Pourquoi Renault devait ouvrir une usine en Algérie

Par Nabil Bourassi  |   |  541  mots
Emmanuel Macron, Laurent Fabius et Abdeslam Bouchouareb, ministre algérien de l'industrie
Le constructeur français inaugure aujourd'hui sa première usine en Algérie, près d'Oran. Il s'agit d'une petite usine, fruit d'une longue négociation avec le gouvernement algérien, et dont les enjeux sont capitaux pour Renault...

C'est en grande pompe que Renault inaugure sa première usine en Algérie. Emmanuel Macron, Laurent Fabius, Carlos Ghosn, Abdelmalek Sellal, le Premier ministre algérien, ont tous fait le déplacement à Oued Tlelat près d'Oran ce lundi pour inaugurer la première usine automobile algérienne.

Mais cette usine répond davantage à des motivations politiques et stratégiques qu'à une logique industrielle. Après tout, l'usine de Tanger et ses 400.000 véhicules par an pouvait parfaitement déverser sa production sur tout le Maghreb. En réalité, l'usine d'Oran dans l'Ouest de l'Algérie était devenue un enjeu majeur, sinon une obligation pour Renault. Il faut dire que le gouvernement algérien a mis la pression sur la marque française.

L'Algérie veut réduire sa balance commerciale

Pour Alger, le marché automobile est un véritable gouffre commercial: 7 milliards de dollars de déficit commercial en 2012. A l'époque, personne ne s'en inquiétait puisqu'avec ses exportations d'hydrocarbures, l'Algérie affichait un excédent commercial de 27 milliards de dollars. Sauf que cet excédent est extrêmement tributaire des cours du baril de pétrole. Il fallait donc réduire à tout prix les postes de fortes importations commerciales. Une nécessité d'actualité avec la chute des cours depuis juin (-25%).

Renault veut défendre son pré-carré

De son côté, Renault tient au marché algérien devenu stratégique avec ses 600.000 immatriculations (pic de 2012). La marque française détient 25% du marché et entend défendre son pré-carré.  Sachant cela, le gouvernement algérien avait proposé à Volkswagen de s'implanter sur son territoire. Le groupe français avait alors fini par s'entendre avec Alger en signant fin 2012, un accord d'investissement, l'Etat algérien prenant 51% de l'usine contre 49% pour Renault.

Des gains limités pour les deux parties

Pas certain que le calcul soit le bon pour les deux parties. D'abord, le coût de l'usine devrait coûter, d'après des officiels algériens cités par l'AFP, près de 800 millions d'euros à terme (un chiffre que n'a pas confirmé la direction de Renault préférant s'en tenir au chiffre de l'investissement initial de 50 millions d'euros) pour une production de 75.000 voitures par an seulement (contre 400.000 voitures dans l'usine de Tanger qui a coûté un milliard d'euros). Enfin, le niveau de production ne devrait pas non plus rééquilibrer la balance commerciale du pays, même si le marché algérien est en forte baisse en 2014 (-19% au premier semestre). L'usine d'Oran devrait toutefois produire la version haut-de-gamme  de la "Renault Symbol"  (une Dacia Logan), ce qui permettrait de réduire au moins les importations en valeur.

Objectif: prendre une longueur d'avance

Mais Renault a réussi à négocier l'essentiel: l'exclusivité de la production pendant trois ans. Certes, il avait demandé cinq ans, mais c'est assez pour conforter sa place notamment d'un point de vue industriel. Il s'agit pour Renault de collaborer avec des sous-traitants locaux avec l'objectif de s'approvisionner auprès d'eux à hauteur de 42% de la production.

Déçu, Volkswagen discute depuis 2013 avec le gouvernement marocain pour une implantation industrielle de 100.000 voitures. A l'heure actuelle, les négociations n'ont toujours pas abouti. Renault continue ainsi de régner en maître au Maghreb.