Quand tout va mal, tout va très, très mal pour Airbus...

Par Michel Cabirol  |   |  1270  mots
Tom Enders, capitaine d'un bateau à la dérive?
Airbus a révélé s'être dénoncé aux autorités américaines pour des "inexactitudes" dans des ventes d'armes. Les commandes du groupe sont en chute libre.

Un véritable séisme... Après s'être dénoncé à la justice britannique, Airbus a transmis fin 2016 à Washington à la suite d'un examen de ses procédures de conformité avec la réglementation américaine "certaines inexactitudes dans les déclarations faites au Département d'Etat américain au titre de la partie 130 de la réglementation américaine sur la commercialisation d'armes (ITAR)". Le constructeur européen a précisé dans son communiqué sur les résultats portant sur les neuf premiers mois de l'année qu'il "coopère pleinement" avec les autorités américaines. "Nous continuons parallèlement à demander des licences à l'exportation et elles sont étudiées par les autorités compétentes", a expliqué le directeur financier du groupe Harald Wilhelm.

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Sur cette affaire distincte, le constructeur européen se dit incapable "d'estimer raisonnablement ni le temps nécessaire à la résolution de ces questions, ni le montant ou l'étendue des pertes potentielles, pénalités ou toute autre action gouvernementale, le cas échéant, susceptibles d'être encourues dans le cadre de cette affaire".

Un "impact substantiel" sur les résultats d'Airbus

 Actuellement Airbus est également confronté aux enquêtes initiées par le Serious Fraud Office (SFO) britannique et le Parquet National Financier (PNF) français à la suite de son auto-dénonciation auprès des autorités britanniques. Sur ces enquêtes, Airbus coopère également "pleinement avec ces deux autorités, y compris s'agissant d'éventuelles questions relatives à l'ensemble des activités d'Airbus". Enfin, Tom Enders est mis en cause dans une affaire présumée de corruption en Autriche et par ricochet en Allemagne.

Les enquêtes du SFO et du PNF, ainsi que les éventuelles pénalités qui en résulteraient, pourraient avoir "des conséquences négatives pour Airbus", a estimé le groupe. La condamnation potentielle au paiement d'amendes (et des sommes correspondantes) ou de toute autre sanction découlant des enquêtes du SFO et du PNF dépendra des conclusions factuelles et juridiques finales, et "pourrait avoir un impact substantiel sur les résultats financiers, commerciaux et opérationnels d'Airbus", a averti le constructeur. Toutefois, selon lui, "à ce stade, il est encore trop tôt pour déterminer la probabilité ou l'étendue de telles conséquences"C'est pour cela que ces procédures (SFO et PNF), ne font pas l'objet de provisions dans les comptes d'Airbus.

Les commandes en chute libre

Les enquêtes désorganisent sérieusement les équipes commerciales d'Airbus. Ainsi, les prises de commandes sur les neuf premiers mois de l'année 2017 se sont écroulées à 50,8 milliards d'euros (contre 73,2 milliards d'euros sur les 9 premiers mois de 2016). Ce qui porte la valeur totale du carnet de commandes, qui s'effrite, à 945 milliards d'euros au 30 septembre 2017 (fin 2016 : 1.060 milliards d'euros). Airbus a reçu 271 commandes nettes d'avions commerciaux (contre 380 avions à la même période), ce qui porte le carnet de commandes à 6.691 avions à fin septembre.

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Airbus Helicopters, dont les commandes résistent bien, a reçu 210 commandes nettes (contre 211 commandes nettes sur la même période en 2016), dont 14 H175 au troisième trimestre. Enfin, Defence and Space a continué d'enregistrer "une bonne dynamique", en particulier au sein de Military Aircraft, avec la commande de cinq A330 MRTT pour l'Allemagne et la Norvège au troisième trimestre, selon Airbus. Les prises de commandes générales de la division ont été impactées par les changements de périmètre consécutifs à la restructuration du portefeuille, ainsi que par un certain ralentissement sur le segment des satellites de télécommunications.

