Volkswagen accusé d'avoir espionné le président brésilien Lula

Par Alain-Gabriel Verdevoye  |   |  616  mots
Une Volkswagen Coccinelle produite au Brésil
Du temps de la dictature militaire, Volkswagen est accusé d'avoir espionné des syndicalistes au Brésil. Les informations recueillies étaient transmises aux pouvoirs publics. Parmi les personnes espionnées: le président brésilien Lula, qui était à l'époque un grand dirigeant syndical.

Volkswagen  a espionné des syndicalistes au Brésil, dont Luiz Inacio (Lula) da Silva, le président de la République brésilienne, du temps où il était... syndicaliste. Selon des documents découverts il y a peu et que l'agence Reuters a pu consulter, le constructeur allemand a collecté des informations sensibles sur l'activité des syndicalistes et les a transmises à la dictature militaire.

Informations transmises au pouvoir

Ces documents, retrouvés dans les archives du gouvernement par la "Commission vérité", montrent que celui qui était alors le premier constructeur automobile au Brésil surveillait ses salariés et leurs représentants. Ils témoignent d'une pratique largement répandue chez les constructeurs automobiles au Brésil dans leur ensemble. Selon la commission, une vingtaine de pages classées confidentielles transmises au pouvoir de 1983 à 1984 montrent sous un jour nouveau les relations entretenues entre les grands groupes étrangers et les militaires.

Volkswagen a ainsi communiqué le détail de réunions de syndicalistes organisées dans la région de São Paulo, des projets de grèves ainsi que leurs revendications portant sur les salaires et l'amélioration des conditions de travail. Les noms des participants à ces réunions étaient  divulgués. Dans deux cas au moins, le groupe auto allemand a même transmis les numéros de plaques d'immatriculations, mais aussi l'identité de salariés distribuant des tracts ou celle de ceux pris en train de fumer de la marijuana.

Volkswagen a notamment accumulé des informations sur une réunion syndicale de juin 1983 à laquelle Lula a participé. Le futur chef de l'Etat était déjà une étoile montante du mouvement syndical. Il est cité fustigeant "un gouvernement honteux" et incitant les salariés à cesser de financer un fonds public de financement du logement en guise de protestation.

"Surveiller, harceler, arrêter les syndicalistes"

Selon Sebastião Neto, membre de la Commission, ces informations étaient utilisées par la police pour surveiller, harceler et arrêter les syndicalistes, afin d'empêcher l'organisation de nouvelles grèves. "Ces documents montrent très clairement que les entreprises attendaient du gouvernement qu'il les aide à résoudre les problèmes qu'elles rencontraient avec leurs salariés", explique Sebastião Neto.

S'il est prouvé qu'elles ont ainsi contribué à des violations des droits de l'homme, les entreprises en question risquent des poursuites, ont prévenu des procureurs brésiliens. Des juristes doutent toutefois que les preuves réunies jusqu'à présent soient suffisantes.

Volkswagen accepte d'enquêter

Contacté par Reuters, le constructeur germanique affirme qu'il "enquêtera sur toutes les indications" montrant que des employées avaient fourni des informations aux militaires. La dictature militaire a été instaurée en 1964 et a duré jusqu'en 1985, avec l'élection démocratique du président Tancredo Neves, qui n'a pu exercer toutefois son mandat puisqu'il est décédé avant d'avoir pu occuper son poste.

Volkswagen est aujourd'hui le deuxième constructeur auto brésilien derrière Fiat. Le constructeur a fait oeuvre de pionnier, assemblant des voitures dès les années 50. Plus de 20 millions de véhicules ont été produits au Brésil depuis. La Coccinelle a notamment longtemps régné sur le marché, suivie par des dérivés locaux comme le break compact Brasilia. Le Combi, célèbre utilitaire dérivé de la Coccinelle à moteur arrière, n'a même été arrêté sur les chaînes brésiliennes que tout dernièrement. Volkswagen produit aujourd'hui des modèles propres au marché brésilien comme les petites Fox et Gol.

Si GM et Ford se sont aussi implantés très tôt au Brésil, Fiat n'est arrivé qu'au milieu des années 70, Renault en 1998, PSA  en 2000.