Drone : coup de gueule du patron de Redbird contre une réglementation d'un autre âge

Par Michel Cabirol  |   |  722  mots
Les pilotes de drones civils vont-ils devenir les "bad boys" du secteur aérien?
Le patron et co-fondateur de Redbird, Emmanuel de Maistre regrette que la récente mise à jour de la réglementation portant sur les drones n'apporte "malheureusement pas de changement fondamental et ne permettra pas une adoption massive des technologies drones".

Les pilotes de drones civils vont-ils devenir les "bad boys" du secteur aérien? En tout cas, la multiplication des incidents entre des drones et des avions commerciaux et les survols illicites au-dessus des centrales nucléaires freinent considérablement le développement de la filière drones en France. Pourquoi? Principalement parce que la direction générale de l'aviation civile (DGAC) reste encore très frileuse pour assouplir vraiment la réglementation sur les drones civils en dépit de sa mise à jour le 1er janvier 2016. Un simple toilettage qui hérisse les industriels du drone civil (2.300 constructeurs et opérateurs), à commencer par le patron et co-fondateur de Redbird, Emmanuel de Maistre même si ce dernier estime que "cette évolution présente quelques avancées encourageantes".

Mais "cette mise à jour n'apporte malheureusement pas de changement fondamental et ne permettra pas une adoption massive des technologies drones", a regretté Emmanuel de Maistre.

Pour Emmanuel de Maistre, l'industrie du drone civil a "un impérieux besoin d'avancées réglementaires plus rapides et plus audacieuses pour soutenir le développement". Car, selon lui, d'autres pays, en particulier les États-Unis, "avancent plus vite que la France et vont la dépasser". Ainsi, la Federal Aviation Administration (FAA), agence gouvernementale chargée des règlementations et des contrôles concernant l'aviation civile aux États-Unis, a "une approche plus pragmatique". L'industrie du drone civil américaine se développe à toute vitesse. "3.500 opérateurs se sont créés en douze mois aux États-Unis", précise-t-il. C'est d'ailleurs pour cela que Redbird, qui développe des solutions logicielles pour collecter et traiter des données issues des drones, s'est récemment implanté à San Francisco (Californie).

Une réglementation d'un autre âge

L'ancien président de la Fédération professionnelle du drone civil (FPDC) tempête entre autre contre une disposition, qui exige d'adresser un formulaire écrit de déclaration de vol en zone peuplée (CERFA) quinze jours avant la mission. "Cette disposition n'est plus franchement en phase avec les nouvelles technologies", estime-t-il. D'autant qu'il devrait y avoir à termes en France plusieurs dizaines de milliers de vols par an avec le développement de nombreuses applications liées aux drones, contre aujourd'hui quelques milliers, précise-t-il. Aux États-Unis, les opérateurs professionnels de drones peuvent faire leurs déclarations de vol "électroniquement", fait-il remarquer. Très clairement une réglementation d'un autre âge...

Le scénario S4 (vol hors vue) n'est pas significativement modifié alors qu'il représente "une opportunité économique majeure", estime-t-il également. En outre, souligne Emmanuel de Maistre, des flous subsistent, en particulier sur la définition des zones peuplées. "Les arrêtés auraient dû être beaucoup plus clairs, précis, ambitieux et corriger les carences de la législation de 2012. Ce n'est manifestement pas le cas", regrette-t-il. Il estime que "cette lenteur législative impactera l'évolution du marché français des drones civils".  Et le patron de Redbird compte sur une réglementation européenne en cours d'élaboration par l'Agence européenne de la sécurité aérienne pour supplanter éventuellement la réglementation française "si cette dernière n'a pas clairement prouvé son efficacité".

Et la sécurité?

Emmanuel de Maistre assure que les incidents impliquant les drones, qui se multiplient, ne sont pas le fait des professionnels, notamment un A320 qui a évité de justesse une collision avec un drone volant à haute altitude dans le ciel parisien. "Malheureusement, nous n'en sommes qu'au début" de ce type d'incidents, estime-t-il. Plusieurs incidents ont été dûment signalés. En 2015, la gendarmerie des transports aériens a constaté huit cas de survols illicites autour de l'aéroport de Roissy et des enquêtes préliminaires ont été ouvertes, selon la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Aux États-Unis, le Centre d'étude des drones à l'université de Bard a enregistré 921 incidents impliquant des drones et des avions dans l'espace aérien américain, de décembre 2013 à septembre 2015. Trente-six de ces incidents étaient considérés comme "proches d'une collision". Dans 28 d'entre eux, les pilotes d'avions de ligne ont dû manœuvrer pour éviter une collision. L'Association européenne des pilotes de ligne a déjà demandé une étude pour évaluer les effets d'une collision entre un drone et un avion. "C'est une question urgente", a-t-elle estimé.