Carlos Tavares : "Opel doit libérer la créativité chez PSA"

Par Nabil Bourassi, à Francfort  |   |  947  mots
Le PDG de PSA Carlos Tavares. (Crédits : Regis Duvignau)
Le PDG du groupe PSA est intervenu au Mondial de l'automobile de Francfort pour commenter l'actualité du groupe automobile français, mais également celle du secteur. Il a prévenu que PSA resterait focalisé sur sa performance malgré la tempête qui s'annonce. Verbatim.

Où sont les Français ? C'est la question qu'on ne posait plus ce mardi aux journées presse du mondial de l'automobile de Francfort alors que vingt marques ont répondu absents pour cette édition, dont la totalité des marques françaises. Pourtant, les équipes de PSA sont là, et ont élu domicile chez Opel leur filiale allemande qui joue à domicile et se devait d'être présente. Carlos Tavares, le PDG du groupe PSA, était présent et a répondu aux questions d'un groupe de journalistes.

Les normes CO2

Comme il en a désormais l'habitude, et en vertu de son titre de président de l'Association européenne des constructeurs automobiles, il a longuement dénoncé la pression réglementaire qui pèse sur les industriels en termes de CO2 notamment. Cette fois, il est allé plus loin encore alertant sur un risque de défaillances de constructeurs.

"Je ne connais pas le détail des plans technologiques de tous mes concurrents, je ne connais pas exactement ce qu'il y a dans leurs calculs de rentabilité, (...) Mais si je mesure l'amplitude du changement que ça représente, je serais étonné qu'il n'y ait pas quelques défaillances", a-t-il déclaré.

Il a insisté sur la pression extrêmement forte que la réglementation faisait porter sur les constructeurs automobiles, et les choix qu'ils pourraient être amenés à prendre pour ne pas entamer leur niveau de rentabilité. « Nous ferons ce qu'il faut », a-t-il prévenu.

La Chine

Sur la Chine, Carlos Tavares a livré un éclairage sur le plan de redressement décidé la semaine dernière. Il a rappelé l'objectif d'abaisser le point mort (seuil de rentabilité minimal) à 180.000 voitures dans un premier temps puis à 150.000. Il n'a pas indiqué quel était le point mort actuel « nettement plus élevé ». Il n'a pas non plus si, pour abaisser ce point mort, il serait amené à baisser les capacités actuellement de 1,2 million d'unités et tandis qu'au rythme du premier semestre, les ventes de PSA en Chine pourrait être dix fois inférieure. « C'est à la joint-venture avec DongFeng de décider s'il faut fermer une usine, aucune décision n'a été prise », a-t-il répondu.

En outre, l'objectif du nouveau plan est d'atteindre les 400.000 ventes en 2025 soit très loin du plus haut qui avait caressé les 900.000 unités en 2015-2016, et loin également de l'objectif de 8% de parts de marché qui avait été la boussole conduisant à la construction de quatre usines en Chine.

« Nous allons passer d'un pilotage de valeur et non plus un pilotage en volumes », a-t-il indiqué, insistant sur le fait que cette méthodologie « n'était pas spontanée » sur un marché qui avait habitué à produire du volume. « Il y aura plus de rigueur dans le pilotage des opérations et nous allons mettre l'accent sur la valeur des marques », a-t-il résumé. Ce qui revient à appliquer la recette en vigueur en Europe.

Pour valoriser ses marques, Carlos Tavares semble néanmoins prêt à faire une entorse à sa stratégie de voitures mondiales. « Nous devons accepter l'idée que nos produits doivent faire l'objet d'adaptations plus profondes (...) nous ne pouvons pas nier que nos produits n'ont pas assez entendu ce marché local par le passé », a-t-il reconnu, ajoutant avoir, à cet effet, deux centres techniques en Chine.

La consolidation du secteur

Autre sujet brûlant, la question de la consolidation du secteur automobile. Carlos Tavares a insisté sur le fait que PSA « n'avait pas besoin d'un deal ». A la question d'un rapprochement avec Fiat Chrysler Automobiles, il a répondu un laconique « pas besoin ». Selon lui, PSA « va se concentrer sur la performance » anticipant un « tunnel jusqu'en 2030 » caractérisé par la réglementation CO2.

Le Brexit

Il a également commenté l'actualité du Brexit. Selon lui, une sortie sans accord du Royaume-Uni serait « inacceptable ». « C'est une solution perdant-perdant. Nous ne devons pas nous priver de le dire aux politiques en tant que citoyens », a-t-il dénoncé. Il a averti : « un no deal conduirait au chaos et nous prendrons les décisions qu'on doit prendre ». PSA possède depuis le rachat d'Opel notamment l'usine d'Ellesmere Port dont les effectifs ont déjà fondu à 1.000 personnes. Carlos Tavares a déjà menacé de fermer cette usine qui fabrique l'Opel Astra, mais a précisé que pour l'heure, aucune décision n'a été prise.

Opel

Sur Opel, Carlos Tavares a constaté que sa filiale allemande avait fait d'immenses progrès en termes de performances. « Au premier semestre, Opel a dégagé un profit en hausse de 40% », a-t-il souligné. Mais il y a encore du grain à moudre pour rattraper les standards de rentabilité de PSA. « Il y a beaucoup de grain à moudre mais y compris du côté des marques historiques de PSA », a précisé celui qui se fait fort d'être désormais à la tête « du deuxième groupe automobile mondial en termes de rentabilité de sa branche automobile ».

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Selon Carlos Tavares, Opel n'a pas vocation à se dissoudre dans le groupe PSA. « Nous attendons d'Opel qu'il nous enrichisse avec de nouvelles perspectives sur le marché et sa vision de l'automobile (...) il ne s'agit pas de faire chez Opel du copier-coller de ce que font nos marques françaises, au contraire, Opel doit libérer la créativité et apporter de la diversité au sein du groupe PSA ». « En tant que groupe allemand, Opel a une perspective différente », a-t-il expliqué.

« N'oubliez jamais qu'il y a 25 ans, Opel était au coude-à-coude avec Volkswagen », a martelé Carlos Tavares.

 Puis il a résumé : « ce qui est difficile, c'est le juste équilibre entre la dimension créatrice et notre discipline d'exécution ».