Peugeot, pionnier du diesel tant décrié aujourd’hui

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  1529  mots
La Peugeot 403 diesel a été la première françaisé de série à gazole
Les grandes innovations automobiles (3/5). Parallèlement à Mercedes, Peugeot a ouvert la voie avec la 403 diesel de 1959. Les deux constructeurs ont créé les turbo-diesels à la fin des années 70. Audi (Volkswagen) a popularisé l’injection directe en 1985 et Alfa Romeo inauguré les moteurs à gazole à rampe commune hyper-performants et très sobres en 1997. Les diesels représentaient 77% des ventes de voitures neuves en France en 2008. Mais leur part de marché est en chute

Le diesel, c'est fini? Certes, non. Mais, après une ascension irrésistible en France et en Europe, les voitures à gazole ne sont plus à la fête dans l'Hexagone. Vilipendés régulièrement par les « écologistes » et tous ceux qui aimeraient bien utiliser des arguments sanitaires pour augmenter les taxes sur le gazole, plus basses historiquement que sur le sans-plomb, les véhicules diesel voient leur part de marché chuter en France. Ils représentaient 77% des ventes de voitures neuves en 2008 dans l'Hexagone. On n'en est plus qu'à 65,2 % au premier semestre. « Ce rééquilibrage naturel est durable et nous confirmons notre prévision d'un marché automobile à 50% essence, 50% diesel en 2020 », pronostique le CCFA (Comité des constructeurs français d'automobiles).

 

Fruit des travaux de l'ingénieur allemand Rudolf Diesel à la fin du dix-neuvième siècle, le diesel a toujours été intrinsèquement plus polluant que l'essence. Et c'est là le principal grief qui lui est adressé, même si ce n'est quasiment plus le cas aujourd'hui avec les dernières normes d'anti-pollution. Mais, et c'est la raison principale de son succès en Europe, il consomme de 15 à 20% de moins qu'un moteur à essence. Il émet en conséquence autant de CO2 en moins ! Les diesels agacent, mais ils apparaissent incontournables dans la bataille anti-CO2... C'est pour cela que, au nom même de l'écologie, la fiscalité du bonus-malus prétendument écologique les a toujours favorisés dans l'Hexagone. Contradictoire, non ?

La Mercedes 260 diesel, la première voiture à gazole, sortie en 1936

La 403 séduit les taxis parisiens

 

C'est en 1936 que le constructeur allemand Mercedes présente au salon de Berlin la première voiture diesel : la 260 D. La production sera toutefois archi-confidentielle. En France, c'est Peugeot qui crée l'événement en commercialisant sa 403 diesel vingt-trois ans plus tard, en 1959. Parallèlement à Mercedes, la firme au lion sera le véritable initiateur des voitures à gazole dans le monde. La 403 diesel arbore une cylindrée de 1.816 cm3 qui développe 49 chevaux. Pour tester la fiabilité de ce moteur innovant, le constructeur sochalien a équipé une vingtaine de taxis qui ont roulé pendant deux dans le plus total anonymat. Des tests concluants. Le fameux moteur Indénor, qui fera tant pour la réputation de robustesse des Peugeot jusqu'aux années 70, commence sa longue carrière. En décembre 1959, sur les 12.000 taxis en circulation à Paris, 2.500 sont déjà équipés du moteur Indénor. Le diesel est un moteur à combustion interne dont l'allumage est spontané lors de l'injection du carburant, par phénomène d'auto-inflammation lié aux températures élevées dans la chambre de combustion.

La Peugeot 404 diesel, reine des taxis parisiens

En 1963, la 404 diesel dotée d'un 1.938 cm3 développant 68 chevaux est lancée à son tour. Pour démontrer les performances de ce moteur, Peugeot construit d'ailleurs une barquette 404 bleue ainsi équipée, qui, pendant dix jours, va s'attribuer quarante records internationaux de vitesse et d'endurance sur l'autodrome de Montlhéry. Après les solides 403, 404 puis 504, Peugeot va démontrer sa maîtrise de la technologie en franchissant un nouveau pas en 1979, mettant alors sur le marché la première berline européenne à gazole de série avec un turbo, la 604 D d'une cylindrée de 2.304 cm3 et 80 chevaux. La même année, Mercedes commercialise un break 300 TD. Certes, la firme allemande avait présenté dès 1977 la 300 SD, première turbo diesel du monde produite en série, mais celle-ci était uniquement destinée au marché nord-américain. Le turbo-diesel est lancé. Améliorant fortement les performances, il popularisera le moteur à gazole, jusqu'ici réservé quasi-exclusivement aux utilitaires. Il marquera la fin du diesel poussif. Tous les diesels fonctionnent aujourd'hui avec un turbo.

La Volkswagen Golf inaugure le petit moteur

Les deux pionniers Peugeot et Mercedes commencent alors à rencontrer la concurrence technique de nouveaux venus comme Volkswagen. La firme de Wolfsburg a ainsi été la première à démocratiser l'offre avec une compacte diesel dotée d'un mini-moteur ultra-moderne. La Golf D affiche 1.500 cm3 et 50 chevaux. Une vraie révolution, puisqu'elle ouvrira la porte aux petites voitures diesel. Audi (groupe Volkswagen) créera pour sa part un diesel à injection directe de gazole, encore plus efficace et économique, un cinq cylindres en ligne utilisé par l'Audi 100 en 1985. Il ouvrira la voie aux fameux TDi du groupe de Basse-Saxe.

