Le crash pour la constellation satellitaire OneWeb ?

Par Michel Cabirol  |   |  793  mots
Lancement de 34 satellites OneWeb à Baïkonour le 21 mars dernier (Crédits : Arianespace)
OneWeb a déposé une "demande volontaire" auprès du tribunal de faillite des États-Unis pour se mettre sous la protection du chapitre 11.

Article actualisé le 28 mars à 23h36 (communiqué d'Arianespace)

C'est véritablement un coup très dur pour Airbus et Arianespace. Basé à Londres, OneWeb a annoncé vendredi dans un communiqué qu'il avait déposé une "demande volontaire" auprès du tribunal de faillite des États-Unis dans l'état de New York pour se mettre ainsi que certaines de ses filiales sous la protection du chapitre 11, la procédure de sauvegarde américaine, qui lui permet d'échapper à court terme à la faillite et poursuivre ses activités (période de 120 jours, qui peut être prorogée). OneWeb a indiqué qu'il voulait mettre à profit ce délai pour vendre ses activités pour "maximiser la valeur de la société". Le Covid-19 est-il un prétexte ? En tout cas, le PDG de OneWeb Adrian Steckel a expliqué cette situation comme "la conséquence de l'impact économique de la crise Covid-19".

Airbus fabrique en Floride dans le cadre d'un partenariat avec OneWeb (OneWeb Satellites) les 650 satellites tandis que Arianespace a dans son carnet de commandes 18 lancements OneWeb encore à réaliser. Dans un communiqué publié samedi soir, la société européen de services de lancement a précisé qu'elle fait partie des "créanciers dans le document déposé le 27 mars" par OneWeb. "Arianespace surveillera le déroulement de cette procédure, conformément à ses droits et engagements, et n'a pas d' autres commentaires à faire à ce moment", a expliqué la société.

Une constellation de 650 satellites

Jusqu'à présent, OneWeb a déployé un réseau de 74 satellites sur une orbite polaire à une altitude de 450 kilomètres. Les 40 premiers satellites de la constellation avaient été mis en orbite par Arianespace en trois temps : en février 2019 depuis Kourou pour les six premiers, puis en février 2020 depuis Baïkonour pour les 34 suivants, et, enfin, le 21 mars dernier, 34 nouveaux satellites. L'opérateur de satellites s'est donné pour mission de fournir de l'internet haut-débit, grâce à une constellation de satellites de nouvelle génération qui permettra en principe d'apporter la connectivité pour tous et partout dans le monde. Ce système doit comprendre d'abord 650 satellites, puis 900.

Une demande ? OneWeb, qui emploie environ 500 personnes, a expliqué que son équipe commerciale de OneWeb a constaté "une demande mondiale significative" pour les services de connectivité à haute vitesse et à faible latence de la part des gouvernements et entreprises dans l'automobile et les transports maritimes et aériens notamment. OneWeb, qui est en concurrence avec la constellation Starlink de SpaceX (300 satellites déjà en orbite), devrait commencer les démonstrations clients en 2020 et fournir une couverture mondiale 24h/24 aux clients en 2021.

Investissements très lourds

Le plus grand défi de OneWeb était de prouver qu'il avait la capacité financière de réaliser un lourd investissement. C'est raté. Pourtant, OneWeb a levé plus de 3 milliards de dollars (dont 1,2 milliard en 2016 et 1,3 milliard en 2019), principalement auprès d'investisseurs de premier plan comme Softbank, Airbus, Virgin Group de Richard Branson, Coca-Cola eQualcomm. Depuis le début de l'année, OneWeb avait engagé des négociations pour compléter le financement du déploiement de sa constellation éponyme et son lancement commercial.

"Alors que la société était sur le point d'obtenir un financement, le processus n'a pas progressé en raison de l'impact financier et des turbulences du marché liées à la propagation de Covid-19", a expliqué OneWeb. L'opérateur de satellites était semble-t-il en négociations avec son partenaire Softbank, le géant japonais des investissements dans les nouvelles technologies pour une nouvelle tranche de financement de 2 milliards de dollars environ.

Softbank dans les cordes

Mais les difficultés de financement de l'opérateur satellitaire ne datent pas de la crise provoquée par le Covid-19 même si ce dernier a accéléré son crash. En août 2019, SoftBank avait déjà déprécié sa participation dans OneWeb pour 380 millions de livres (450 millions de dollars). En grande difficulté depuis plusieurs mois, son principal bailleur a été plombé ces derniers mois par de lourdes dépréciations liées à ses investissements dans WeWork et Uber notamment. Il avait jusqu'à présent limité la casse grâce surtout à des bénéfices exceptionnels liés à sa participation au capital du géant chinois du commerce en ligne Alibaba. Le groupe a  subi une petite perte opérationnelle sur les neuf premiers mois 2019/2020, à hauteur de 13 milliards de yens (108 millions d'euros).

Conséquence, poussé par le fonds activiste américain Elliott, Softbank a annoncé en début de semaine qu'il comptait vendre jusqu'à 4.500 milliards de yens (38 milliards d'euros) d'actifs dans les 12 prochains mois pour se désendetter et financer un énorme rachat d'actions. Est-ce que OneWeb reste une des priorités de Softbank, qui lui a déjà versé deux milliards de dollars depuis 2016 ?