Rappels massifs : Mary Barra, la patronne de GM, savait-elle ?

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  692  mots
Chevrolet Cruze, parmi les voitures rappelées
La nouvelle patronne de General Motors était au courant de certains problèmes. Mais pas forcément des plus graves. Une nouvelle polémique naît alors que GM rappelles 7 millions de voitures.

La nouvelle patronne de General Motors était au courant de certains problèmes. Le constructeur américain se retrouve au centre d'une vaste polémique concernant des millions de véhicules rappelés suite à des accidents ayant généré treize décès. Les élus américains, qui veulent déterminer  pourquoi le constructeur de Detroit a mis dix ans avant de rappeler 7 millions de véhicules défectueux, ont publié plus de 200.000 pages de documents fournis par GM.

Au courant ou pas?

Dans cette masse de documents, figure un courriel interne envoyé par un ingénieur du groupe le 3 octobre 2011 à Mary Barra, aujourd'hui patronne opérationnelle du consortium de Detroit, mais qui  était alors vice-présidente chargée du développement des produits, pour l'alerter sur un problème de direction assistée concernant un modèle.

Ce courrier mentionne un article du New York Times évoquant une procédure de l'Agence américaine de sécurité routière (NHTSA) sur des problèmes de direction assistée que rencontrait alors un modèle du groupe, la Saturn Ion. Plus de deux ans plus tard, fin mars 2014, GM rappelait des Saturn Ion (années 2004-2007) et des Chevrolet Cobalt (2010) pour un problème de direction assistée.

Ce courriel "porte sur un problème de direction assistée, une question complètement distincte des rappels concernant le commutateur d'allumage", a réagi GM dans un communiqué. Il ne "contredit nullement les déclarations précédentes de Mme Barra ni son témoignage devant le Congrès", ajoute le constructeur. Car, si la direction assistée fait partie des motifs de rappel, ce n'est pas le plus grave. Ces problèmes sont distincts en effet de ceux de commutateurs d'allumage empêchant les airbags de se déployer.  Or, ce sont ceux-ci qui ont provoqué des accidents mortels.

Triple enquête

Lors de son audition devant le Congrès les 1er et 2 avril derniers, Mary Barra avait répété n'avoir été mise au courant du défaut du commutateur d'allumage qu'en décembre dernier, soit quelques semaines avant de prendre la tête du groupe. Mais la question est complexe! Car les mêmes Chevrolet Cobalt et Saturn Ion font partie des 2,6 millions de véhicules, sur lesquels GM a détecté (aussi) un défaut du commutateur d'allumage empêchant lesdits airbags de se déployer. Pas si simple.

General Motors d'être au centre d'une triple enquête, du département de la Justice, de l'agence américaine de sécurité routière NHTSA et du Congrès. Pour Tim Murphy, élu républicain de Pennsylvanie, les documents "confirment que des individus au sein de GM ont laissé circuler pendant dix ans des voitures autour desquelles planaient des craintes sur la sécurité". Des échanges de courriels en septembre 2005 entre ingénieurs confirment qu'ils avaient pesé le coût financier d'un remplacement de la pièce avant d'y renoncer. "Le désavantage d'un changement est que le commutateur d'allumage peut valoir jusqu'à environ 90 cents pièce, ce qui exigerait 400.000 dollars pour changer toutes les pièces nécessaires", écriivait l'un d'eux.

La facture des rappels géants s'alourdit pour General Motors. Le constructeur automobile américain a annoncé jeudi qu'il allait relever à 1,3 milliard de dollars (un milliard d'euros) la charge exceptionnelle liée aux 7 millions de véhicules rappelés tardivement. Le troisième constructeur mondial prévoyait jusqu'ici de provisionner 750 millions de dollars pour effectuer les réparations prévues.

Précédent de Toyota

GM se retrouve sur la sellette comme Toyota l'avait été en 2009-2010, lorsqu'il avait dû rappeler 9 millions de véhicules. Cette crise avait frappé le constructeur japonais, qui a mis des années à se remettre de cette contre-publicité. Il reste d'ailleurs la cible de dizaines de plaintes civiles au niveau des Etats américains, de la part d'automobilistes victimes de ces véhicules défectueux, ou de leurs proches. Soucieux d'éviter désormais tout faux pas, Toyota rappelle désormais les véhicules au moindre soupçon. Il vient ainsi de procéder au rappel de 6,39 millions de véhicules.