18 milliards d'euros de profits pour Stellantis en 2021 : le nouveau succès de la méthode Tavares

Le groupe automobile franco-italien a annoncé une marge opérationnelle de près de 12%, un an seulement après sa fondation. Ces résultats spectaculaires portent encore le sceau de son architecte, Carlos Tavares, l'un des patrons les plus en vue de l'industrie automobile.
Nabil Bourassi
Carlos Tavares ancien patron de PSA a été l'artisan de la fusion avec Fiat-Chrysler, et qui a donné le groupe Stellantis. Il se définit lui-même comme un psychopathe de la performance.
Carlos Tavares ancien patron de PSA a été l'artisan de la fusion avec Fiat-Chrysler, et qui a donné le groupe Stellantis. Il se définit lui-même comme un "psychopathe de la performance". (Crédits : DENIS BALIBOUSE)

La puissance de frappe opérationnelle de Carlos Tavares, le directeur général de Stellantis, a encore frappé... Et très fort encore une fois avec la publication ce mercredi des premiers résultats financiers du groupe né il y a un an du rapprochement des groupes PSA et Fiat-Chrysler. Des résultats spectaculaires puisque la nouvelle entité, qui revendique le rang de quatrième constructeur automobile mondial, a enregistré un bénéfice opérationnel de 18 milliards d'euros pour un chiffre d'affaires de 152 milliards d'euros. Soit une marge opérationnelle de 11,8%, largement supérieure aux standards du secteur qui tournent, dans le meilleur des cas, autour de 8%. Même les groupes premium affichent des ratios de rentabilité compris entre 9 et 10%.

Un contexte défavorable

Cette performance est d'autant plus remarquable qu'elle s'inscrit dans un contexte des plus défavorables avec la hausse des coûts des matières premières et la pénurie des semi-conducteurs. Cette prouesse s'explique par la méthode Carlos Tavares, maintes fois appliquée avec succès dans le passé, et dupliquée aujourd'hui à une plus grande échelle.

Celui qui se définit lui-même comme "un psychopathe de la performance" est réputé comme un patron à la main de fer : discipline opérationnelle et commerciale, obsession du "pricing power", frugalité à tous les étages... Une main de fer dans un gant de velours mais dont les résultats sont incontestables.

L'organigramme mis en place au lendemain de la fusion a clairement donné la main au management PSA, rôdé à la méthode et parti évangéliser la partie italo-américaine de Fiat-Chrysler. En quelques mois, les marques italiennes ont immédiatement cessé les ventes aux rabais, les stocks à gogo dans les concessions...Tout ce qui pouvait altérer les prix et la valeur résiduelle (prix à la revente).

Alfa Romeo enclenche une dynamique vertueuse

Ainsi, Alfa Romeo a immédiatement recueilli les fruits de cette recette avec des prix moyens en hausse, et des taux d'équipements et de finitions en progression. La marque sportive premium, dirigée par Jean-Philippe Imparato, fervent défenseur du "pricing power" qu'il a  mis en place lorsqu'il dirigeait Peugeot, a ainsi vu son pouvoir monter de quasiment un point. Il se repositionne ainsi juste au-dessus de la moyenne des marques du segment (+0,1 point). C'est peu, mais la marque a colmaté la brèche, et s'attend à une dynamique vertueuse qui sera désormais alimentée par un plan produit ambitieux: cinq nouveaux modèles d'ici 2026.

Les douze marques du groupe sont toutes soumises à cette discipline commerciale et participent ainsi à cette dynamique de rentabilité qui augmente le prix moyen d'achat unitaire.

Mais la méthode Tavares se trame également en coulisse... Le groupe Stellantis a revu en profondeur son organisation industrielle, a redéployé les missions de chaque site, réduit la voilure de certains d'entre eux, notamment en termes de superficie... Les usines italiennes, longtemps décriées comme étant sous-utilisées, ont toutes été passées au crible des cost-killers "tavaresques" : le site de Termoli (Est) sera transformé en gigafactory, tandis que d'autres se sont vus alloués de nouveaux modèles.

