L’Europe est-elle capable de lancer un drone MALE "Made in Europe" ?

Par Michel Cabirol  |   |  827  mots
Jusqu'ici aucun des programmes lancés en matière de drones MALE n'a passé le cap de l'industrialisation : EuroMale, Talarion, Advanced UAV, Mantis/Telemos, Voltigeur. Une vue d'artiste du projet de drone européen, baptisé Male 2020 (Moyennne altitude longue endurance)
Face aux drones MALE américain et israélien, l’Europe se lance enfin dans la course. L'Allemagne, la France et l'Italie ont récemment décidé de lancer des études pour un système de troisième génération. Pour autant, le gâchis européen jusqu'ici en matière de drone MALE incite encore à la prudence. Ce sera l'un des thèmes abordés le 12 juin lors du Paris Air Forum organisé par La Tribune et sur lequel débattront le chef d'état-major de l'armée de l'air, le général Denis Mercier et le directeur général adjoint de Thales, Pierre-Eric Pommellet.

Peut-il y avoir une place sur le marché pour un programme de drone MALE européen face aux actuels systèmes en service, le Reaper américain et le Heron TP israélien, qui raflent la plupart des appels d'offre, et surtout leur successeur de troisième génération ? A la seule condition de consolider une volonté politique européenne commune, notamment en Allemagne, en Espagne, en France, en Italie et en Pologne pour l'achat d'un système développé et fabriqué par un consortium d'industriels du Vieux-Continent. C'est déjà pratiquement le cas, Berlin, Paris et Rome ont récemment annoncé vouloir lancer une étude de définition afin de préparer la phase de développement d'une drone MALE européen.

Un succès après une succession d'échecs?

Une fois la décision politique acquise - ce qui n'était pas un mince défi pour Jean-Yves Le Drian qui s'est beaucoup investi -, encore faut-il harmoniser ensuite le besoin capacitaire ainsi que le calendrier de mise en service d'un drone MALE dans les trois armées européennes. Surtout, le pari sera de confirmer ces bonnes intentions car jusqu'ici, aucun des programmes lancés en matière de drones MALE n'a passé le cap de l'industrialisation (EuroMale, Talarion, Advanced UAV, Mantis/Telemos, Voltigeur...) .

Et si aujourd'hui il y a bien un drone MALE européen, qui domine le marché européen, c'est un système "Made in USA". Le Reaper de l'américain General Atomics équipe déjà les armées française, britannique et italienne. Les Pays-bas et l'Allemagne sont également proches d'un achat de systèmes américains. Bref, c'est un grand chelem pour le Reaper, qui surpasse de loin l'avion de combat F-35 de Lockheed Martin, pourtant sélectionné par de nombreux pays du Vieux-Continent.

Une annonce officielle au salon du Bourget?

Bref, c'était loin d'être gagné - cela ne l'est toujours pas pour autant - mais le ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian, qui a toujours voulu y croire en dépit de l'ampleur du défi, a passé un premier col de montagne. "Notre effort en matière de drones de surveillance et d'ISR (Intelligence, Surveillance & Reconnaissance, ndlr) devrait être accentué, avec notamment, dès cette année, le lancement des études relatives au futur drone européen, que la France envisage à l'horizon 2025 avec l'Allemagne et l'Italie", avait-il déclaré lors d'une conférence de presse en mars. Cette volonté politique s'est transformée en intention commune entre l'Allemagne, l'Italie et la France de lancer une étude de faisabilité.

Quand une décision définitive sera-t-elle prise? En principe en juin, à l'occasion du salon aéronautique du Bourget, qui ouvre ses portes le 15 juin, les trois pays pourraient officiellement confier un contrat de 60 millions d'euros au total (20 millions par pays) aux industriels pour une première étude de faisabilité, via l'OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d'armement). Le coût de développement du futur drone de reconnaissance de type MALE est estimé à environ un milliard d'euros.

Combien de drones MALE en Europe?

Le ministère de la Défense français évalue le marché à 30 ou 40 système de drones MALE en Europe. Quels pays ? Outre la France, l'Italie et le Royaume-Uni, qui utilisent déjà des Reaper, l'Allemagne, la Pologne et les Pays-Bas pourraient très rapidement s'équiper de ce type de drones. Un marché qui intéresse fortement les industriels européens... même s'il est limité. Surtout sur le plan industriel, un programme de ce type est relativement modeste pour pouvoir accepter de nombreux partenaires.

"C'est la seule condition pour lancer un programme européen, note pourtant un observateur du secteur de la défense. Les Allemands, les Italiens et bien d'autres pays n'achèteront jamais un drone MALE de fabrication française". Et pourtant, la France, à travers son expertise tricolore chez Dassault Aviation, Thales, Safran, voire chez Airbus Group France, pourrait développer seule un tel programme.

Une coopération industrielle européenne

Du coup, Airbus Group, Dassault Aviation et Alenia Aermacchi ont proposé en mai 2014 une approche commune pour développer le drone européen de prochaine génération. Ils ont d'ailleurs remis leur proposition à la France, l'Allemagne et l'Italie. "Après avoir appelé au développement d'un tel système lors du dernier salon aéronautique du Bourget en 2013, les trois entreprises aéronautiques européennes les plus compétentes en la matière sont aujourd'hui d'accord sur les modalités pratiques d'une telle approche commune", avait-elle expliqué dans un communiqué commun.

Pas sûr pour autant que Dassault Aviation ait apprécié en mars dernier le "deal" entre Berlin et Paris : à la France, les satellites d'observation, à l'Allemagne, les drones MALE. Une affaire à suivre et qui ne sera pas un long fleuve tranquille... Surtout si Jean-Yves Le Drian quitte la barre du ministère de la Défense.

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