CMI, ce groupe belge qui rêve de s'offrir Renault Trucks Defense

Par Michel Cabirol  |   |  706  mots
Le groupe belge CMI, spécialisé dans les tourelles de véhicules blindés et la fabrication de canons (90, 105, 120 mm), veut racheter Renault Trucks Defense.
En dépit d'un veto du ministère de la Défense français, CMI Defence a exprimé son intérêt auprès de Volvo pour le rachat de Renault Trucks Defense, selon nos informations.

Et si finalement la partie était loin d'être gagnée pour le groupe franco-allemand KNDS dans le dossier de reprise de Renault Trucks Defense (RTD). Le favori du ministère de la Défense, KNDS (KMW Nexter Defense Systems), devra donc se montrer convaincant auprès du vendeur Volvo face à un prétendant inattendu, le groupe belge CMI, spécialisé entre autre dans les tourelles de véhicules blindés et la fabrication de canons (90, 105, 120 mm). Au total, le groupe présent dans la sidérurgie, l'énergie, l'environnement, les services et la défense, a réalisé environ 1,4 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2016, dont la moitié dans l'armement terrestre (CMI Defence).

Présidé par le Français Bernard Serin (actionnaire à 80% de CMI), ce groupe wallon basé à Liège, qui fête ses 200 ans d'existence en 2017, dispose de quelques atouts non négligeables pour séduire Volvo et s'offrir RTD à la barbe de KNDS. Et ce, en dépit du veto mis par le ministère de la Défense quand CMI est allé consulter l'Hôtel de Brienne, selon nos informations. Aujourd'hui "la porte s'est un peu ouverte", explique-t-on à La Tribune

Les cinq atouts de CMI pour s'offrir RTD

CMI, qui a approché en avril 2016 pour la première fois Volvo alors en pleine réflexion sur RTD, coche toutes les cases imposées par la France. A Paris, personne ne s'attendait à une candidature telle que celle de CMI. Le ministère de la Défense s'oppose à la vente de RTD à un fonds financier ou à un groupe allemand, Rheinmetall étant principalement dans le viseur. En outre, CMI est une entreprise non cotée solide sur le plan financier. Le groupe belge, qui disposait fin 2015 d'une trésorerie de 267 millions d'euros, a dégagé une marge de 8,5% cette année-là.

Par ailleurs, CMI Defence, dirigé par le Français Jean-Luc Maurange, connait bien RTD avec lequel il travaille depuis longtemps en lui fournissant des tourelles. Au-delà de cette relation avec sa cible, la filiale défense de CMI est la plus francophile des entreprises de défense belges. Elle achète des systèmes optiques chez Safran Electronics & Defense (ex-Sagem) et des tôles chez Constellium. Elle est également membre du GICAT. Par ailleurs, elle dispose d'implantations en France, dont la fabrication des canons de 90 et 105 à Distroff (Moselle). La filiale défense de CMI a également investi dans un centre de formation et un atelier de maintenance à Commercy (Meuse). Enfin, le groupe est en train de déménager son activité simulation rachetée à Silkan (Agueris) à Vélizy dans la région parisienne. Ce qui devrait rassurer Paris.

Surtout CMI peut s'appuyer sur l'envie de la Belgique d'entrer dans le programme Scorpion pour mettre la pression sur Paris. Potentiellement, Bruxelles souhaite acquérir 65 Jaguar et 550 Griffon. Soit 30% environ de la cible française (248 Jaguar et 1.722 Griffon). Ce qui est loin d'être négligeable. En contrepartie de son entrée dans Scorpion, la Belgique devrait certainement demander de mettre du contenu belge dans le Griffon et le Jaguar (CMI, Herstal, Thales Belgique...).

En outre, Volvo, qui ne veut pas se laisser imposer un seul acheteur, a réussi à gagner du temps. "Le processus dure plus longtemps que prévu", précise-t-on d'ailleurs à La Tribune. Pas sûr que la vente ait lieu avant l'élection présidentielle même si le groupe suédois va très prochainement ouvrir les "due diligence" pour RTD. Ce qui pourrait rebattre les cartes avec un nouveau gouvernement. D'autant que les actionnaires de Volvo souhaitent une compétition la plus ouverte possible pour en tirer le meilleur prix.

Pourquoi CMI s'est lancé

Jusqu'à peu de temps encore, CMI Defence, qui fournit plusieurs grands de l'armement terrestre comme General Dynamics, Textron et... RTD, souhaitait rester un tourellier indépendant pour vendre à tous les véhiculiers. Mais en mars 2016, la prise de participation de 49,9% dans le groupe finlandais Patria (véhicules blindés) par le norvégien Kongsberg (tourellier) interpelle les dirigeants de CMI. Un véritable changement de dogme dans ce segment de marché qui a été le déclic pour CMI... même si l'entreprise belge est consciente qu'elle peut perdre des contrats avec des donneurs d'ordres.