Les opticiens s'effraient de la simplification des achats sur le web

Par Marina Torre  |   |  581  mots
Des mesures envisagées par Bercy divisent opticiens et ophtalmologues.
Les ophtalmos doivent, à partir du 18 septembre, indiquer sur les ordonnances la mesure de l'écart qui sépare les pupilles, afin de faciliter l'achat de lunettes sur internet, à un prix plus accessible. Vent debout depuis plusieurs mois, les opticiens voient toujours aussi rouge.

"Selfies*", cartes bleues, mètre de couturières... jusqu'à présent, les méthodes pour prendre soi-même la mesure de l'écart entre ses yeux, afin de faire fabriquer des lunettes correctrices pour les acheter sur Internet tenaient du bricolage.

Nouvelle obligation

Pour y remédier, la loi Hamon, publiée au Journal Officiel en mars a prévu d'obliger les ophtalmologues à indiquer sur l'ordonnance ce fameux "écart pupillaire" qui doit servir à centrer les verres correcteurs. Comme ces praticiens avaient 6 mois pour s'y préparer, c'est à partir de ce 18 septembre que cette mesure entre en vigueur. Au-delà du simple détail technique, le but était de faciliter cette nouvelle forme de concurrence qu'est la vente de lunettes en ligne, afin d'en faire baisser le prix.

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Cette nouveauté ne fait évidemment pas les affaires des opticiens "physiques" traditionnels. "Pour les presbytes par exemple, ne mesurer que deux écarts pupillaires ne suffit pas, mais bien sûr, cela, nos jeunes énarques ne le savent pas!", tempête Philippe Peyrard, le directeur général d'Atol. Le dirigeant de la deuxième enseigne de distribution d'optique en France ajoute que dans ses points de vente, ce sont pas moins de cinq mesures qui sont prises pour assurer le bon centrage des lunettes.

Recommandations d'assureur

D'autres acteurs, comme l'assureur ciblant les professionnels de santé, MACSF, conseillent aux ophtalmos de préciser sur l'ordonnance qu'il vaut mieux faire fabriquer ses lunettes par un opticien "physique". Il recommande d'écrire cet avertissement:

Votre ophtalmologiste a indiqué votre écart pupillaire sur cette ordonnance, mesure nécessaire mais insuffisante pour garantir une adaptation satisfaisante et un bon confort visuel avec vos nouveaux verres. Il recommande un contact physique avec un opticien.

Compte tenu de nouvelle donne, quid des nouvelles réponses commerciales? Chez Atol, pour l'instant, aucune n'est annoncée. "Pourquoi changer?", lance Philippe Peyrard, qui met seulement en avant les services "web-to-store" permettant de choisir sa monture en ligne, voire de l'essayer virtuellement avec un système de réalité augmentée avant de la faire fabriquer dans un magasin.

La question des professions réglementées...

Plus largement, des professionnels du secteur, réunis fin septembre lors d'un congrès en région parisienne ont adressé le 12 septembre une lettre au chef de l'Etat pour le convier  - sans succès - à s'exprimer sur l'avenir de cette filière. La rédaction du magazine spécialisé Acuité écrit notamment:

Le secteur optique, qui pèse plus de 6 milliards d'euros, est préoccupé par son avenir et, en particulier, par l'impact économique de la place croissante que prennent les plateformes.

Surtout, des mesures envisagées par Bercy divisent opticiens et ophtalmologues. En effet, y figurerait une extension des facultés de prescription de lunettes par les "opticiens-optométristes", afin de remédier à une pénurie d'ophtalmologues dans certaines régions de France. Le ministère de la Santé a précisé que la création d'un nouveau métier, induite par une telle mesure, n'était pas à l'ordre du jour. Craignant que les opticiens ne se voient autoriser à prescrire des lunettes, le Syndicat national des ophtalmologistes de France s'associe donc à la grève prévue le 30 septembre par les professions libérales.

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* Selfie: auto-portrait réalisé avec un téléphone portable.