Reconstruction de Notre-Dame de Paris : "les études ne font que commencer"

Par César Armand  |   |  753  mots
"Pourquoi ne pas s'inspirer d'un Thomas Pesquet qui communiquait quasiment en direct depuis l'espace, même avec des choses anecdotiques ?", s'interroge Eric Wirth, vice-président du conseil national de l'ordre des architectes. (Crédits : GONZALO FUENTES)
Un an après l'incendie qui ravagea la cathédrale parisienne, le Conseil national de l'ordre des architectes, par la voix de son vice-président Eric Wirth, rappelle que le diagnostic n'est pas encore terminé...

LA TRIBUNE: Douze mois après l'incendie, est-il toujours possible d'atteindre l'objectif présidentiel d'une reconstruction en cinq ans ?
ERIC WIRTH :
C'est très bien de se donner un cap, mais il ne faut pas que cela devienne un impératif. Nous ne devons pas faire n'importe quoi pour respecter cette échéance. La laboratoire de recherche des monuments historiques mène des études poussées. La pierre stabilisée depuis huit cents ans a subi une chaleur excessive, sans parler des autres matériaux qui peuvent avoir d'autres pathologies. Pour l'instant, l'architecte en chef des monuments historiques, Philippe Villeneuve, travaille activement pour consolider le diagnostic et déterminer ce qui devra et pourra être fait.

Dès le lendemain, la question s'était posée d'une reconstruction à l'identique ou avec d'autres matériaux. Vous-même avez plaidé pour le bois devant l'Assemblée nationale, vous attirant les foudres du syndicat de l'acier. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Si l'Empire state building s'est construit en deux ans, il a nécessité cinq ans d'études. Le général Georgelin, président de l'établissement public dédié à Notre-Dame, avait demandé que le diagnostic soit bouclé en deux mois ; or il n'est pas encore terminé et les études ne font que commencer.
Si la question est : faut-il reconstruire à l'identique, j'en serais ravi, le bois étant un matériau bas carbone contemporain qui capte du carbone, mais le Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) n'a pas à faire de prescription. Il soutiendra les choix de bon sens qui seront faits. Laissons faire les professionnels et les sachants.
C'est un sujet qui n'est pas neutre: des donateurs ont peut-être conditionné leur don à une reconstruction à l'identique. J'ajoute qu'il faudra mesurer l'impact du coronavirus sur ces promesses de dons. Peut-être que les versements ne seront pas à la hauteur des annonces. J'alerte si besoin en était l'établissement public sur ce sujet.

A l'époque, le Conseil national de l'ordre des architectes était sceptique sur la création d'un tel établissement public ex-nihilo. Et maintenant ?
Cet établissement public existe, dont acte. Nous nous interrogions en effet sur la nécessité de rajouter une nouvelle structure. Nous redoutions qu'elle prenne les rênes de tout, alors que nos services du patrimoine ont une expertise reconnue.
Depuis, nous sommes rassurés car les services du ministère de la Culture qui restent très impliqués et le général Georgelin lui-même se fait accompagner de conseils. Je pense à l'architecte Jean-Marie Duthilleul qui a créé, en 1997, l'AREP, une équipe d'urbanistes, d'architectes et d'économistes sous l'égide de la SNCF.

Lors d'une audition à l'Assemblée nationale en novembre, le général Georgelin avait déclaré avoir expliqué à l'architecte en chef des monuments historiques "qu'il ferme sa gueule"...
Tout le monde a désormais posé les crayons et désire agir vraiment pour le meilleur. Entre les tempêtes de décembre, le plomb qui a impacté la vitesse du chantier et maintenant l'arrêt des chantiers à cause du Covid-19, il y a eu beaucoup de malchances, mais tout le monde fait face avec des bonnes mesures de sécurité.
Je regrette simplement que très peu d'informations sur les travaux passionnants en cours ne soient disponibles, alors que nous pourrions disposer d' un espace virtuel où tout à chacun- Parisiens, Français et habitants du monde entier- , puisse voir ce qui s'y passe: la technique du diagnostic, la prise de relevés, le temps de travail en temps réel, les prouesses déjà réalisées.
Pourquoi ne pas s'inspirer d'un Thomas Pesquet qui communiquait quasiment en direct depuis l'espace, même avec des choses anecdotiques ?

Quid justement de la flèche de Viollet-le-Duc, sujet de discorde entre les deux hommes ? Au début, il était question de lancer un concours international et le président de la République Emmanuel Macron imaginait un "geste architectural contemporain".
Le débat reste encore ouvert, mais j'estime que ces effets d'annonce n'étaient pas forcément les plus appropriés. Evitons les batailles d'égo. La cathédrale mérite modestie et humilité. N'oublions pas que c'est un lieu de culte édifié grâce à la foi des hommes.
Ici et là, on parle d'accueil du public, de monument historique, mais que cela concerne le choix des aménagements des espaces extérieurs. Ne faisons pas perdre à Notre-Dame, son âme!
C'est un catholique baptisé non-pratiquant qui vous le dit: ce bâtiment représente l'extension de la foi des hommes.