Budget défense 2017 : les industriels soumis à une diète sévère

Par Michel Cabirol  |   |  910  mots
Emmanuel Macron met les industriels de l'armement à la diète
Le décret d'annulation de 850 millions d'euros de crédits budgétaires sur le programme 146 (Equipement) a été publié au Journal officiel.

Le gouvernement a publié vendredi matin deux décrets, l'un portant sur des annulations de crédits budgétaires, l'autre sur des ouvertures de crédits. Comme l'avait révélé La Tribune la semaine dernière, les industriels seront mis à la diète en 2017. Ainsi, le ministère des Comptes publics a abondé le programme 178 de la mission défense (Préparation et emploi des forces) à hauteur de 643,2 millions d'euros au total. Dans le même temps, un autre décret a annulé 850 millions d'euros de crédits de paiement sur le programme 146 (Équipement des forces). Ils étaient déjà gelés.

"L'exécution prévisionnelle des dépenses des opérations extérieures et intérieures de défense excéderont la provision de 450 millions d'euros inscrite en loi de finances initiale, comme l'a relevé la Cour des comptes dans un audit de la situation des finances publiques réalisé à la demande du Premier ministre. Ce surcroît de dépense s'explique par l'activité des forces armées au-delà de leurs contrats opérationnels. Compte tenu des modalités d'exécution de ces dépenses, la mise à disposition des crédits ne peut attendre la loi de finances rectificative de fin de gestion. L'interruption des paiements d'ici là porterait atteint à la continuité des opérations sur les théâtres d'opération à l'étranger et sur le territoire national, ce qui justifie leur ouverture urgente".

Ce qui est "faux", a affirmé ce vendredi le député Républicain François Cornut-Gentille.  , "Le montant de 450 millions d'euros n'a pas été fixé en fonction du contrat opérationnel mais lors de l'adoption de loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019", a-t-il expliqué.

Et de rappeler ses propos lors de l'examen en commission des finances de la LPM, le 12 novembre 2013 : "le ministre a présenté une budgétisation prudente des OPEX comme une bonne nouvelle pour le ministère de la Défense, du fait du refinancement de ces opérations à partir des crédits gelés dans les autres ministères, mais cette  procédure, présentée comme un usage, n'est pas définitivement acquise pour Bercy et un risque pèse donc chaque année sur les OPEX, en fonction de la situation des finances publiques. L'argument selon lequel la solidarité paie les OPEX fragilise, en réalité, la loi de programmation militaire".

Par ailleurs, il a estimé que ces annulations de crédits budgétaires sont "en contradiction avec l'article 4 de la LPM toujours en vigueur : la dotation annuelle au titre des opérations extérieures est fixée à 450 millions d'euros. En gestion, les surcoûts nets, hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l'objet d'un financement interministériel".

Plus de 40 millions supplémentaires annulés

En outre, plus de 40 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires ont été annulés au sein du ministère des Armées. Soit au total près de 900 millions d'euros perdus par Florence Parly. Mais entre 643 millions d'euros de crédits de paiement ouverts et 891,8 millions d'euros d'annulations, il y a une différence de 248,6 millions. Où va ce delta? Toutes ces coupes ont fait littéralement exploser de colère le chef d'état-major des armées et ont conduit à sa démission.

"Je considère ne plus être en mesure d'assurer la pérennité du modèle d'armée auquel je crois pour garantir la protection de la France et des Français, aujourd'hui et demain, et soutenir les ambitions de notre pays", a-t-il écrit dans un communiqué transmis à Reuters. "Par conséquent, j'ai pris mes responsabilités en présentant, ce jour, ma démission au Président de la République, qui l'a acceptée", a-t-il fait valoir.

Parmi les 40 millions d'euros de crédits de paiement du ministère des Armées annulés, 25 millions portent sur le programme 169 (Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant), 15,6 millions sur le programme 191 (Recherche duale) qui devaient abonder les budgets du CNES et du CEA, et, enfin, 1,2 million sur le programme 167 (Liens entre la Nation et son armée), pourtant cher à Emmanuel Macron... La publication de ce décret est l'épilogue d'une crise majeure entre le président et les militaires, qui laissera des traces très longtemps. D'autant que les propos inélégants du porte-parole du gouvernement Christophe Castaner à propos du général de Villiers seront appréciés à leur juste mesure par les militaires.

"Le chef d'état-major a été déloyal dans sa communication, il a mis en scène sa démission", a affirmé Christophe Castaner dans les colonnes du Figaro. "Son départ n'a rien à voir avec son audition par la commission de la Défense, le 12 juillet, même si Pierre de Villiers aurait pu s'imaginer que ses propos allaient fuiter, à moins de manquer d'expérience", a-t-il poursuivi à propos de cette audition organisée à huis clos. "C'est son comportement qui a été inacceptable. On n'a jamais vu un Cema (chef d'état-major des armées, ndlr) s'exprimer via un blog, ou faire du off avec des journalistes ou interpeller les candidats pendant la présidentielle, comme cela a été le cas. Il s'est comporté en poète revendicatif. On aurait aimé entendre sa vision stratégique et capacitaire plus que ses commentaires budgétaires".