Mistral : pourquoi la France s'en est bien sortie

Par Michel Cabirol  |   |  837  mots
Le dossier Mistral se conclut au mieux des intérêts de la France dans un environnement très compliqué
Même si la France va perdre de l'argent (entre 200 et 250 millions d'euros, selon le Sénat), elle ne s'en sort pas si mal à partir du moment où François Hollande a décidé de ne pas livrer les deux Mistral à la Russie. Paris et Moscou ont trouvé un accord équilibré et la revente des deux navires de guerre s'est faite en un temps record.

Incroyable dénouement pour la France dans l'affaire des Mistral non livrés à la Russie. Non seulement l'accord signé avec Moscou est plutôt un accord raisonnable pour Paris, mais la revente des deux Bâtiments de projection et de commandement (BPC) à l'Égypte est ce qui pouvait arriver de mieux à la France à partir du moment où Paris a choisi de ne pas livrer les deux BPC à la Russie, dont le premier exemplaire devait être livré le 1er novembre 2014.

Au final, le dossier Mistral se conclut de façon satisfaisante pour la France dans un environnement pourtant très compliqué. François Hollande savait par avance que sa décision allait provoquer une pluie de critiques. De toute façon, il n'y avait que des coups à prendre dans les deux cas : livrer ou ne pas livrer.

1/  La France s'épargne un douloureux arbitrage

Au regard de l'accord signé avec la Russie, le président peut estimer qu'il a eu finalement le nez creux. Paris a remboursé près de 950 millions d'euros début août à Moscou, dont 56,7 millions de frais de formation. Ce qui correspond essentiellement aux paiements de la marine russe (893 millions d'euros) au groupe naval DCNS pour la livraison des deux BPC. En plein marasme économique, la Russie fait également une jolie affaire financière grâce au taux de change euro/rouble qui lui est actuellement favorable. Moscou voulait aussi un remboursement rapide. Ce qui a été fait par Paris dès le 5 août une fois l'accord signé entre les deux capitales.

Une crise entre la France et la Russie pour la non livraison des deux navires de guerre aurait pu coûter jusqu'à 3 milliards d'euros au budget français (remboursement des avances de la marine russe à DCNS, pénalités pour non livraison et indemnités) si Moscou gagnait son arbitrage devant une cour internationale, expliquait-on au ministère de la Défense il y a un an. "En cas de rupture du fait de la France, on s'orientait vers trois ou quatre ans de procédure d'arbitrage plus ou moins publique et, selon nos avocats, des pénalités de l'ordre du milliard d'euros", a précisé début septembre le PDG de DCNS, Hervé Guillou.

"Cet accord a permis de ménager au mieux les intérêts français et d'éviter des arbitrages longs et coûteux qui auraient rendus les BPC indisponibles à la revente", a expliqué le 8 septembre au Sénat le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, Louis Gautier. Et selon la commission des finances du Sénat, le coût du dossier des deux BPC non livrés à la Russie et revendus à l'Egypte, s'élève entre 200 et 250 millions d'euros pour l'État français. Bref, l'accord de résiliation, qui a été négocié très rapidement (un peu plus de cinq mois), semble raisonnable pour les deux pays, qui restent en outre dans de bons termes diplomatiques, explique-t-on en France.

2/ La France échappe à de longues négociations pour la revente

Il n'a fallu que 49 jours pour revendre les deux Mistral, à quai depuis la fin de 2014 à Saint-Nazaire, entre l'accord de résiliation avec la Russie et l'annonce d'un "deal" entre la France et l'Égypte. Le Caire a réussi à avoir un bon prix. Logique mais ce n'est pas non plus la grande braderie que certains ont voulu faire croire. L'Egypte n'a même pas exigé de facilités de paiements, à l'image du prêt 'cofacé' pour les Rafale et la frégate FREMM. "Les Égyptiens paient cash", expliquent plusieurs sources. Bien sûr, la France va perdre de l'argent (entre 200 et 250 millions d'euros).

"Je ne sais pas ce que sera le prix de revente, mais plus nous vendrons vite, mieux nous vendrons", avait estimé Hervé Guillou avant l'annonce de l'accord entre la France et l'Egypte sur la vente des deux BPC..

Toutefois, la France va perdre beaucoup moins d'argent que si la revente s'était effectuée dans un, deux ou trois ans comme c'est souvent le cas dans les contrats de ce type. Les frais de gardiennage, les éventuelles obsolescences à gérer sur les deux navires et la perte de valeur auraient plombé la facture finale. Ce n'est pas le cas grâce à cet accord entre la France et l'Égypte inespéré par sa rapidité.

3/ Les industriels remboursés intégralement

Pour les industriels, notamment les sous-traitants comme STX et Thales, l'opération n'aura aucun impact sur leurs comptes de résultat"Le Premier ministre a arbitré, moyennant la souscription d'une prime complémentaire, au mois de mai, le principe d'une indemnisation à 100 % de tous les industriels ayant contribué" au contrat, a expliqué Hervé Guillou. Y compris pour leur marge bénéficiaire à l'exception de DCNS. La Coface ne rembourse pas la marge bénéficiaire. Le groupe naval l'a perdu dans le contrat avec la Russie mais il en a récupéré une petite partie dans l'accord avec l'Égypte.