Automobile : l'UE valide (enfin) l'accord sur la fin des moteurs thermiques en 2035

Par latribune.fr  |   |  904  mots
Le texte contraindra les constructeurs automobiles à produire des véhicules qui n'émettent plus aucun CO2. (Crédits : Eric Gaillard)
Après trois semaines d'un psychodrame lié au blocage de l'Allemagne, les 27 États membres de l'Union européenne ont validé la fin des moteurs thermiques dans les voitures neuves à partir de 2035. À cette échéance, les véhicules mis sur le marché ne pourront plus émettre aucun CO2 en roulant. De fait, le texte interdit ainsi les véhicules essence, diesel et hybride, au profit du 100% électrique. Ce texte s'inscrit dans l'objectif européen de neutralité carbone en 2050.

Les Vingt-Sept ont enfin réussi à tomber d'accord. L'Union européenne a validé la fin des moteurs thermiques dans les voitures neuves à partir de 2035, mesure centrale du plan climat des pays de l'UE.

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Un « large soutien » a été trouvé parmi les ambassadeurs des 27 pays membres à Bruxelles, a annoncé la présidence suédoise du Conseil de l'UE. Ils ont accepté que ce règlement historique soit « mis à l'ordre du jour » d'une réunion mardi des ministres de l'Énergie pour adoption formelle, ultime étape du processus législatif.

L'Allemagne rassurée

Mais que prévoit ce texte ? Il contraindra les constructeurs automobiles à produire des véhicules qui n'émettent plus aucun CO2. Exit donc, les véhicules essence, diesel, et donc aussi les hybrides. Place au tout-électrique.

Premier mode de déplacement des Européens, l'automobile représente un peu moins de 15% des émissions de CO2 du continent. La nouvelle réglementation doit permettre à l'UE d'atteindre ses objectifs climatiques. L'Union souhaite réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55% d'ici 2030 par rapport à 1990 et atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050.

Le texte marque la fin d'une époque industrielle. Pendant plus d'un siècle, le Vieux Continent, berceau de marques prestigieuses, a dominé l'innovation automobile. Au cœur de son savoir-faire, des moteurs thermiques considérés comme les plus performants au monde.

Cet accord des 27 pays membres de l'Union européenne a rencontré quelques résistances. Berlin avait ainsi stupéfié ses partenaires début mars. L'Allemagne avait alors bloqué le règlement, alors qu'il avait déjà été approuvé mi-février par les eurodéputés réunis en plénière, après un feu vert des États membres, dont l'Allemagne.

Les carburants de synthèse, une solution controversée...

Pour justifier sa volte-face, rarissime à ce stade de la procédure, l'Allemagne avait réclamé de la Commission qu'elle présente une proposition ouvrant la voie aux véhicules fonctionnant aux carburants de synthèse.

Cette technologie controversée est encore en développement. Elle consisterait à produire du carburant à partir de CO2 issu des activités industrielles. Défendue par des constructeurs haut de gamme allemands et italiens, elle permettrait de prolonger l'utilisation de moteurs thermiques après 2035.

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La Commission européenne et l'Allemagne ont annoncé samedi 25 mars avoir trouvé un accord pour débloquer le texte. Ce dernier reste inchangé. De son côté, Bruxelles s'est simplement engagé à ouvrir plus nettement la voie aux carburants de synthèse dans une proposition séparée. Celle-ci devra être validée d'ici à l'automne 2024.

Les véhicules équipés d'un moteur à combustion pourront être immatriculés après 2035 s'ils utilisent exclusivement des carburants neutres en termes d'émissions de CO2, s'est réjoui le ministre allemand des Transports, Volker Wissing. Le blocage de Berlin était une initiative des libéraux du FDP, troisième parti de la coalition au pouvoir derrière les sociaux-démocrates (SPD) et les Verts.

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 ... et qui ne concernerait que certains véhicules

Petit parti crédité d'environ 5% des intentions de vote dans les sondages nationaux, le FDP a perdu cinq élections régionales consécutives. Il espérait ainsi s'affirmer en se posant en défenseur de l'automobile, pariant sur l'hostilité d'une grande partie de la population à l'interdiction des moteurs thermiques. Pour assurer l'unité de sa coalition, le chancelier social-démocrate Olaf Scholz avait préféré s'aligner sur cette demande et les Verts ont laissé faire.

« La règle des 100% de voitures zéro émissions en 2035 est donc maintenue », avait réagi samedi le président de la commission environnement, santé publique et sécurité alimentaire du Parlement européen, Pascal Canfin (Renew Europe), assurant qu'il serait vigilant sur le respect de la « neutralité climat » des moteurs thermiques qui seront autorisés.

« La seule façon d'apporter une contribution substantielle » à la baisse des émissions de CO2 par les moteurs thermiques « est d'utiliser des carburants synthétiques, et je suis d'accord avec des collègues qui soutiennent fortement cela », avait appuyé Oliver Zipse, président du directoire de BMW, lors d'une conférence de presse à la mi-mars.

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Une technologie coûteuse sans doute réservée aux véhicules de luxe

L'industrie a déjà massivement investi dans les véhicules électriques. Même s'ils font leur preuve, les carburants de synthèse, qui n'existent pas aujourd'hui, « ne joueront pas de rôle important à moyen terme dans le segment des voitures particulières », a déclaré récemment Markus Duesmann, patron d'Audi (groupe Volkswagen).

De l'avis de nombreux experts, la technologie des carburants de synthèse a peu de chances de s'imposer sur le marché et ne concernerait dans le meilleur des cas qu'une minorité de véhicules de luxe.

En raison de leur coût, ils n'auront de sens que pour quelques voitures de luxe « comme des Porsche 911 ou des Ferrari », souligne Ferdinand Dudenhöffer, expert du Center Automotive Research en Allemagne. Cette technologie est contestée par les ONG environnementales qui la jugent coûteuse, énergivore et polluante.

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(avec AFP)