Conduire une voiture hybride à Paris n'est pas un long fleuve tranquille

Cinquième et dernier volet de notre série de cinq enquêtes sur le business des bornes de recharge électrique, publiée depuis lundi. Après avoir décortiqué l'ensemble de cet univers complexe et crucial pour la décarbonation de l'automobile, nous avons décidé de donner la parole à des automobilistes pour qu'ils nous racontent leur expérience de la voiture électrifiée par rapport à la problématique de la charge : un propriétaire d'une voiture 100% électrique, en l'occurrence une Tesla, et un propriétaire d'une voiture hybride rechargeable. Ce dernier, chef d'entreprise, nous livre son témoignage et ce n'est pas une partie de plaisir. Récit.
Fabrice Gliszczynski
Pour recharger la batterie de son modèle hybride, Stéphane doit jongler avec les nombreuses cartes d'abonnement.

Stéphane, chef d'entreprise, roule depuis un an en voiture hybride rechargeable. L'an dernier, quand le contrat de leasing longue durée de sa voiture de direction s'est achevé, le quadragénaire, habitué au diesel depuis des années, a fait le choix d'un véhicule hybride rechargeable. Non seulement pour apporter sa maigre contribution à la lutte contre le réchauffement climatique et se donner ainsi "bonne conscience". Mais aussi, et peut-être surtout, pour éviter les lourdes taxes qui frappent les véhicules diesel et profiter au contraire des avantages accordés pour l'acquisition d'une voiture électrique ou hybride rechargeable.

Par exemple, pendant les trois premières années de location, il est exonéré de la taxe sur les véhicules de société (TVS), qui est payée chaque année par toutes les entreprises pour chaque véhicule de sa flotte en fonction des émissions de CO2 et de la puissance fiscale du véhicule, alors que cette TVS explose depuis des années pour les voitures diesel pointées du doigt pour leurs émissions de particules fines. En ajoutant le bonus écologique que la société de leasing a répercuté sur le prix, toutes les planètes étaient alignées pour choisir une voiture tout ou en partie électrique.

Peur de la panne sèche

Stéphane a opté pour une hybride rechargeable. Il a immédiatement écarté le 100% électrique en se souvenant des sueurs froides de sa sœur quand elle s'est retrouvée à une trentaine de kilomètres de chez elle... avec une autonomie de batterie de 32 km. Sans borne de recharge sur le chemin, elle avait frôlé la panne sèche. Vu le faible nombre de bornes de recharge en France quand il acheté sa voiture, Stéphane a donc préféré une hybride. Plus sûr pour les longues distances, même si l'essentiel de ses déplacements se limitent à Paris et sa banlieue. Les 50 km d'autonomie du moteur électrique de son véhicule lui permettent ainsi de rouler quasiment tout le temps en mode électrique, sans consommer une goutte de carburant.

Mais si le plaisir de conduite est évident et le sentiment de ne pas polluer plutôt grisant, le choix d'une hybride a des inconvénients. Il s'apparente même, parfois, à un chemin de croix.

Chasse aux bornes de recharge

Stéphane habite en effet à Paris. Il loue un parking sous-terrain dépourvu de point de recharges. Il doit donc recourir à une borne publique. Impossible évidemment de jeter un fil électrique de son balcon pour brancher son véhicule garé dans la rue, comme il l'a parfois constaté pour des scooters garés sur le trottoir. Problème, l'utilisation des bornes publiques est tout sauf une partie de plaisir. Entre les points de recharge qui ne fonctionnent pas, les places qui sont prises par des voitures à moteurs thermiques ou même par des voitures électriques non branchées (notamment les voitures de location Zity), Stéphane peine à trouver des bornes libres.

Si l'on ajoute la concurrence des taxis 100% électriques comme les "black cabs" très présents dans son quartier, les places se comptent sur les doigts de la main. A tel point que Stéphane est contraint d'aller "chasser" des places de plus en plus loin de ses terres, quitte à "consommer" davantage de sa précieuse électricité. Aussi, il n'oublie plus de partir en quête d'une borne sans son ordinateur pour aller travailler dans un bar proche de la borne ou, à défaut, dans sa voiture. Car autant un plein d'essence prend 5 minutes, autant la recharge complète de sa batterie lui prend 1h30 environ !

