"Choqué" par la rémunération "astronomique" de Tavares (Stellantis), Macron veut plafonner les gros salaires

Par Jérôme Cristiani  |   |  761  mots
S'agissant de plafonner les rémunérations de dirigeants de multinationales dont les sièges sont répartis dans l'UE, Emmanuel Macron a insisté, ce matin à l'antenne de FranceInfo, sur l'importance de prendre une décision au niveau européen et pas seulement national - ce qui impliquerait sans doute bien des tractations préalables entre États-membres et donc beaucoup de temps avant de voir l'idée se concrétiser. (Crédits : FranceInfoTV via Reuters)
Alors que les thème de la justice sociale et du pouvoir d'achat s'imposent dans la campagne présidentielle, les millions d'euros de primes attribuées aux dirigeants du groupe automobile Stellantis (Peugeot, Citroën, Fiat...) pour l'année 2021 sont contestés par des actionnaires, mais aussi par des syndicats et un large éventail politique, à moins de dix jours du second tour de la présidentielle. Le président de la République, candidat à sa réélection le 24 avril, interviewé à ce sujet ce matin sur FranceInfo répondait sur le thème du partage de la valeur ajoutée. Il insistait, à propos de "ces sujets qui nous indignent tous" sur la nécessité de prendre les décisions au niveau européen, une manière de faire comprendre que ce ne serait pas du ressort du seul chef de l'État. Cependant, il se disait très conscient du risque d'explosion sociale.

Interrogé sur la rémunération que devrait recevoir le DG du groupe automobile Stellantis Carlos Tavares pour l'année 2021, Emmanuel Macron, invité des "Matins présidentiels" ce vendredi 15 avril sur FranceInfo, a répondu qu'il trouvait cela "choquant et excessif", déployant ensuite un argumentaire sur le thème de la justice sociale et du partage de la valeur ajoutée, tout en reconnaissant la nécessité d'un plafonnement des très grandes rémunérations.

Le journaliste Marc Fauvelle avait posé ainsi la question au président de la République et candidat à sa réélection le 24 avril :

« Sur la rémunération de Carlos Tavares, patron de Stellantis, 19 millions d'euros prévus pour l'année 2021... Les actionnaires ont dit non lors d'un vote en assemblée générale mais ils n'ont pas le pouvoir de bloquer cette rémunération... Est-ce que le chiffre vous choque ?

« Evidemment, et je pense qu'on est tous dans la même situation : soit on se dit 'pourquoi pas moi', soit on se dit que c'est inadmissible... et, enfin, c'est choquant, c'est excessif...", répondait Emmanuel Macron.

Marc Fauvelle rebondissait aussitôt par une question visant à faire réagir le candidat sur son programme: « Et donc vous faites quoi ? »

Emmanuel Macron commençait par poser les limites du pouvoir politique face au droit commercial :

« C'est très simple, l'Etat à proprement parler n'est pas actionnaire de l'entreprise, et oui la Banque publique d'investissement s'est aussi opposée à cette rémunération, mais la grande difficulté de tous ces sujets qui nous indignent, c'est qu'il faut les aborder en Européen, parce que Stellantis a son conseil d'administration et sa gouvernance aux Pays-Bas.»

Le risque que « la société, à un moment donné, explose »

Les performances de l'année 2021 ayant été exceptionnelles, le directeur général, Carlos Tavares, devrait toucher à terme un total de 19 millions d'euros pour l'exercice. Pour mémoire, en 2021, la rémunération totale de Carlos Tavares s'élève à 66 millions d'euros. Dans le détail, elle est constituée d'une part fixe de 19 millions d'euros, à laquelle s'ajoutent les primes, le plan d'actions gratuites et les rémunérations de long terme.

Se voulant moteur pour mener ce combat visant à empêcher les rémunérations "abusives", le président de la République expliquait d'un côté qu'il fallait le traiter au niveau européen pour être efficace - ce qui prendrait du temps -, et insistait sur le risque d'explosion sociale si le sujet n'était pas traité du tout :

"Il faut se donner des plafonds et avoir une gouvernance pour notre Europe qui rendent les choses acceptables, sinon la société, à un moment donné, explose. Les gens ne peuvent pas avoir des problèmes de pouvoir d'achat (...) et voir ces sommes", a-t-il expliqué.

"Ce qu'il faut qu'on puisse faire, c'est comme on l'a fait avec l'impôt minimal et la lutte contre l'évasion, qu'on convainque nos partenaires européens de porter une réforme qui permette d'encadrer la rémunération de nos dirigeants", a-t-il précisé.

En France, dans les entreprises, un pacte sur le partage de la valeur ajoutée

Au niveau franco-français, Emmanuel Macron veut aussi "changer le pacte de partage de la valeur ajoutée dans l'entreprise".

"Quand on verse aux actionnaires, on doit verser aux salariés par de l'intéressement - participation et/ou par de la prime de pouvoir d'achat", a-t-il ajouté en citant une mesure de son projet visant à augmenter la prime Macron à 6.000 euros.

Sur BFMTV, la challenger de l'élection présidentielle, Marine Le Pen, réagissait également, proposant de "faire entrer les salariés comme actionnaires":

"Bien sûr que c'est choquant, c'est encore plus choquant d'ailleurs quand ce sont des chefs d'entreprise qui ont mis leur société en difficulté", a réagi l'autre finaliste Marine Le Pen, sur BFMTV. "Mais je crois qu'un des moyens d'atténuer ces rémunérations qui sont hors de proportion par rapport à la vie économique, c'est peut-être justement de faire entrer les salariés comme actionnaires", a ajouté la candidate du RN.

Réunie en assemblée générale virtuelle, une majorité d'actionnaires de Stellantis a voté - à titre consultatif - contre la politique salariale du constructeur qui rémunère ses dirigeants selon leur performance. Ils l'avaient approuvée début 2021 à la naissance du groupe, issu de la fusion de Peugeot-Citroën-Opel (PSA) et Fiat-Chrysler (FCA).

(avec AFP et Reuters)