Le Golf diesel de Volkswagen. La GTi sera même déclinée en version à gazole GTD

Tous les diesels sont désormais à injection directe. Une nouvelle innovation s'imposera douze ans plus tard : le diesel à rampe commune avec une très forte pression, permettant plus de puissance et moins de consommation encore. Cette technologie que tous les moteurs à gazole ont aujourd'hui adoptée a été initialement développée par l'équipementier italien Magneti Marelli (Fiat), qui l'a revendue à son concurrent, l'allemand Bosch. C'est l'Alfa Romeo 156 qui l'inaugure en 1997.

Aujourd'hui, les TDI (groupe Volkswagen), HDi (PSA en collaboration avec Ford), dCi (Renault et Nissan), CDTi (Opel), CDi (Mercedes) doivent tout à ces moteurs pionniers. Résultat de l'agrément de conduite et des basses consommations des moteurs diesel: plus de la moitié des voitures neuves vendues dans l'Europe de l'ouest carburent au gazole. La consécration. Les européens en sont d'ailleurs les meilleurs spécialistes, même si, pour vendre sur le Vieux continent, Toyota, Honda, Hyundai-Kia ont dû s'y mettre.

L'Alfa Romeo 156 a inauguré les diesels à rampe commune

Diesel circonscrit à l'Europe

Il est vrai que le diesel, si populaire sur le Vieux continent, est quasiment proscrit ailleurs. Aux Etats-Unis, il souffre de la contre-publicité des moteurs diesel de GM dans les années 70-80 qui cassaient et ont laissé un très mauvais souvenir. En outre, le gazole ayant encore souvent des hautes teneurs en souffre, les moteurs diesel récents ne peuvent l'utiliser outre-Atlantique. Dans certains Etats comme la Californie, le diesel doit par ailleurs faire face à des normes anti-pollution auxquels il répond difficilement. Plus encore qu'aux Etats-Unis, au Japon ou en Chine le diesel est carrément assimilé aux... utilitaires. Invendable, donc.

Mais, alors, paré de toutes le vertus en Europe, pourquoi le diesel subit-il tout d'un coup ce revirement et une irrémédiable perte de popularité en France? Que s'est-il donc passé? Tout d'abord,  si les taxations sur le gazole en France demeurent un peu plus faibles que sur l'essence, les véhicules diesel se sont tellement bonifiés qu'ils se sont beaucoup renchéris, avec le recours à des technologies ultra-sophistiquées. Notamment pour répondre à des normes d'anti-pollution qui se sévérisent progressivement. Telle l'obligation du filtre à particules, obligatoire dans l'Union européenne depuis janvier 2011 avec la norme Euro V.

Même le japonais Honda s'est mis au diesel, ainsi sur la Civic (photo Bernard Asset)

Et ce n'est pas fini. Avec la future norme Euro VI d'anti-pollution en vigueur à la rentrée, les moteurs diesel ne bénéficieront plus de dérogations par rapport aux mécaniques à essence comme c'est le cas actuellement. Ce qui obligera les motoristes à traiter définitivement le gros problème des rejets de NOx (oxydes d'azote).

Après la dure norme Euro V, Euro VI va donc rendre les véhicules à gazole encore plus complexes, les renchérissant de plusieurs centaines d'euros supplémentaires selon les experts. Ce qui risque tout bonnement de condamner les motorisations diesel sur les petits véhicules d'entrée de gamme. De facto, bien des citadines aujourd'hui ont perdu en cours de route leurs variantes diesel pour des raisons de coût, telles les petites Peugeot 108 et Citroën C1. Or, comme le marché français s'oriente de plus en plus vers des petits véhicules, cela fait mécaniquement baisser la part des diesels dans les ventes globales.

Autre raison de la désaffection des clients: plus ces moteurs diesel deviennent efficaces et compliqués, plus le coût d'entretien augmente, avec des tarifs de révisions sensiblement plus onéreux que sur les véhicules à essence équivalents. Et, pis: les pannes, souvent graves, croissent en proportion !

Robustesse en forte dégringolade

Les moteurs deviennent notamment très sensibles à la qualité du gazole, avec des conséquences parfois catastrophiques (destruction dudit moteur). Alors que les diesels simples, lents, robustes (et polluants), s'étaient forgés il y a quelques décennies une sacrée réputation de longévité, les études que nous avons pu voir mettent en exergue un taux de pannes sensiblement supérieur désormais sur les diesels. Et ça risque de s'aggraver avec Euro VI.

Les moteurs à essence ont beaucoup progressé pour leur part en matière de consommations et de CO2, mais un différentiel demeure. Les derniers micro-moteurs à essence trois cylindres, comme ceux de Ford, Renault et PSA, affichent  aujourd'hui de très bonnes valeurs en émissions de CO2. Seulement, voilà, ils deviennent aussi sophistiqués que les... diesels et risquent de voir les taux de panne suivre la même courbe que celles des moteurs à gazole... On ne peut pas tout avoir! Pis, les récents moteurs à essence à injection directe se mettent à émettre des particules, comme de vulgaires diesels ! Aïe. Comme quoi, c'est toujours plus compliqué que ça en a l'air...