Gel des exportations d'armes vers Ryad : Berlin fait boire la tasse à Airbus

Par Michel Cabirol  |   |  646  mots
L'Allemagne bloque l'exportation de plusieurs grands programmes européens auxquels participe Airbus vers plusieurs pays, dont l'Arabie Saoudite : outre le contrat de surveillance de frontière, les avions de combat Eurofighter Typhoon et Tornado, le missiles air-air Meteor de MBDA, l'avion de ravitaillement A330-MRTT ainsi que l'hélicoptère H145 et l'avion de transport CASA C295 (Crédits : FAISAL AL NASSER)
La suspension prolongée des licences d'exportation de matériels de défense à l'Arabie saoudite par Berlin s'est traduit par un impact financier de 297 millions d'euros sur les comptes d'Airbus au premier trimestre 2019. Paris compte arriver à un accord avec Berlin sur des principes partagés d’exportation au moment du lancement du SCAF (Système de combat aérien du futur).

Pour Airbus, l'addition, qui s'élève à 297 millions d'euros, est sévère. La suspension prolongée des licences d'exportation de matériels de défense à l'Arabie saoudite par Berlin s'est très concrètement traduit par un impact financier sur les comptes du groupe européen au premier trimestre 2019. Cette décision du gouvernement allemand pèse sur l'EBIT du groupe à hauteur d'une provision de 190 millions, à laquelle se sont ajoutées des pertes de change, selon le nouveau directeur financier d'Airbus, Dominik Asam. Ces "ajustements" ont fait fondre le bénéfice net à seulement 40 millions d'euros. Soit 86% de moins que sur la même période il y a un an (283 millions d'euros).

Actuellement, le constructeur européen ne peut plus livrer certains éléments du système de surveillance des frontières qu'il a vendu en 2009 à l'Arabie Saoudite pour 2,5 milliards d'euros environ. "Nous sommes pieds et poings liés et nous ne pouvons pas exécuté comme prévu le contrat export saoudien", a regretté Dominik Asam, ajoutant que les discussions se poursuivaient toutefois avec Ryad. "Nous devons maintenant regarder de près ce qui se passe dans l'environnement politique", a-t-il expliqué, précisant qu'il était "trop tôt pour faire un commentaire sur un éventuel impact" sur le contrat. "Nous devons évaluer la probabilité pour nous de vraiment assurer le contrat exactement tel que convenu" à la signature, a-t-il affirmé. Mais tout dépendra de

Berlin bloque les exportations de Londres et Paris

Décidé après l'assassinat du journaliste Jamal Kashoggi le 3 octobre, le gel des ventes d'armes à l'Arabie saoudite suscite des crispations avec les principaux alliés de Berlin, en première ligne la France et la Grande-Bretagne. Le gel allemand est également lié à l'implication de l'Arabie saoudite dans la guerre au Yémen qui a fait plus de 10.000 morts depuis 2015. Des systèmes communs avec la France et le Royaume-Uni sont concernés en raison de la présence de composants allemands.

Airbus est très affecté par ce gel, notamment dans le cadre du contrat de surveillance des frontières. Mais pas que... L'Allemagne bloque l'exportation de plusieurs grands programmes européens auxquels participe Airbus vers plusieurs pays, dont l'Arabie Saoudite : les avions de combat Eurofighter Typhoon et Tornado, le missiles air-air Meteor de MBDA (détenu à 37,5% par Airbus), l'avion de ravitaillement A330-MRTT ainsi que l'hélicoptère H145 et l'avion de transport CASA C295.

Quel dénouement?

En France, on se félicite dans l'entourage de la ministre que "le sujet des exportations soit sur la table" entre Paris et Berlin, fait-on valoir dans l'entourage de la ministre. Des groupes de travail se réunissent de façon très régulières entre la France et l'Allemagne. Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), la direction générale pour l'armement (DGA), le Quai d'Orsay et le ministère des Armées y participent. "On essaie de se mettre d'accord sur des principes partagés d'exportation", explique-t-on. En outre, la ministre des Armées Florence Parly appelle régulièrement son homologue allemande, Ursula Von der Leyen, sur ce sujet.

La France espère bien sûr atterrir dans des conditions qui lui "soient favorables". Et elle vise un accord "au moins sur les principes" au moment où les contrats de R&T (Recherche et Technologie) seront signés dans le cadre du programme Système de combat aérien du futur (SCAF). Ce qui semble cohérent, surtout si l'Allemagne et la France lancent le programme SCAF et celui du MGCS (Main Ground Combat System ou le système de char du futur). "Ce serait bien d'avoir au moins les principes d'exportation communément agréés" par les deux pays, insiste-t-on dans l'entourage de la ministre. Le plus petit dénominateur commun en quelque sorte...