Le précieux conseil d'un chauffeur de taxi

Et il a plutôt intérêt à ne pas trop s'éloigner car, sur les conseils d'un chauffeur de taxi,  il vaut mieux interrompre la charge au bout d'une heure et la relancer dans la foulée, pour éviter une inflation du prix après une 1 heure de charge. Car le prix n'est pas donné. Surtout quand sa facture lui joue des tours en passant parfois du simple au triple pour une consommation identique. Il a bien essayé d'utiliser les anciennes bornes autotolib' gérées jusqu'à très récemment par la Ville de Paris, mais impossible de trouver sur ces bornes une prise compatible avec celle de son véhicule.

Le basculement de ces bornes sous la marque Belib (TotalEnergies) devrait faciliter la tâche. Sauf qu'il faut encore acheter une carte d'abonnement. Il en déjà deux autres sans compter celui de la mairie de Paris, qui ne lui sert à rien depuis la reprise du réseau par Total.

Même inconvénient quand il part en déplacement en Normandie sur la côte fleurie. Tous les matins, il doit faire 10 km pour aller charger sa batterie, avec tous les inconvénients déjà observés à Paris : bornes qui ne fonctionnent pas, places prises par des voitures thermiques...

Une éco-conduite forcée

Le passage à la voiture hybride a même transformé sa conduite. Pour éviter de gaspiller le moindre kilowattheure, Stéphane met tout en œuvre pour éviter de passer, quand il conduit, du moteur électrique au moteur thermique. Pour rester en "électrique", il doit accélérer très très progressivement, en caressant la pédale d'accélération pour éviter toute augmentation brutale de la vitesse qui demanderait l'usage du moteur thermique pour suppléer le manque de puissance du moteur électrique. Résultat, Stéphane roule extrêmement lentement. Une véritable éco-conduite. Il est l'un des rares automobilistes parisiens à saluer le passage à 30 km/h imposé par Anne Hidalgo dans la capitale. Fini les coups de klaxons des conducteurs exaspérés par sa lenteur. Stéphane est dans son bon droit. Il ne fait que respecter que les limites autorisées.

Pour autant, en cette rentrée, les choses s'améliorent. A son retour de vacances, où il a pu tester chez un proche la recharge à domicile ("au secteur") et envier ceux qui possédaient une maison individuelle, Stéphane a eu l'agréable surprise de découvrir une flopée de nouvelles bornes dans Paris. Deux stations supplémentaires de six places chacune ont vu le jour dans son quartier. Même chose dans le supermarché dans lequel il fait ses courses. Neuf bornes sont sorties de terre. Même chose dans le parking d'un centre commercial dans lequel il va souvent. Avec un bémol. Censées acceptées toutes le cartes d'abonnement, elles n'ont jamais fonctionné, obligeant Stéphane à pianoter sur son smartphone pour pouvoir se brancher.

Et demain, le 100% électrique

A l'heure du bilan, Stéphane apprécie néanmoins sa voiture hybride. Rouler en électrique dans les embouteillages renforce sa conscience écologique. Pour autant, quand il changera de voiture dans quelques années, il sait qu'il n'aura pas d'autre choix que de passer au 100% électrique. C'est à ses yeux le sens de l'Histoire. Le développement des bornes et les progrès attendus des batteries renforcent sa conviction. A condition que les subventions soient maintenues ou que les prix baissent.

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La suite de notre 5e volet décryptant l'expérience client des automobilistes transformée par la voiture électrique.

Fabrice Gliszczynski

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Commentaires 5
à écrit le 19/09/2021 à 13:12
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On peut répertorier différents risques non négligeables avancés par Michel Armand, dus au manque de sécurité apportée à la batterie: • En cas de choc, un court-circuit pourrait se produire, et avec lui un danger direct pour les passagers (incen...

à écrit le 19/09/2021 à 13:06
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Avec le réchauffement climatique, les assurances vont se désengager des électrocutions et des incendies de voitures électriques.

à écrit le 17/09/2021 à 11:00
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en conclusion l'écosystème n'est ABSOLUMENT pas prêt !

le 18/09/2021 à 2:04
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C'est une évidence cependant Stéphane devait bien se douter en faisant le choix de l'hybride que les possibilités de recharge seraient extrêmement limitées voir nulles donc à quoi bon s'équiper d'un véhicule hybride rechargeable qui s'apparente da...

à écrit le 17/09/2021 à 10:18
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Question naïve et non polémique . Est-ce qu'à 30 km/h on recharge une voiture hybride ?

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