Hybrides rechargeables : trop peu d'avantages par rapport aux moteurs thermiques... une "arnaque", affirme une étude suisse

Par Jérôme Cristiani  |   |  1465  mots
(Crédits : Reuters)
Selon les deux auteurs d'une étude réalisée spécifiquement dans un environnement montagneux spécifique, la consommation réelle de carburant des véhicules hybrides plug-in est très éloignée des promesses des constructeurs, n'apportant qu'un "très léger avantage (voir aucun) par rapport à une voiture thermique conventionnelle". Côté qualitatif, cette étude montre aussi que ceux qui ont acheté un tel véhicule sont très ignorants en matière de mobilité électrique mais aussi qu'ils ont été "mal accompagnés dans le choix de leur futur véhicule".

En plein virage vers la transition énergétique, une étude qui tire à boulets rouges sur les véhicules hybrides rechargeables pourrait ressembler à un dérapage de polémistes en mal de célébrité ou au brûlot d'un lobby pro-énergies fossiles. Il n'en est rien car cette étude résulte d'une commande suisse tout ce qu'il y a de plus officiel émanant du canton du Valais adressée à une société d'assistance à maîtrise d'ouvrage, Impact Living. Et les résultats établis par cette société de conseil ont été pris très au sérieux par les autorités valaisannes puisqu'elles ont décidé de supprimer purement et simplement les subventions qu'elles accordaient jusqu'ici aux véhicules hybrides rechargeables.

L'étude montre en effet que, dans le contexte de la topographie locale montagneuse de cette région, ce type de véhicules offraient trop peu d'avantages en matière d'émissions et de consommation de carburant par rapport aux thermiques conventionnels.

"Les résultats quantitatifs (mesures de la consommation réelle de carburant) montrent que les véhicules hybrides plug-in sont très éloignés de leurs promesses et ne présentent que de très légers avantages (voir aucun) par rapport à une voiture thermique conventionnelle", affirme sans langue de bois Impact Living.

L'un des auteurs de l'étude, Marc Muller, ingénieur en énergies, enfonce le clou en déclarant à la radio suisse publique RTS:

Ces véhicules sont "une arnaque aux normes CO2, aux objectifs climatiques et aux consommateurs!"

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4 fois plus de CO2 qu'annoncé sur le papier

Cette étude avance des résultats particulièrement affligeants: dans le contexte valaisan d'une topographie très montagneuse, les hybrides rechargeables "émettent jusqu'à presque 4 fois plus de CO2 qu'annoncé" par les constructeurs.

Selon l'étude, "même un conducteur avec des bornes de recharges à la maison et au travail et effectuant des petits trajets n'atteint pas les valeurs des constructeurs".

"Les véhicules hybrides sont souvent annoncés par les constructeurs comme des véhicules à 1,5 à 2,5 litres aux 100 kilomètres, mais dans la réalité, ils consomment entre 4 et 7 litres... comme des véhicules diesel", a souligné M. Muller, à la RTS.

Une étude quantitative...

Côté méthodologie, Impact Living explique qu'elle a procédé en deux temps: d'abord un examen quantitatif en relevant, sur une période de trois mois, les données de consommation de carburant sur un lot de 20 véhicules hybrides rechargeables(*) ainsi que, pour comparaison, sur un lot de 15 véhicules thermiques conventionnels(*) roulant sur le même territoire valaisan. Le constat est alarmant:

"En conditions réelles, les émissions de CO2 et les consommations de carburant dépassent largement les valeurs d'homologations officielles (WLTP) pour les véhicules hybrides rechargeables (écart de +116% sur le lot testé). Pour les véhicules thermiques conventionnels, cet écart est bien plus faible (+26% sur le lot testé)."

Ainsi, en situation réelle, la moyenne des hybrides rechargeables est à peine au-dessus des 118 gr.CO2/km, la valeur cible pour 2021.

...doublée d'une étude qualitative

La moisson de données achevée, Impact Living a mené une campagne d'entretiens qualitatifs individuels avec les propriétaires des véhicules.

Les enseignements de cette deuxième partie qualitative de l'étude sont nombreux, touchant aux motivations d'achat (réduction des coûts, premier pas vers l'électrique, sécurité face au manque de bornes, privilégier une durée de recharge courte...), à l'acclimatation à un nouveau style de conduite, jusqu'à aussi l'impact sur la consommation finale de carburant fossile selon l'utilisation ou non des bornes de recharge électrique pour recharger la petite batterie.

Sur ce dernier point par exemple, les auteurs notent que la recharge électrique quotidienne est un élément essentiel pour réduire au mieux la consommation de carburant de son véhicule hybride, mais que certains utilisateurs... ne le font jamais.  Dans le cas cité, la consommation moyenne de 7,95 l/100 km relevée prouve bien que, mal utilisés, ces véhicules offrent des performances bien loin des promesses des constructeurs. Cela montre également que le système de récupération d'énergie est loin de suffire à lui seul à recharger la batterie.

