F-35 en Belgique : chronique d'une trahison annoncée de l'Europe de la défense

Par Michel Cabirol  |   |  930  mots
Si la sélection du F-35 était bien confirmée (vendredi prochain?), ce serait très clairement une véritable trahison de la Belgique, dont le cœur bat au rythme de l'Union européenne, à l'Europe de la défense. (Crédits : INTS KALNINS)
Selon la presse belge, Bruxelles a choisi l'avion américain, le F-35. Le gouvernement belge souhaite acheter 34 avions de combat pour remplacer ses F-16 vieillissants. Un contrat initial estimé à 3,6 milliards d'euros.

Ni Eurofighter, ni Rafale pour la Belgique. Mais le F-35, si on en croit la presse belge, qui a publié une rafale d'articles pour annoncer le choix du gouvernement belge en faveur de l'avion américain F-35 de Lockheed Martin. Si cette sélection était bien confirmée (vendredi prochain?), ce serait très clairement une véritable trahison de la Belgique, dont le cœur bat au rythme de l'Union européenne, à l'Europe de la défense. Une énorme claque également pour la France, qui plaide (dans le désert ?) pour une Europe de la défense, dont beaucoup de pays ne veulent manifestement pas : Suède (Patriot), Pologne, Roumanie... La claque est d'autant plus retentissante qu'Emmanuel Macron doit venir en novembre en Belgique à l'occasion d'une visite d'état.

Le F-35 plus cher que le Rafale

Pays membre de l'Union européenne et cœur de l'Europe, la Belgique devrait à nouveau choisir un avion de combat américain, le F-35 pourtant victime de déboires financiers et technologiques à répétition. "Le F-35 va être beaucoup, beaucoup plus cher que le Rafale, avait estimé en mars 2017 le PDG de Dassault Aviation, Eric Trappier. Mais en Europe, c'est la préférence américaine. Scandaleux". C'était déjà la chronique d'une trahison annoncée du gouvernement belge. Pourtant la France avait proposé un très vaste partenariat stratégique à la Belgique.

Cette proposition comprenait outre la fourniture de 34 Rafale de Dassault Aviation, plusieurs mesures de coopération, militaires et industrielles. Si le choix en faveur du F-35 se confirme, cela voudra dire que l'engagement politique et public du Premier Ministre à la mi-juin à la chambre de prendre en considération l'offre française de partenariat stratégique autour du Rafale de Dassault n'aura finalement pas été suivi d'effet.

Pourquoi?

Pourquoi la Belgique va-t-elle une nouvelle fois tourner le dos à la préférence européenne? Grâce à un critère déterminant qui devrait être inscrit dans le cahier des charges pour le remplacement des F-16 : la capacité d'emporter une bombe nucléaire de fabrication américaine. La Belgique assume cette mission depuis des décennies, mais le nombre s'est réduit à une seule: celle confiée aux F-16 stationnés à Kleine-Brogel (F-16A), qui sont capables d'emporter et de larguer une bombe nucléaire américaine B-61. En tout cas, Bruxelles qui souhaite la conserver, l'avait fait savoir.

"Au sein de l'Alliance, la Belgique a accepté, il y a cinq décennies déjà, que ses avions de combat possèdent aussi bien une capacité conventionnelle que nucléaire. Tenant compte d'une analyse réalisée en commun de la menace globale, l'OTAN nous demande de continuer à maintenir nos avions de combat disponibles pour d'éventuelles missions de cette nature. Nous comptons bien remplir toutes nos obligations dans ce cadre", avait fait valoir le ministre belge des Affaires étrangères, Didier Reynders.

Cela a biaisé la compétition et a favorisé le F-35 américain face à ses quatre concurrents : F/A-18E/F Super Hornet, Rafale F3R, JAS-39E/F Gripen et Eurofighter Typhoon. Seul le F-35 sera capable d'assurer la mission d'attaque nucléaire en emportant une bombe à gravitation américaine de type B-61. Il est conçu comme étant à double capacité (conventionnelle et nucléaire) et devrait pouvoir emporter une bombe B-61 dans une phase ultérieure de son développement, sans doute à partir de 2022. Ce qui n'est pas le cas pour les autres prétendants au marché belge, à l'exception toutefois du Rafale qui emporte déjà une arme nucléaire. Toutefois, l'Allemagne a également fait une demande formelle auprès des Etats-Unis pour intégrer la B-61 sous l'Eurofighter. En théorie, cette capacité pourrait être également certifiée sur l'avion de combat européen. Pas sûr pour autant que Washington partage avec qui que ce soit les codes de mise à feu et de largage des B-61.

Proximité de l'armée de l'air belge et néerlandaise

En outre, l'armée de l'air belge est proche de celle des Pays-Bas, qui a sans hésitation acheté huit F-35 en mars 2015 sur une cible de 37 appareils. Après l'achat de Mirage 5 en 1968 et d'Alpha Jet en 1973, deux avions de Dassault Aviation, Bruxelles avait fini par choisir le F-16A/B de Lockheed Martin en 1975 au détriment du Mirage F1. La Belgique se ralliait ainsi au choix des Pays-Bas, de la Norvège et du Danemark pour le F-16 et signait un chèque à Lockheed Martin pour 116 F-16A/B. Car ces quatre pays de l'OTAN avaient décidé de faire un choix commun pour leur futur avion de combat.En 1983, elle avait signé un nouveau chèque à Lockheed Martin pour l'achat de 44 F-16A/B supplémentaires. Soit au total 160 F-16A/B.

"Je vois d'importants avantages à la coopération (militaire) entre nos pays, avait estimé en mai 2016 le commandant de la force aérienne néerlandaise, le général Alexander Schnitger à la chaîne publique flamande VRT, en faisant allusion aux missions menées en commun en Irak - et bientôt en Syrie pour les Belges - ou la défense commune de l'espace aérien du Benelux. Pourquoi ne pas faire tout simplement de deux relativement petites forces aériennes une seule grande".

Aussi, la Belgique devrait être naturellement tentée de s'inscrire dans le partenariat avec La Haye et de reformer le club des quatre (Belgique, Pays-Bas, Norvège et Danemark). La Haye, Oslo et Copenhague ont déjà choisi le F-35 au détriment d'un avion européen.