Sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE) : Montebourg veut sortir le français Segault des griffes américaines

Par latribune.fr  |   |  804  mots
Pour contrer l'OPA américaine, Arnaud Montebourg se dit prêt à se porter acquéreur grâce à une alliance avec un fonds d'investissement. (Crédits : Reuters)
La maison mère canadienne de Segault, un fournisseur de Naval Group et de l'industrie nucléaire française, fait l'objet d'une OPA du groupe américain Flowserve Corporation. Ce que dénonce l'ancien ministre dans une lettre adressée à Bruno Le Maire, alertant sur les conséquences « lourdement préjudiciables aux intérêts de notre Nation ». Pour empêcher cette opération, il se propose de se porter acquéreur grâce à une alliance avec un fonds d'investissement.

Que va-t-il advenir de Segault ? Cette société française, fondée en 1921 et fournisseur pour l'industrie nucléaire française, pourrait bien finir sous le giron américain comme La Tribune l'a dévoilé le 25 mars, ce que dénonce l'ancien ministre, Arnaud Montebourg, dans une lettre adressée au ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, en date du 31 mars.

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La maison mère de Segault, la société de droit canadien Velan, « s'apprête à être rachetée par OPA par Flowserve Corporation, une société multinationale américaine », a-t-il ainsi expliqué dans sa missive que l'AFP a pu consulter. Fin mars, Flowserve, l'un des plus grands fournisseurs de machines industrielles et environnementales, indiquait, en effet, que le rachat de Velan devait être finalisé au plus tard d'ici à la fin du deuxième trimestre 2023. « Nous sommes ravis de pouvoir ajouter Velan et son équipe talentueuse à la famille Flowserve, s'était félicité Scott Rowe, le PDG de Flowserve, fin février. Avec son positionnement solide sur les marchés nucléaire, cryogénique, industriel et de la défense et son portefeuille de produits hautement complémentaires, l'ajout de Velan renforce notre stratégie de diversification, de décarbonisation et de numérisation (3D) ».

Un rachat « lourdement préjudiciable » pour la France

Or, Segault, qui indique sur son site employer 80 salariés, « fait partie en France de ces entreprises sensibles au sein de la base industrielle et technologique de défense (BITD) », plaide Arnaud Montebourg. Basée dans l'Essonne près de Paris, l'entreprise fournit notamment à Naval Group les robinetteries des chaufferies nucléaires qui équipent les sous-marins nucléaires nationaux. Segault « équipe tous nos bâtiments militaires à propulsion nucléaire, ses activités sont indispensables à la défense nationale », et « en outre, elle équipe toutes nos centrales de production électrique d'origine nucléaire », précise Arnaud Montebourg, chantre de made in France.

Et de poursuivre : « Il paraît lourdement préjudiciable aux intérêts de notre Nation » que Segault « passe sous le contrôle de Flowserve Corporation [...] Nous ne pouvons accepter que des informations concernant les technologies utilisées par nos sous-marins nucléaires soient potentiellement transmissibles à un gouvernement étranger ». Il fait ainsi référence au Patriot Act, une loi américaine qui « permet au gouvernement américain de demander à toute entreprise américaine, sans aucune autorisation judiciaire ni la moindre motivation, n'importe quelle information dans le cadre d'enquêtes unilatérales et hors de tout contrôle, effectuées par ses services de renseignement extérieurs, relevant notamment de l'activité d'espionnage », explique-t-il.

Arnaud Montebourg prêt à se porter acquéreur

Pour contrer l'OPA américaine, Arnaud Montebourg se dit alors prêt à s'en porter acquéreur grâce à une alliance avec un fonds d'investissement. Sa propre entreprise fondée en 2015, « Les Équipes du Made in France », et la société d'investissement Otium Capital, « se sont associées pour lancer un projet de fonds, le Fonds Souverain Privé pour l'Industrie et l'Agriculture » dédié à la souveraineté industrielle et agricole, indique-t-il, précisant néanmoins que « si à ce stade » cette nouvelle société est encore « en cours de constitutionun rachat par Otium - en avance de phase sur notre Fonds Souverain Privé pour l'Industrie et l'Agriculture - nous paraît hautement préférable pour les intérêts souverains de la France. [...] Nous sommes donc tout à fait en mesure de financer l'acquisition de Segault sur la base des informations actuellement disponibles ».

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Toutefois, une telle opération ne serait réalisable « qu'à la condition que » le ministère de l'Economie et des Finances « applique à la cession de Segault les dispositions du décret » réglementant les investissements étrangers dans les secteurs jugés stratégiques. Arnaud Montebourg demande donc à Bercy de « notifier sans délai une interdiction d'acquisition de la société Segault » à Flowserve. Dès « cette interdiction notifiée, nous entrerons immédiatement en négociation avec les actuels propriétaires afin de présenter notre candidature au rachat », ajoute-t-il.

Cette proposition intervient alors que La Tribune dévoilait le 26 mars que le gouvernement recherchait un actionnariat français pour la PME. « Nous cherchons des fonds français qui puissent racheter Segault, assurait une source proche du dossier. Il y a des discussions ».

Au-delà de Segault, le ministère des Armées travaille sur un projet de plan en vue de « dissuader les entreprises françaises participant à la dissuasion nucléaire de se faire acquérir par des fonds ou des entreprises étrangères », avait expliqué cette même source. Un plan qui devait être présenté dans les semaines suivantes.

(Avec AFP)