Gucci accusé de sous-payer des ouvriers chinois pour produire ses sacs de luxe

Par Giulietta Gamberini  |   |  690  mots
Selon l'enquête journalistique, pour un sac vendu en magasin à un prix compris entre 800 et 900 euros, Gucci paierait les artisans qui le réalisent 24 euros..
Un reportage diffusé dimanche soir en Italie accuse la célèbre griffe de maroquinerie de recourir, via ses sous-fournisseurs, à des ouvriers chinois travaillant jusqu'à 14 heures par jour. Gucci réplique que cette enquête ne "témoigne pas de sa réalité".

Fin d'année tumultueuse pour Gucci. La célèbre marque de luxe italienne, détenue par le groupe Kering, se retrouve en effet au centre d'un scandale, après qu'une émission réputée (Report), diffusée dimanche 21 décembre par la télévision publique en Italie, l'ait accusée de confier la production de ses accessoires à des travailleurs chinois sous-payés.

Le reportage, d'une vingtaine de minutes, donne la parole à quelques artisans en amont de la filière, qui dénoncent les contrats de travail utilisés par certains sous-fournisseurs de la maison florentine.

Des ouvrier chinois travaillant jusqu'à 14 heures par jour

Selon l'enquête, pour un sac vendu en magasin à un prix compris entre 800 et 900 euros, Gucci paierait les artisans qui le réalisent 24 euros. Afin de réduire les coûts et accélérer la production, un nombre croissant d'entre eux recourraient ainsi à de sous-fournisseur employant de la main-d'oeuvre chinoise, qui remplacerait progressivement la main-d'oeuvre italienne. Rémunérés 12 à 13 euros par sac, les ouvriers chinois travailleraient jusqu'à 14 heures par jour. Quatre seulement seraient comptabilisées.

Les contrôles de Gucci seraient assez indulgents à ce sujet, dénonce Report, qui écrivait le 21 décembre sur son compte Twitter: "Gucci affiche une conscience sociale et dit mener des contrôles. Mais Report montre des laboratoires ouverts la nuit et des Chinois au travail".

"Trois laboratoires sur 576"

La réaction de Gucci, qui dit mener 1.300 audits par an auprès de ses fournisseurs italiens, n'a pas tardé:

"Des caméras cachées ou utilisées de manière inappropriées, seulement dans des entreprises sélectionnées exprès par Report (trois laboratoires sur 576) ne témoignent pas de la réalité Gucci", a déclaré le maroquinier dans un communiqué.

"Se mettre d'accord sans que Gucci le sache avec des laboratoires qui utilisent de la main-d'œuvre chinoise à bas coût et illégale est une arnaque dont Gucci se dissocie et qu'il poursuivra en tous lieux", affirme la marque, pour qui la partie du reportage qui l'accuse de suggérer l'utilisation de "force de travail chinoise et à bas coût" serait "fausse et sans fondement".

Gucci accuse en outre l'émission de la RAI de comparer le prix d'un sac à main avec le coût de son assemblage, qui ne prend pas en compte les coûts des matériaux, de la découpe, de l'emballage et du transport. Il s'est néanmoins engagé à renforcer les contrôles sur ses fournisseurs.

Le made in Tuscany en cause

La polémique prend d'ailleurs une dimension plus vaste, soulevant la question de la génuinité du Made in Italy voire du Made in Europe. Le président de la région Toscane, Enrico Rossi,  a ainsi dénoncé sur Twitter le choix du titre du reportage: "Toscane zone franche":

"Qui a intérêt à falsifier l'image de la Toscane et des entreprises de la mode qui donnent du travail et font des produits de qualité?", demandait-il le 21 décembre sur Twitter.

La rédactrice en chef de Report Milena Gabanelli affirme pour sa part avoir interrogé Gucci sur les chiffres du "Made in Italy facturé en Italie ou exporté à la Luxury Goods (Suisse) voire ailleurs à l'étranger". La marque aurait répondu que "la donnée n'est pas publique".

"Certes, il vaut mieux que l'on ne sache pas si et jusqu'à quel point il est intéressant pour l'Italie d'être une 'colonie française' qui ne doit pas aller en Chine pour produire à bas coûts son prestigieux Made in Italy, grâce à l'absence de contrôles et aux prix en dessous des limites, qui sont toutefois en train d'affamer les  "maîtres artisans" dont se prévaut Gucci, soulignait-elle dans une réplique publiée dans Il corriere della Sera lundi 22 décembre.