En tant que chef des armées, Emmanuel Macron a fait le job et continue de le faire. Il est le seul président de ces trente dernières années à augmenter de façon significative le budget de la défense. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. A son son arrivée à l'Élysée en 2017, le budget des armées s'élevait à 32 milliards d'euros. Cette année, il devrait atteindre au moins 43,9 milliards si il est exécuté à l'euro près (et même 45,4 milliards si on y rajoute les 1,5 milliard prévus en loi de finances rectificative). En 2030, au terme de la future loi de programmation militaire (LPM), il culminera à près de 69 milliards d'euros si la trajectoire budgétaire de la LPM est respectée. Soit plus du double entre 2017 et 2030. Mais les armées, qui étaient depuis trop longtemps une variable d'ajustement, ont beaucoup trop de lacunes capacitaires pour pouvoir s'en satisfaire. Ce qui peut apparaître comme très injuste pour Emmanuel Macron.
Un modèle échantillonnaire
Le président pâtit donc de l'héritage laissé par ses prédécesseurs, qui eux n'ont pas fait le job préférant confiner les armées à un modèle certes complet mais très échantillonnaire. Compte tenu des tensions de plus en plus nombreuses et de plus en plus brutales (cf guerres en Ukraine, en Arménie...), les besoins des armées explosent aujourd'hui. Non seulement, le chef de l'État doit donner des moyens pour réparer ce qui n'a pas été fait par ses prédécesseurs mais il doit également avoir l'ambition d'anticiper les guerres de demain. En dépit de l'effort inédit de la LPM (413 milliards d'euros sur sept ans contre 295 milliards d'euros pour la LPM précédente), le ministre des Armées Sébastien Lecornu, qui doit mettre en musique la LPM année après année, a dû quant à lui se résoudre à arbitrer entre l'urgence capacitaire du moment et l'urgence d'une armée qui doit rester crédible sur le long terme pour faire face à l'accélération et la diversification des menaces.
La LPM, c'est donc trop peu ou pas assez pour donner à la France cette puissance sur la scène internationale, qui lui permettrait d'imposer un peu plus son modèle de pensée ainsi que sa diplomatie. Sauf que la France, qui est un pays moyen depuis trop longtemps, a des ressources qui ne sont pas infinies. Ainsi, la programmation militaire se heurte aujourd'hui à un défi qui est à l'échelle de la France, un pays aujourd'hui fracturé par la réforme des retraites. La nécessité d'augmenter le budget des armées dans un contexte de dégradation des finances publiques et de tensions sociales, rend plus incertaine la poursuite de cette croissance du budget des armées initiée par la LPM 2019-2025, et encore plus une éventuelle montée en puissance au-delà de ce que prévoit la LPM 2024-2030, qui serait une « trajectoire plancher », selon l'entourage du ministre.
Des cibles à revoir
Au vu des missions qui explosent, le modèle échantillonnaire des armées françaises n'est plus supportable sur le plan opérationnel. Elles manquent de tout. Les formats des grands programmes vont rester inchangés dans la future LPM. Pourtant ces grands programmes, les fameux programmes à effet majeur, ont été taillés au plus juste, sinon à la roulette russe si les armées françaises font face à une guerre d'attrition comme celle en Ukraine. La cible du parc global des avions de combat prévu par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2013 et la loi de programmation militaire 2019-2025 reste à 225 Rafale à terme (185 pour l'armée de l'air, 40 pour la marine). Soit le monde d'avant.
C'est aussi le cas des frégates de premier rang (15 unités) alors que les missions de la marine nationale explosent et que les contacts se font plus rudes sur les mers et les océans. « On reste conforme à la précédente LPM sur les cibles », explique-t-on dans l'entourage du ministre. « Nous sommes largement au-delà de ce que le Livre blanc prévoit », expliquait pourtant en juillet 2021 le chef d'état-major de la marine nationale, l'amiral Pierre Vandier, dans une interview accordée à La Tribune. C'est par ailleurs le cas des sous-marins nucléaires d'attaque Barracuda avec ses six exemplaires. C'est bien évidemment le cas des chars avec seulement 200 Leclerc rénovés (LPM 2019-2025) et des hélicoptères Tigre (67 exemplaires).
Là aussi encore, c'est trop peu ou pas assez si on se réfère à la guerre russo-ukrainienne. Depuis le début de la guerre lancée en Ukraine, la Russie a perdu, selon les données fournies par le site internet Oryx, près de 2.000 chars (1.160 détruits, 100 endommagés, 103 abandonnés et 553 capturés) et plus de 60 hélicoptères d'attaque. Et cette liste des matériels militaires en nombre trop restreint des armées françaises ne s'arrête malheureusement pas à ces grands programmes emblématiques (Rafale, FDI, Tigre, Leclerc, Barracuda).
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