Défense : les neuf dossiers en suspens entre la France et l'Arabie Saoudite

Par Michel Cabirol  |   |  929  mots
La visite en Arabie Saoudite du Premier ministre Manuel Valls pourrait être l'occasion d'une annonce de Ryad portant sur une intention de commandes d'une trentaine de Super Puma AS332 C1e. Huit autres dossiers sont en attente d'une décision du royaume.

Accompagné du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, le Premier ministre Manuel Valls, est depuis lundi soir en Arabie Saoudite, qui souffre actuellement de la faiblesse du prix du baril et de son effort de guerre au Yémen. Un royaume où beaucoup de dossiers de défense avec la France sont en suspens depuis des mois pour certains, des années pour d'autres. A priori, la visite de Manuel Valls ne devrait pas faire l'objet de signature de contrats dans le domaine de la défense. A défaut, peut-être les Saoudiens pourraient-ils annoncer leur volonté d'acheter de nouveaux hélicoptères après les 23 appareils H145 fabriqués en Allemagne pour une valeur d'environ 500 millions d'euros.

Selon des sources concordantes, les Saoudiens seraient prêts à acheter à Airbus Helicopters une trentaine de Super Puma AS332 C1e, un appareil lancé en 2012 et acheté par la Bolivie fin 2013. Ce qui serait pour la filiale hélicoptériste d'Airbus une bouffée d'oxygène tant les commandes ont dû mal à se concrétiser en 2015 en dépit de belles annonces restées vaine pour l'heure au Qatar, au Koweït et en Pologne. Le groupe Airbus pourrait également en profiter pour faire avancer la vente de deux avions-ravitailleurs A330 MRTT supplémentaires, que l'Arabie Saoudite veut acheter. "Ils vont les acheter, c'est prévu", explique-t-on à La Tribune. La seule question, c'est de savoir quand. En revanche, l'A400M (il serait question d'une dizaine d'exemplaires) doit faire face à une forte concurrence avec l'avion de transport russe, l'Antonov.

Thales et Airbus, une offre commune pour quatre satellites

Les deux constructeurs de satellites Thales Alenia Space (TAS) et Airbus Space Systems ont conclu un accord global pour faire une offre commune en Arabie Saoudite pour la vente de quatre satellites (deux d'observation et deux de télécoms). Ce qui n'était pas le cas encore au début de l'été. Un appel d'offres sur lequel la France a longtemps cru qu'elle serait plus ou moins exemptée de concurrence par Ryad qui devrait annoncer une décision en 2016. Depuis les Américains ont débarqué en force sur cette campagne. Airbus Space Systems et TAS espèrent dupliquer en grande partie la très belle offre qu'ils avaient proposé avec succès aux Emirats Arabes Unis (EAU) dans le cadre du programme Falcon Eye s'agissant des satellites d'observation pour l'Arabie Saoudite. Comme à Abu Dhabi, c'est le gouvernement français qui pilote largement ce projet auprès de Ryad.

Par ailleurs, le serpent de mer Mark 3 (Crotale NG) entre l'Arabie saoudite et la France est toujours bien vivant. Et l'on évoque à nouveau un besoin saoudien pour lutter contre les attaques à la roquette. Depuis de très longues années, Thales espère signer un contrat d'une valeur totale de 4 milliards d'euros pour équiper la défense anti-aérienne de courte portée du royaume, qui est composée de systèmes de missiles Shahine (Crotale amélioré, monté sur châssis AMX 30). Thales est le fournisseur attitré du Royaume depuis près de trente ans de sa défense anti-aérienne (contrat Al Thakeb en 1984). Un contrat jamais signé, mais toujours remis sur la table des négociations par la France, qui soutient le groupe d'électronique contre vents et marées au grand dam d'Airbus et de MBDA.

La France mise sur le naval

La France a plusieurs dossiers dans le naval sur le feu, notamment la vente de patrouilleurs. Un dossier qui n'en finit pas de changer de cap. Quatre chantiers navals (Piriou associé à DCNS au sein de Kership, CMN, Ocea et Couach) se livrent depuis près de deux ans une guerre impitoyable en coulisse où tous les coups sont permis. Longtemps la France a pensé que l'offre de Kership qu'elle soutenait, tenait la corde, face à Ocea. Puis ce fut le tour de Couach, que l'on donnait gagnant et qui est aujourd'hui exclu de l'appel d'offres. Selon nos informations, Kership, Ocea et CMN ont déposé tous les trois une proposition pour livrer entre 25 et 30 patrouilleurs de 30 mètres. Soit un contrat estimé à 600 millions de dollars sans les armements (missile anti-navire Marte de MBDA).

Ryad serait en outre intéressé par dix corvettes Gowind de 2.500 tonnes, identiques à celles que DCNS a vendu à l'Egypte. La forte coopération entre les marines saoudienne et égyptienne serait un vrai atout pour la France. Mais l'Espagne, qui développe la corvette Avante 1800, se montrerait aussi très intéressée par les besoins de la marine saoudienne. Les industriels français craignent beaucoup les relations très étroites entre Ryad et l'ancien roi d'Espagne, Juan Carlos. C'est lui qui avait notamment permis en 2011 au consortium Al-­Shoula, formé de plusieurs compagnies saoudiennes et espagnoles (Talgo, Renfe, ADIF, OHL), de souffler ce contrat à Alstom, notamment. A plus long terme, DCNS espère vendre six frégates FREMM très fortement armées à Ryad (Sawari 3).

Le contrat Donas freiné

Le contrat Donas est l'un des dossiers les plus compliqués du moment entre la France et l'Arabie Saoudite, qui souhaite revoir la liste des équipements qui sont livrés à l'armée libanaise pour des raisons de sécurité. Les livraisons sont donc ralenties entre Paris et Beyrouth. En 2014, l'Arabie Saoudite avait signé pour le compte du Liban 31 contrats pour un montant de 3 milliards de dollars (soit environ 2,6 milliards d'euros) avec les groupes français, par l'intermédiaire d'ODAS, qui intervient essentiellement dans le royaume. Sur ces 3 milliards promis par Ryad, 2,1 milliards sont consacrés à l'achat de matériels et 900 millions à leur entretien.