Comment financer la voiture électrique sans y laisser des plumes

Par Nabil Bourassi  |   |  1184  mots
La voiture électrique reste cher, mais les constructeurs et les loueurs longue durée ont trouvé la solution... (Crédits : Bizoo_n)
Pour les flottes ou les particuliers, l'équation économique de la voiture électrique est complexe. Le leasing permet toutefois de résoudre une partie du problème en jouant sur tous les leviers du coût global. Mais même dans cette configuration, la subvention publique reste déterminante...

Trop cher la voiture électrique ? Oui et non ! Ce n'est pas une réponse de Normand, car il y a encore peu de temps, la réponse était oui sans équivoque. Il suffisait de regarder le prix d'une Renault Zoé, la voiture électrique la plus vendue en Europe : son prix nominal tournait autour de 24.000 euros contre 13.000 euros pour une Renault Clio. Même en comptant les primes gouvernementales (en France, celle-ci peut aller jusqu'à 10.000 euros et 6.000 euros a minima), la Zoé reste substantiellement plus cher.

Pour atténuer le choc tarifaire, Renault avait dès le lancement de sa citadine électrique décidé de la vendre sans ses batteries et de faire louer ces dernières aux clients. Cette location a baissé au même rythme que celle du coût des batteries. Au lancement, Renault visait un budget qui ne dépassait pas le budget carburant d'un ménage moyen. La location était alors de 79 euros par mois. Celle-ci est passée à moins de 40 euros pour des batteries deux fois plus performantes.

Le nouveau monde du financement

Mais tout ça... C'était l'ancien monde de la voiture électrique. Les constructeurs automobiles ont décidé de refaçonner le modèle tarifaire de ce type de véhicule. Dans la présentation de sa stratégie d'électrification mi-septembre, le groupe PSA a indiqué qu'il concentrerait sa communication autour de la valeur d'usage de la voiture électrifiée, c'est-à-dire en prenant en compte tous les éléments constitutifs du coût global d'une voiture. Cela comprend bien sûr le prix d'achat, mais également celui de la maintenance et du carburant. Dans ces conditions, l'équation économique n'est plus du tout la même.

La voiture électrique signifie la fin de toute une série d'équipements qui sont autant de sources de maintenance et donc de coûts. D'après l'Avere France, dans une voiture électrique la vidange d'huile n'est plus nécessaire. Il faut également oublier la boite de vitesse (le passage de rapport sur les voitures électriques est par nature automatique), l'embrayage, et les plaquettes de frein sont moins sollicitées grâce au système de récupération d'énergie. Sans parler de tous les systèmes de contrôle des émissions de gaz polluants...

Cette équation vertueuse est renforcée par la hausse des prix du carburant contre laquelle la voiture électrique est totalement immunisée. Selon une étude UFC-Que choisir publiée mercredi 10 octobre, le coût en énergie s'élève à 188 euros par an pour une voiture électrique contre 1.181 euros pour un diesel et 1.461 euros pour un essence. Au final, et après prise en compte de tous les coûts, l'association de consommateur a estimé que "le coût total d'un véhicule électrique est plus faible que celui d'un diesel" de 3% et d'une essence de 5% "à partir de quatre ans de possession".

Les loueurs sont les mieux placés

Ce postulat intéresse grandement les loueurs longue durée dont le modèle économique est justement fondé sur ce fameux coût d'usage appelé dans leur jargon "le TCO". En début d'année, le loueur néerlandais LeasePlan avait annoncé qu'en 2030, toutes les mises à la route seraient des voitures zéro émission afin de se positionner sur une expertise dans la mobilité soutenable. Récemment, c'est Public LLD qui s'est lancé dans le défi de la voiture électrique. La filiale d'Arval dédiée aux flottes publiques a mis au point une offre de location longue durée de voitures électriques à prix compétitifs.

"Notre démarche a été d'élaborer un programme de modernisation qui permette d'offrir une flotte électrifiée au même prix que le thermique", explique à La Tribune, Stéphane Spitz, directeur général de Public LLD. Selon lui, le marché des flottes publiques représente un important gisement de croissance pour le marché de la voiture électrique.

"Le parc des acteurs publics représente environ 450.000 voitures au total encore majoritairement diesels et âgés en moyenne entre 7 et 10 ans. Notre premier constat c'est l'obsolescence de ce parc au regard des évolutions technologiques récentes et des enjeux environnementaux. Et paradoxalement, les voitures électrifiées n'ont représenté qu'entre 5% et 7% du renouvellement de ces flottes. C'est très en-dessous des objectifs voulus par le gouvernement alors que tous les signaux sont au vert pour accélérer cette transition énergétique".

Les signaux au vert, c'est bien entendu une offre de plus en plus fournie, que ce soit sur les citadines, les compactes mais également sur les utilitaires légers, qui est proposée. C'est également une amélioration du point de vue de l'autonomie des voitures qui ne cesse de progresser, passant de moins de 200km à plus de 300km. Les loueurs estiment désormais que les voitures électriques ont franchi un seuil qui permet de couvrir jusqu'à 80% des besoins de mobilités quotidiens que ce soit pour les particuliers ou pour les entreprises.

Les prix restent tendus

Toutefois le modèle économique est encore fragile comme le rappelle UFC-Que choisir. Sans le "bonus de 6.000 euros à l'achat", la voiture électrique "ne serait pas rentable", écrit l'association de consommateur. Public LLD a d'ailleurs dû agir sur plusieurs leviers pour que l'équation soit financièrement pertinente. Au-delà des gains sur la structure de coûts de la voiture électrique, le loueur a inscrit cette nouvelle offre dans une démarche de voiture partagée afin de réduire le nombre total de voitures. "Nous avons démontré que la mutualisation permet de réduire de 20% le nombre de voitures", justifie Stéphane Spitz. Chez LeasePlan, on estime que le renversement du paradigme économique va s'accélérer à l'avenir.

"Les modifications apportées aux motorisations thermiques afin de les rendre compatibles avec la norme de pollution Euro 6c vont renchérir les prix des modèles thermiques et provoquer une hausse de leur TCO", explique Jean-Loup Savigny directeur commercial et marketing de LeasePlan France.

En attendant, il est urgent de se positionner. Public LLD estime être "dans une démarche d'accompagnement pour atteindre un seuil vertueux qui permettra à la filière de se structurer et de baisser ses coûts". Autrement dit, le loueur est prêt à prendre sur ses marges pourvu qu'il se positionne sur ce marché. Il estime d'ailleurs qu'un "parc de 100.000 voitures est à portée de main, soit presque dix fois plus pour les seules flottes publiques, que les 15.000 voitures électriques immatriculées au premier semestre sur tout le territoire".

Pour l'instant, la voiture électrique devient compétitive mais elle dépend encore largement des subventions publiques ce qui induit deux contraintes : elle est soumise à une dimension politique et elle est différente entre les pays en fonction des dispositifs mis en place. Dans ces conditions, l'achat en leasing pourrait devenir la solution la plus compétitive et la plus maligne pour ce véhicule. Ce faisant, ce dernier pourrait accélérer une tendance de fond qui consiste intégrer l'usage dans l'équation économique. "C'est inéluctable", tranche Stéphane Spitz de Public LLD.