La France lance le successeur du porte-avions Charles-de-Gaulle

Par Michel Cabirol  |   |  839  mots
La phase d'études portant sur le programme de renouvellement du porte-avions Charles-de-Gaulle doit permettre d'établir l'architecture du futur bâtiment et de poser les bases de l'organisation industrielle. (Crédits : Philippe Wojazer)
Florence Parly lance le programme de renouvellement du porte-avions Charles-de-Gaulle, qui est évalué à 4,5 milliards d'euros. La ministre des Armées a annoncé une phase d'étude de 18 mois, d'un montant de 40 millions d'euros.

Florence Parly sera la ministre des Armées qui aura lancé "officiellement" lors du salon Euronaval, qui a ouvert ses portes mardi 23 octobre, "le programme de renouvellement" du porte-avions Charles-de-Gaulle, qui est évalué à 4,5 milliards d'euros. C'est à la fois vrai et faux : la ministre n'a lancé qu'une phase d'étude, d'un montant de 40 millions d'euros. Mais d'ici à sa mise en service à l'horizon 2030/2035, beaucoup d'eau aura glissé sur l'étrave du Charles-de-Gaulle, qui sera désarmé entre 2035 et 2040.

« Le Charles-de-Gaulle aura besoin d'un successeur, a affirmé Florence Parly lors de son discours au salon d'Euronaval. Dans un monde où seul l'immédiat compte, il était peut-être plus confortable de renvoyer ce choix à plus tard. Ce n'est pas vraiment ma conception du rôle des décideurs publics. C'est pourquoi je suis fière, aujourd'hui, ici, au Bourget, de lancer officiellement le programme de renouvellement de notre porte-avions ».

Mais le futur porte-avions sera-t-il vraiment lancé comme le souhaite aujourd'hui Florence Parly ? Car comme l'a souligné en février devant les députés, le Délégué général pour l'armement, Joël Barre, le renouvellement du porte-avions devra "faire l'objet de décisions à l'horizon 2020-2021, c'est-à-dire à peu près au moment de l'actualisation prévue de la loi de programmation militaire (LPM)". Le montant du porte-avions représente, étalé sur 10 ans, 0,02% du PIB, avait rappelé, en octobre 2017 à l'Assemblée nationale, le chef d'état-major de la Marine nationale, l'amiral Christophe Prazuck.

L'étude devra répondre à trois questions

Lancée par Florence Parly, cette étude, qui s'achèvera en 2020, permettra de déterminer ce que souhaite la France et comment elle le souhaite. Notamment elle doit permettre d'établir l'architecture du futur porte-avions, et de poser les bases de l'organisation industrielle nécessaire pour le bâtir dans les délais et les coûts. "Nous nous donnons 18 mois. 18 mois pour répondre à trois questions", a expliqué la ministre. "La première : quelles menaces devra-t-il affronter ? Quelles missions pour ce futur porte-avions ?", a-t-elle précisé. La deuxième, quelles coopérations. Enfin, la dernière question à laquelle la marine doit répondre, c'est celle de l'innovation. Et plus spécifiquement, l'étude devra répondre à quatre questions très précises : Quel mode de propulsion? Quel type de catapulte? Quels avions? Quel tonnage ?

« Nous devrons prendre en compte, aussi, les ruptures technologiques à venir. Je pense, par exemple, à la révolution que représentent les catapultes électromagnétiques", a expliqué la ministre. (...) "Ne limitons ni notre horizon, ni notre imagination. Nous ne devons pas refaire à l'identique, mais chercher les capacités les plus ingénieuses, les plus utiles et les plus efficaces. Faisons de ce porte-avions, une véritable base avancée de notre marine, aiguillon de notre innovation ».

Une fois la première réponse apportée, la DGA pourra "déduire les contraintes d'emploi, les besoins en termes de systèmes de combat et l'articulation nécessaire avec son escorte", a fait valoir la ministre. Le porte-avions devra notamment être capable d'accueillir l'avion de combat du futur (SCAF) dans toutes ses capacités. "Le mode de propulsion, nucléaire ou classique, sera examiné", a précisé Florence Parly. Un navire à propulsion conventionnelle pourrait être prêt trois ans avant un bâtiment à propulsion nucléaire, fait-on valoir à l'Hôtel de Brienne. Mais avec quelle facture énergétique ? Et si l'option nucléaire est plus chère d'environ 15% à 20%, elle permet d'avoir un navire en permanence à la mer en dehors des grandes rénovations, tous les dix ans. En tout cas, selon l'amiral Christophe Prazuck, "Naval Group pense que l'on pourrait construire un nouveau porte-avions en dix ans".

Quelles coopérations ?

Décidément, la coopération est une obsession pour la France. Ainsi, Florence Parly souhaite "garder un œil sur les coopérations que nous pourrions mener. Des coopérations pour le navire lui-même, peut-être, mais aussi des coopérations pour permettre au porte-avions nouvelle génération d'accueillir des aéronefs de nos partenaires européens". Car, selon elle, ce porte-avions pourra servir jusqu'aux dernières décennies du XXIe siècle. "Nous ne pouvons pas nous permettre de le concevoir avec un horizon étriqué", a-t-elle fait valoir.

Pour autant, la France a déjà expérimenté la coopération sur les porte-avions avec le succès que l'on connait. Ainsi, la coopération franco-britannique sur un projet commun de porte-avions a entraîné un important surcoût "de plus de 200 millions d'euros en 2013 pour les finances publiques, sans véritable contrepartie pour la France", avait estimé la Cour des comptes. Les marins britanniques doivent encore sourire de la naïveté des "Frenchies", qui avaient financé à fonds perdus la construction du Queen Elizabeth et du Prince of Wales. En octobre 2017, le chef d'état-major de la marine avait estimé, qu'à l'exception des Britanniques, il ne voyait "pas d'autre pays européen avec lequel on pourrait faire le même rapprochement". "Malheureusement, la fenêtre britannique sur le porte-avions me paraît fermée", avait-il conclu.