Les labos pharmaceutiques français sont-ils en train de perdre la course à l'innovation ?

Par Jean-Yves Paillé  |   |  637  mots
Depuis 3 ans, Sanofi est la seule pharma française a être présente dans le Top 30 de ce classement. Malheureusement, elle ne cesse de perdre des places depuis 2013.
Sanofi ne figure plus dans le Top 10 du dernier classement de Idea Pharma 2015, qui évalue les efforts dans la recherche et le développement, le lancement de nouveaux produits et les performances financières des grandes entreprises du médicament. Sanofi, unique représentante française de ce classement mondial, promet d'y remédier.

Elle était 5e en 2013, puis 8e en 2014 et, cette année, elle pointe à la 20e place. Telle est, selon le classement mondial du cabinet de conseil Idea Pharma, la dangereuse pente sur laquelle est en train de glisser notre géante de l'industrie pharmaceutique, Sanofi.

Ce palmarès, sorti fin février ("Productive Innovation Index) émane de Idea Pharma, une société américaine de conseil en stratégie pour les biotechs et les industries pharmaceutiques, qui étudie notamment l'adéquation entre l'offre de nouvelles molécules et la demande du marché.

Baisse des ventes et du nombre de lancements, vue à court-terme...

Un porte-parole d'Idea Pharma explique à La Tribune les raisons de la rétrogradation de Sanofi dans son palmarès des entreprises du médicament d'envergure mondiale (ou "big pharma"):

"Lorsque l'on compare ses performances avec celles des autres entreprises du Top 30, on constate que Sanofi a montré une baisse significative de ses ventes en 2014. Elles sont bien plus faibles qu'en 2006. Nous avons toutefois perçu un changement positif, avec de nouvelles molécules lancées par la pharma française et passant en phase III [phase d'étude comparative d'efficacité, où le produit est comparé à un placebo: c'est la dernière étape avant la mise du produit sur le marché, s'il est validé par les autorités, Ndlr]. Mais le faible nombre de lancements sur les trois dernières années ont pesé. Par ailleurs, il semble que Sanofi, soit très dépendante de sa relation avec le laboratoire Regeneron et qu'elle focalise sur un développement à court terme."

Contacté par La Tribune, un porte-parole du numéro un des laboratoires pharmaceutiques français a répondu:

"Sanofi a renoué avec l'innovation. Nous préparons une dynamique de lancement inédite : un lancement tous les 6 mois pendant les 4 prochaines années, notamment dans le diabète, l'hypercholestérolémie, les maladies rares ou encore un vaccin contre la dengue."

Boulet fiscal ou stratégie pas assez basée sur l'innovation ?

A noter que, depuis trois ans, Sanofi est la seule pharma française à être présente dans le Top 30 de ce classement mondial. Les autres laboratoires pharmaceutiques français ne commercialisent "pas assez de produits à grande échelle, qui pénètrent vraiment le marché et agissent significativement sur leur chiffre d'affaires" pour y figurer, estime Idea Pharma.

Ce manque d'innovation et de développement à l'international semble donner raison au Leem, premier syndicat de l'industrie pharmaceutique, qui, dans sa dernière publication, manifeste une grande inquiétude s'agissant du rang que les laboratoires pharmaceutiques français occupent dans le marché mondial.

Le syndicat dénonce ainsi un alourdissement massif des mesures de régulation et de fiscalité, responsable selon lui d'une chute du chiffre d'affaires dans les marchés mondiaux de l'ordre de 2%. Alors que celui des pharmas américaines, allemandes ou britanniques progressent. Ces pays bénéficient de mesures fiscales plus incitatives, assure le Leem. Ce dernier estime en outre que la montée en puissance du crédit impôt compétitivité emploi (CICE), dont le taux est passé de 4 % (2013) à 6 % (2014) n'a pas suffi à absorber l'augmentation du taux global d'imposition des entreprises du médicament.

Pourtant, Sanofi proposera pour 2014, un dividende de 2,85 euros par action à l'assemblée générale du 4 mai 2015, soit un taux de distribution du bénéfice net par action de 54,8%. Le bénéfice net part du groupe du numéro un français du médicament s'établit à 4,39 milliards d'euros en 2014.

De quoi relancer le débat sur le choix à faire entre récompenser les actionnaires et développer l'activité.

*Idea Pharma établit son classement en fonction notamment de la R & D, des efforts de commercialisation/ventes mondiales, des besoins/de la demande concernant un produit lancé sur le marché et de la productivité du pipeline.