La faiblesse de la batterie est d'ailleurs pointée de manière récurrente par l'ensemble des conducteurs, et leur expérience suggère que, "dans le monde réel, aucun véhicule n'atteint les plages d'autonomie déterminées par les tests officiels".

Une technologie incompatible avec les objectifs climatiques de 2030

Également, l'étude ne manque pas de mentionner les biais dont ils ont dû tenir compte pour fiabiliser leurs résultats tel celui-ci:

"Les témoignages des utilisateurs quant à leur utilisation du véhicule entrent toutefois en contradiction avec les valeurs de consommation mesurées. On pourrait ainsi conclure que les utilisateurs affirment utiliser au mieux le potentiel technologique de leur véhicule alors que cela n'est manifestement pas le cas", notent les auteurs.

L'étude conclut que le choix de ce type de véhicule "ne permet donc en aucun cas d'accélérer l'atteinte des objectifs climatiques de 2030 et encore moins ceux de 2050".

Un déficit de connaissances dommageable

Toutefois, malgré ses défauts, tempèrent les auteurs, "l'hybride rechargeable est un bon premier pas vers un véhicule 100% électrique", notamment par sa dimension éducative d'appropriation de cette nouvelle forme de mobilité.

Symétriquement, l'étude montre que le frein au passage à un véhicule tout électrique provient d'une crainte et d'un manque de connaissance sur le nouvel écosystème de mobilité.

Les entretiens révèlent notamment un déficit d'information dans la compréhension de l'utilisation des bornes de recharge et la gestion de l'autonomie. L'étude recommande que des conseils soient délivrés dans ce sens à la population, permettant à celle-ci de d'identifier la meilleure technologie pour les usages souhaités. Les concessionnaires sont-ils les mieux placés pour remplir cette tâche, l'étude pose seulement la question.

D'autres études relèvent des écarts entre publicité et réalité

En 2020, l'ONG Transport & Environment (T&E) qui a analysé le comportement de trois des modèles les plus vendus cette année, avait déjà affirmé les émissions de CO2 des véhicules hybrides rechargeables restent supérieures à ce que les constructeurs annoncent officiellement.

Des études de l'ONG International Council on Clean Transportation (ICCT) ont également conclu que les émissions de CO2 en conditions réelles des hybrides rechargeables étaient généralement plus élevées que les mesures communiquées lors de leur processus d'approbation.

Plus adapté à un usage urbain ou autoroutier, avec des bémols

Pour nombre d'experts, l'hybride rechargeable cumule le pire des deux univers, soit les inconvénients des moteurs thermiques (pollution de l'air) et ceux des moteurs électriques (poids et prix élevés à cause des deux motorisations). Quand elles ne sont pas régulièrement rechargées, ces voitures souffrent d'une consommation très élevée.

Mais, et c'est un des points très bien explicités par l'étude d'Impact Living, bien des facteurs influent sur la consommation de carburant finale et les émissions de gaz à effet de serre d'un même modèle de véhicule: d'un conducteur à l'autre, celles-ci peuvent varier jusqu'à un facteur 7 en fonction de modalités tant internes (comportement de conduite, gestion de la recharge...) qu'externes (météo, densité du trafic, manque de bornes, etc.).

Cependant selon d'autres experts, pour certains conducteurs qui cumulent longues distances sur autoroutes et usage urbain, l'hybride rechargeable, utilisé correctement, resterait une alternative au diesel, dont le public se détourne depuis la découverte de la nocivité des micro-particules et plus encore depuis le scandale des moteurs truqués de Volkswagen.

Mais même pour un usage urbain et dans un contexte de relief très modéré comme celui de Paris, le choix d'un véhicule hybride rechargeable présente des inconvénients. Il peut même s'apparenter parfois, à un chemin de croix comme l'explique ce Parisien dans La Tribune:

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(*) LES VÉHICULES TESTÉS:

  • Hybrides rechargeables

- Mitsubishi Outlander PHEV (15 véhicules) - Volvo XC60 (T6, T8) (3 véhicules) -Opel Granland X (1 véhicule) - Ford Explorer PHEV SUV (1 véhicule).

NB: le Mistubishi est surreprésenté à cause de son succès fulgurant dû à son avance technologique qui en a fait un best-seller européen, notent les auteurs.

  • Conventionnels thermiques

- Audi (Q5) - BMW (X1, 320d) -Dacia (Sendero) -Hyundai (Kona, IX35) - Mercedes (GLB 250 4matic) - Renault (Koleos) - Smart (Fortwo) - Suzuki (Swift, Celerio) - Volkswagen (GTI, R).

(avec AFP)