
Le projet de reconstitution d'une filière de petits calibres de 5,56 mm en France a du plomb dans la... cartouche. Même s'il ne ferme pas définitivement la porte, le ministère des Armées n'est pas du tout prêt à partir la fleur au fusil pour relocaliser une filière de munitions de petit calibre en France. Pourquoi ? Dès 1999, le ministère de la Défense, alors sous la férule d'Alain Richard, a fait le choix de ne plus produire des munitions de petit calibre, estimant que le maintien d'une filière nationale n'était économiquement pas viable. Résultat, les armées se sont approvisionnées à l'étranger avec plus ou moins de réussite. Ainsi, les marchés passés dans les années 2000 à BAE Systems et IMI (Israël) ainsi qu'à ADCOM (Émirats Arabes Unis) se sont révélés être des fiascos opérationnels. Aujourd'hui, les munitions 5,56 mm en service dans les armées françaises sont toutes étrangères, venant « notamment d'Europe », selon le ministère des Armées.
La France a également fait le choix en 2016 d'acheter un fusil d'assaut à l'étranger après la fin de vie du FAMAS, le célèbre fusil d'assaut de la manufacture de Saint-Étienne (25 ans de moyenne de vie). Pour la première fois dans l'histoire de France, soit depuis trois cents ans, les armées sont dotées d'un fusil qui n'est pas français (HK 416F, adapté du HK416A5). Les armes de petit calibre équipant les armées sont pour l'essentiel en cours de renouvellement. Trois contrats ont été conclus ces dernières années pour l'acquisition de fusils d'assaut, de pistolets automatiques et de fusils de précision, respectivement auprès des entreprises européennes Heckler & Koch, Glock et FN Herstal. « La question de leur remplacement ne se posera donc pas avant plusieurs décennies », a récemment estimé le ministère des Armées, dans une réponse à une question du député RN, Laurent Jacobelli (Moselle).
Un projet de relocalisation qui fait long feu
Puis, au printemps 2017, un groupement industriel composé des entreprises Thales et Sofisport via sa filiale Nobelsport SA, le champion mondial de la poudre et des cartouches de chasse, propose de reconstituer une filière nationale de production de munitions de petit calibre implantée à Pont-de-Buis, dans le Finistère. Mais ce projet de relocalisation d'une filière nationale de munitions de petit calibre de guerre (5,56 mm, 7,62 mm et 9 mm) poussé par le ministre de la Défense d'alors, Jean-Yves Le Drian, a fait long feu. L'analyse menée par le ministère, dirigé à partir de 2017 par Florence Parly, « a confirmé les études préalables en constatant que ce projet ne serait pas compétitif au niveau mondial, malgré un important investissement initial de l'État », a souligné le ministère des Armées dans sa réponse à Laurent Jacobelli.
« La taille du marché national n'étant pas suffisante pour entretenir un tel outil industriel, il est indispensable qu'un tel projet ait accès au marché export et donc soit compétitif », a affirmé le ministère.
Pour autant, le ministère des Armées a semble-t-il quelques scrupules à ne pas enterrer définitivement un projet de relocalisation. C'est certainement dû au retour d'expérience de la période Covid-19, puis de la guerre en Ukraine. « Dans le contexte des travaux sur l'économie de guerre et la préparation de la loi de programmation militaire (LPM), le ministère des armées demeure cependant vigilant sur ce sujet et revisite son analyse à l'aune d'un contexte de haute intensité pour voir si les conclusions évoluent », a expliqué le ministère. Des propositions de projets d'implantation en France portés par des industriels de cette filière « alimenteront utilement cette analyse, de même que les groupes de travail "économie de guerre et équipements des forces" mis en place par le ministère dans le cadre des discussions sur la LPM et auxquels les parlementaires sont associés ». Un jour peut-être...
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