Lockheed Martin en 1975 au détriment du Mirage F1. La Belgique se ralliait ainsi au choix des Pays-Bas, de la Norvège et du Danemark pour le F-16 et signait un chèque à Lockheed Martin pour 116 F-16A/B. Car ces quatre pays de l'OTAN avaient décidé de faire un choix commun pour leur futur avion de combat.En 1983, elle avait signé un nouveau chèque à Lockheed Martin pour l'achat de 44 F-16A/B supplémentaires. Soit au total 160 F-16A/B.

"Je vois d'importants avantages à la coopération (militaire) entre nos pays, avait estimé en mai 2016 le commandant de la force aérienne néerlandaise, le général Alexander Schnitger à la chaîne publique flamande VRT, en faisant allusion aux missions menées en commun en Irak - et bientôt en Syrie pour les Belges - ou la défense commune de l'espace aérien du Benelux. Pourquoi ne pas faire tout simplement de deux relativement petites forces aériennes une seule grande".

Aussi, la Belgique devrait être naturellement tentée de s'inscrire dans le partenariat avec La Haye et de reformer le club des quatre (Belgique, Pays-Bas, Norvège et Danemark). La Haye, Oslo et Copenhague ont déjà choisi le F-35 au détriment d'un avion européen.