Spatial militaire, la France continue à s'armer

Par Michel Cabirol  |   |  770  mots
Le premier des trois satellites CSO livre déjà aux armées des images optiques d'une exceptionnelle qualité, a assuré le délégué général pour l'armement (DGA), Joël Barre dans une interview accordée à La Tribune
Les études de deux programmes spatiaux - Iris et Céleste - vont être lancées pour remplacer deux programmes actuellement en cours de réalisation, les satellites d’observation optique CSO et les satellites espions CERES .

Pour la France, l'espace est devenu ces dernières années hyper stratégique. Ainsi, "l'utilisation autonome et non contestée de l'espace passe par une connaissance et un contrôle de ce qui s'y passe", a rappelé lundi au 53ème Salon aéronautique du Bourget la ministre des Armées. Forte de cette conviction, Florence Parly a annoncé qu'elle avait décidé début juin de lancer les études de deux nouveaux programmes spatiaux : Iris succédera à CSO destiné à renouveler la capacité d'observation optique (satellites CSO) et Céleste, remplacera CERES en vue de renforcer les capacités de renseignement d'origine électromagnétique de la France. Deux programmes "pour que nous gardions toujours l'avantage, pour que nos armées conservent leur supériorité sur le terrain", a fait valoir la ministre. Ces deux programmes permettant le renouvellement de ces capacités seront lancés en principe en 2023.

"Nos opérations ne peuvent plus se passer de nos capacités spatiales qui contribuent de façon décisive à notre autonomie d'appréciation, de décision et d'action", a-t-elle expliqué.

Pour autant, Florence Parly n'oublie pas coopération à l'échelle européenne "pour acquérir pleinement notre autonomie stratégique". La France et l'Italie vont donc signer un accord pour échanger des images optiques des trois satellites CSO contre des images radar des deux satellites italiens COSMO-SkyMed de seconde génération (CSG). "C'est quand l'Europe partage intelligemment ses ressources qu'elle est forte", a affirmé la ministre.

Des programmes spatiaux de très haut niveau

La constellation des trois satellites CSO fournira des images optique et infra rouge très haute résolution. CSO-1, lancé en décembre dernier, livre déjà aux armées des images d'une exceptionnelle qualité, selon le délégué général pour l'armement (DGA), Joël Barre dans une interview accordée à La Tribune. Actuellement en essai en orbite pour une mise en service opérationnel dès cet été, il sera rejoint par deux autres satellites en 2020 puis en 2021 pour former une constellation d'une durée de vie de dix ans. "Nous prévoyons de lancer d'ici la fin de l'année 2019 les premiers travaux de préparation avec les industriels associés", avait-il précisé à La Tribune. Le ministère des Armées attend les propositions d'Airbus Space et de Thales Alenia Space, qui sont fortement poussés à coopérer par les pouvoirs publics.

Les deux industriels "sont conscients que, sur certains programmes, ils doivent mieux travailler et réfléchir ensemble", a d'ailleurs expliqué la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Frédérique Vidal, en charge de l'espace, dans une interview accordée à La Tribune.

Les trois satellites espions CERES (renseignement d'origine électromagnétique ou ROEM) devraient être mis en service à la fin de l'année 2020. Avec CERES (Capacité de renseignement électromagnétique d'origine Spatiale), la France va entrer dans le club très, très fermé des pays possédant une telle technologie. A ce jour, seuls les États-Unis, la Russie et la Chine disposeraient de tels outils ultra-perfectionnés. Les satellites CERES auront la capacité de localiser et d'identifier les signaux émis par les systèmes adverses. Ce qui permettra de cartographier les centres de télécommunications et les radars dans les zones de conflit, et d'évaluer leur niveau d'activité, y compris sur des zones inaccessibles par les capteurs de surface.

Vers une stratégie spatiale de défense

La Loi de programmation militaire française (LPM) 2019-2025 prévoit un budget de 3,6 milliards d'euros pour le spatial de défense, qui doit notamment permettre de financer le renouvellement des satellites français d'observation CSO et de communication (Syracuse), de lancer en orbite trois satellites d'écoute électromagnétique (CERES) et de moderniser le radar de surveillance spatiale GRAVES. Avec deux milliards d'euros d'investissements annuels dans le spatial militaire et civil, la France reste loin derrière le trio de tête du secteur : les Etats-Unis investissent annuellement 50 milliards de dollars dans le spatial, la Chine 10 milliards et la Russie 4 milliards, selon les chiffres du gouvernement français.

Qualifiant l'espace de "véritable enjeu de sécurité nationale, par la conflictualité qu'il suscite", le président Emmanuel Macron a assuré en juillet 2018 vouloir doter la France d'"une stratégie spatiale de défense" en 2019. Après "d'intenses travaux de réflexion menés à l'automne", Florence Parly a demandé "encore quelques semaines de patience" pour écouter la parole présidentielle. Emmanuel Macron devrait faire des annonces dans les jardins de l'Hôtel de Brienne le samedi 13 juillet à l'occasion du défilé du 14 juillet.