Chiffre d'affaires stable

Ce n'est pas une surprise, le chiffre d'affaires est resté stable en dépit de la chute des commandes à 43,0 milliards d'euros (9M 2016 : 42,7 milliards d'euros). Il est également impacté par les changements de périmètre au sein de Defence and Space, mais est en progression sur une base comparable. Airbus pioche logiquement dans son généreux carnet de commandes. Le chiffre d'affaires de Commercial Aircraft a progressé de 4%, avec la livraison de 454 avions (contre 462 avions sur la même période en 2016), dont 350 exemplaires de la famille A320, 50 A350 XWB, 45 A330 et neuf A380. Airbus a indiqué que 452 livraisons ont été comptabilisées dans le chiffre d'affaires des neuf premiers mois de 2017

Pour sa part, Helicopters a enregistré un chiffre d'affaires en légère hausse, avec la livraison de 266 unités (contre 258 unités sur la même période en 2016). Celui de Defence and Space a traduit un impact négatif d'environ 1,4 milliard d'euros résultant des changements de périmètre.

Effondrement de la trésorerie nette

La position de trésorerie nette au 30 septembre 2017 s'établissait à 6,7 milliards d'euros (fin 2016 : 11,1 milliards d'euros) après le versement du dividende 2016 de 1 milliard d'euros au deuxième trimestre, tandis que la position de trésorerie brute s'élevait à 18 milliards d'euros (fin 2016 : 21,6 milliards d'euros).

Le flux de trésorerie disponible avant fusions et acquisitions et financements des clients s'est amélioré pour s'établir à -3,34 milliards d'euros (-4,18 milliards), et ce malgré l'impact de l'augmentation des stocks induite par les retards de montée en cadence et de livraison des moteurs NEO. Le flux de trésorerie disponible de -3 2 milliards d'euros (-2 6 milliards d'euros sur la même période en 2016) comprend le produit de la cession de Defence Electronics d'environ 600 millions d'euros. La trésorerie disponible pour les financements des clients s'est améliorée. "Le contexte général des financements des clients reste sain, avec un niveau élevé de liquidités disponibles sur le marché. Airbus continue de travailler auprès des Agences de crédit export pour rétablir certaines sources de financement", a-t-il expliqué dans son communiqué.

Objectif de livraisons d'avions commerciaux ratés en 2017?

Pour établir ses perspectives en 2017, Airbus table sur des taux de croissance de l'économie mondiale et du trafic aérien international conformes aux prévisions indépendantes qui prévalent et sur l'absence de perturbation majeure. Ainsi, le constructeur prévoit la livraison de plus de 700 avions commerciaux, sous réserve que les motoristes respectent leurs engagements. D'ores et déjà, selon des sources internes, le constructeur ne parviendra pas à réaliser son objectif de livraison. Ce qu'a confirmé ce mardi Harald Wilhelm qui a précisé que le groupe devrait livrer un peu moins que les 720 unités envisagées par sa direction en raison des retards de moteurs pour l'A320neo. Sur le programme phare d'Airbus, l'A320neo, 90 exemplaires au total ont été livrés à 19 clients. 

"Des défis demeurent quant à la montée en cadence de production de l'A320neo, mais les livraisons devraient sensiblement s'accélérer au quatrième trimestre", a expliqué Airbus.

Avant fusions et acquisitions, Airbus prévoit une amélioration de quelques pourcents de l'EBIT ajusté par rapport à 2016 et prévoit également un flux de trésorerie disponible stable par rapport à 2016. Le changement de périmètre de Defence and Space devrait réduire l'EBIT ajusté et le flux de trésorerie disponible avant fusions et acquisitions et financements-clients d'environ 150 millions d'euros.

"Notre solide carnet de commandes et un environnement commercial sain continuent de soutenir nos programmes de montée en cadence de production des avions commerciaux, a estimé le président exécutif (CEO) d'Airbus, Tom Enders, Nous confirmons nos prévisions : en dépit des problèmes de moteur que notre famille A320neo a rencontrés, les livraisons s'accéléreront nettement en fin d'année".