Pourquoi le rouleau compresseur coréen Hyundai-Kia marque le pas en Europe

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  942  mots
Les coréens n'ont pas non plus la meilleure offre dans le segment des petits véhicules, qui représentent plus de la moitié du marché auto français
Après une offensive ininterrompue, le cinquième groupe automobile mondial marque le pas en Europe. Ses immatriculations de voitures neuves en France ont fléchi de 7,2% le mois dernier.

Coup d'arrêt au coréen Hyundai-Kia? Après une offensive qui semblait ininterrompue, le cinquième groupe automobile mondial marque le pas en Europe. Les immatriculations de voitures neuves du groupe en France ont fléchi de 7,2% le mois dernier.  Du coup, la part de marché du constructeur est retombée au-dessous de la barre symbolique des 3% dans l'Hexagone.

En fait, c'est la marque-mère Hyundai qui plonge de 21,5%. Symboliquement, Hyndai-Kia repasse derrière l'italien Fiat et se retrouve aussi doublé par Mercedes. Sur l'ensemble de l'Union européenne, le groupe coréen avait fléchi déjà de 4,7% en août (dernier mois connu). Là aussi, Hyundai dévisse davantage que sa marque soeur Kia. Sur les huit premiers mois, le consortium recule de 1%.

La concurrence de Dacia dans le "bas du marché"

Que se passe-t-il donc? Plusieurs facteurs expliquent cette pause. Tout d'abord, à vouloir trop vite monter en gamme, les Hyundai et Kia se retrouvent progressivement dans les mêmes zones de prix que les modèles japonais ou européens comparables. Mais, comme l'image de leurs voitures est encore largement à la traîne, les clients rechignent à suivre l'augmentation des tarifs. La marque Dacia, filiale à bas coûts de Renault, prend la place délaissée aujourd'hui notamment par Hyundai-Kia dans le bas du marché.

Pas la meilleures offre dans les petites voitures

Les coréens n'ont pas non plus la meilleure offre dans le segment des petits véhicules, qui représentent plus de la moitié du marché auto français. La marque Hyundai n'est en outre pas présente dans le créneau en vogue des mini-Crossovers"  (faux 4x4 grimés en baroudeurs des trottoirs).

Quant au Kia Soul, qui fut précurseur en la matière, il est quasiment oublié après une carrière fort discrète en Europe. Enfin, certains modèles sur lesquels Hyundai-Kia fondait de gros espoirs, comme la gamme moyenne supérieure Hyundai i40, ne constituent guère un succès. Faute de notoriété mais aussi d'arguments techniques ou esthétiques pour rivaliser avec les européennes comparables.

Beaucoup de ventes aux loueurs

Rappelons au passage que le coréen est un gros fournisseur des loueurs, une façon d'acheter des parts de marché avec des transactions à très, très faibles marges. Une pratique pas très adaptée pour parvenir à une valeur de revente élevée des modèles… Le groupe fait aussi beaucoup dans les véhicules de « démonstration », qui représentent autant de ventes artificielles, en fait de fausses voitures d'occasion « zéro kilomètre ».

Une qualité-fiabilité de véhicules qui n'est pas encore au niveau des meilleurs

Cette politique n'est pas favorable non plus à une forte valeur de cession des véhicules. Or, la valeur résiduelle est importante dans les calculs de coût d'utilisation des véhicules par les gestionnaires de flottes automobiles, sans parler des particuliers. Les prix de vente catalogue augmentent, mais la valeur de revente reste relativement basse.

Enfin, malgré les énormes progrès, la qualité-fiabilité de leurs véhicules n'est pas encore au niveau des meilleurs, à savoir des modèles des marques japonaises - à l'exception de Nissan selon les diverses enquêtes. Quant au réseau de distribution, il n'est pas non plus parmi les plus cotés, sans parler des différends parfois graves entre les distributeurs et les marques elles-mêmes.

Moyens de rebondir

Mais Hyundai-Kia a les moyens de rebondir. A l'abri sur son marché intérieur coréen quasiment verrouillé, profitant des imbrications politico-économico-financières dans son pays d'origine où il règne en maître qui lui permettent d'y réaliser de très fortes marges, le groupe peut continuer à financer son offensive en Europe. Quitte à perdre de l'argent pendant des années. Et, côté nouveaux modèles, même s'il marque le pas actuellement, Hyundai-Kia a encore de la réserve.

Il commercialisera ainsi sa nouvelle « petite » d'entrée de gamme Hyundai i10 en octobre. Le coréen compte en fabriquer 100.000 unités annuelles environ dans son usine turque. Construite en 1997, l'usine d'Ismit devrait voir ses capacités annuelles passer à 200.000 unités à partir de 2014, grâce à un investissement de 475 millions d'euros. Hyundai aura investi au cumul plus d'un milliard d'euros au cumul dans cette usine.

90% de ses véhicules vendus en Europe proviendront soit de République tchèque, soit de Turquie

Hyundai produit par ailleurs en République tchèque. Il a construit en 2007 un second site de production pour ravitailler le marché européen, à Nosovice. Cette usine fonctionne désormais à pleine capacité. Après 251.000 unités en 2011, l'usine, qui a célébré fin mai son millionième véhicule, a fabriqué 300.000 unités l'an dernier, avec 3.440 personnes. 

1,2 milliard d'euros y a été investi. En plus de la berline compacte i30, Nosovice produit le petit monospace ix20 et le 4x4 compact ix35. Hyundai assure que, en 2014, 90% de ses véhicules vendus en Europe proviendront soit de République tchèque, soit de Turquie.

Kia produit aussi

La société soeur de Hyundai, le label Kia, qui a ouvert fin 2006 son site de Zilina en Slovaquie, a produit pour sa part un record de 292.050 véhicules l'an passé, en hausse de 15%.  Il vise, malgré la crise, une production du même ordre en 2013.

Zilina fabrique une gamme comparable à celle de Hyundai., à savoir la berline compacte Cee'd,  le 4x4 compact Sportage et le minispace Venga. Le cinquième groupe automobile mondial avait vendu dans le monde 7,12 millions de véhicules en 2012, soit une hausse de 8% par rapport à 2011. Et il prévoit une nouvelle petite augmentation cette année.