SCAF : les motoristes (Safran et MTU) dans une impasse improbable

Par Michel Cabirol  |   |  619  mots
(Crédits : Airbus)
Le Parlement allemand bloque l'organisation sur le volet des motoristes souhaitée par la France dans le cadre du programme Système de combat aérien du futur (SCAF).

Le SCAF est cloué au sol depuis le début de l'été. Le Parlement allemand, le Bundestag  paralyse ce programme majeur en bloquant l'organisation mise en place par la France pour les deux motoristes (Safran et MTU Aero Engines) montés à bord du Système de combat aérien du futur (SCAF). C'est l'un des blocages les plus importants et les plus incroyables de ce programme. Résultat, Safran et MTU sont actuellement dans une impasse et le programme SCAF n'avance plus. "Nous avons signé un accord équilibré avec le motoriste MTU", avait pourtant estimé dans une interview accordée en juillet à La Tribune le directeur général de Safran, Philippe Petitcolin. Que se passe-t-il ? A l'image des autres lots du programme (avion de combat, combat connecté, remote carrier...), la France a exigé la mise en place d'une organisation avec un chef de file et un partenaire principal (main partner).

"C'est la règle prise pour l'ensemble du programme, avait expliqué à La Tribune Philippe Petitcolin. Est-ce que les moteurs peuvent rentrer dans ce cadre générique comme les systèmes, comme l'avion, ou pas ? Moi, j'y suis favorable. Je ne vois pas pourquoi les moteurs n'en feraient pas partie".

En charge de ce programme, la direction générale de l'armement (DGA) a logiquement désigné Safran comme chef de file, et MTU comme partenaire principal sur la partie moteur. C'est ce sur ce point précis que le Bundestag bloque tout. Influencé par une poignée de parlementaires paraissant protéger de façon excessive peut-être l'industrie allemande - Henning Otte (CDU) et Fritz Felgentreu (SPD) avec Eckhardt Rehberg (UC) et Johannes Kahrs (SPD) - le parlement allemand est monté au créneau pour rejeter cette organisation mise en place par la France et acceptée pourtant par le gouvernement fédéral. Les parlementaires allemands souhaitent une parité dans le leadership entre MTU et Safran. D'où la difficulté de coopérer avec l'Allemagne. Pourtant, selon l'accord signé entre les deux groupes, le moteur sera développé à parité par Safran et MTU Aero Engines. La répartition des rôles s'est faite sur le principe du "meilleur athlète" : l'objectif est que chacun travaille dans son domaine d'expertise.

Comment sortir de l'impasse?

Depuis le début de l'été, le programme SCAF n'avance donc plus. Ce qui inquiète de plus en plus les deux industriels maîtres d'oeuvre du programme, Dassault Aviation et Airbus. Pour sortir de cette impasse, on évoque chez le constructeur européen la constitution d'un consortium entre les deux industriels. Mais cette solution n'a semble-t-il pas les faveurs de la France, qui reste ferme sur les principes de l'organisation du programme. Si le blocage persiste, on souhaiterait chez Airbus dissocier le volet moteur du reste du programme de façon à avancer avec Dassault Aviation sur les autres volets.

Car, comme la notification des démonstrateurs n'a pu se faire ni en juin dernier, lors du Salon du Bourget comme prévu initialement, ni en septembre, "on évoque aujourd'hui la fin de l'année", a indiqué lors de l'Université d'été de la défense sur la base aérienne d'Avord, le PDG de Dassault Aviation. "Attention que cela ne se décale pas encore", a averti Eric Trappier. "Ce n'est pas de l'impatience, c'est indispensable pour conserver la dynamique initiée en 2017", a-t-il insisté. Et de rappeler que "si l'ambition des Etats est que le NGF (Next Generation Fighter, ndlr) soit opérationnel en 2040, alors, il n'est que temps de lancer un démonstrateur pour permettre un premier vol en 2025-26". Un échec serait catastrophique et l'Allemagne en porterait une lourde responsabilité. Surtout juste pour une question de forme...