Flex-office, assignation à résidence

Partout dans le monde, les fonctions support ont été soumises à de nouvelles organisations privilégiant le télétravail, afin de céder des m2 de bureaux. En France, l'ancien site de Trappes qui réunissait les bureaux de FCA France sera cédé, les 250 salariés rejoindront le siège de Poissy en jouant avec le flex-office. Comble de la frugalité... Maserati France n'a désormais plus de bureaux, chaque salarié étant désormais assigné à résidence pour tout bureau de travail.

Pour autant, les synergies industrielles ne sont pas encore terminées puisque les prochaines gammes seront désormais pensées sur les mêmes plateformes, ce qui devrait amplifier les économies d'échelle pour chaque modèle. La direction a estimé être en avance dans ses objectifs de synergies avec 3,2 milliards d'euros en 2021, alors que l'objectif initial était d'atteindre les 5 milliards d'euros de synergies annuelles en 2024.

Des fondamentaux solides

Mais Stellantis disposait de solides appuis pour porter de tels résultats financiers. D'abord le groupe PSA était particulièrement rentable à la veille de la fusion avec une marge à 8,5%, et la montée en puissance des nouveaux produits Citroën ou Opel promettait de nouveaux gisements de profits. Côté FCA, ce sont les activités nord-américaines qui ont été d'importants contributeurs de rentabilité. Jeep et RAM sont extrêmement profitables et effacent les difficultés de Chrysler. Ainsi, ce marché qui pèse tout de même 70 milliards d'euros de chiffre d'affaires, a affiché une rentabilité de plus de 16%... Soit, un ratio proche de Porsche. Enfin, aussi difficile fut l'année 2021, elle a toutefois permis de vendre des voitures plus haut-de-gamme, sans promotions, et avec des prix toujours plus élevés, tant la demande était forte.

La méthode Tavares semble se dérouler tel un rouleau compresseur sur l'ensemble de la structure industrielle. Mais le groupe doit encore résoudre plusieurs questions stratégiques majeures comme la Chine, véritable angle mort de Stellantis en termes de volumes de ventes. Il faudra également que le groupe relève des défis technologiques majeurs que ce soit autour de l'électro-mobilité, ou du logiciel. En outre, les questions continuent de se poser pour un certain nombre de marques dont les ventes sont si lilliputiennes que leur pérennité interroge, comme DS ou Lancia que Tavares a décidé de rebrancher. Enfin, la restructuration industrielle est encore loin d'être achevée. Carlos Tavares divulguera enfin sa feuille de route stratégique mardi 1er mars prochain.

de route stratégique mardi 1er mars prochain.

Nabil Bourassi

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Commentaires 5
à écrit le 24/02/2022 à 13:57
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Le PCC est heureux de conserver le contrôle de PSA et demandera une hausse du dividende pour maximiser la productivité de sa vache à lait française...

à écrit le 24/02/2022 à 8:42
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C'est rigolo toutes ces boites qui se mettent à faire des bénéfices miraculeux en ces temps difficiles. J'ai comme un doute....

à écrit le 24/02/2022 à 8:22
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Il est bon ce Carlos ! Comme quoi un Carlos peut en cacher un autre avec des stratégies diamètralement opposées. Le premier privilégiait les effets de volumes sur des voitures avec de faibles marges et le second a joué la carte contraire : vendre de...

à écrit le 24/02/2022 à 6:30
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Le coup de la fermeture des bureaux et du teletravail imposé pour gagner quelques euros... beurk. Ça ne grandit pas leur pdg

à écrit le 23/02/2022 à 21:20
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Que n'ont-ils plutôt nommés à la tête du groupe un énarque ne connaissant rien à l'automobile, qui aurait fait des étincelles ?

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