Cellectis : "Nous ne sommes pas sauvés des eaux"

Le fondateur de Cellectis, André Choulika, raconte dans un livre les déboires qui ont failli faire disparaitre son entreprise de biotech Cellectis. La société convalescente fonde aujourd'hui de grands espoirs sur ses traitements basés sur l'édition du génome et susceptibles de guérir des leucémies.
Jean-Yves Paillé
Cellectis compte également beaucoup sur sa filiale Calyxt, une société de biotechnologie agricole qui, par l'édition du génome, modifie les plantes pour améliorer certaines de ses propriétés ou lui en apporter de nouvelles.

Chute en Bourse, restructuration, remise en cause de sa stratégie... ces dernières années, la biotech Cellectis a connu un parcours tortueux et revient de loin, de très loin. André Choulika, Pdg et fondateur de la société française spécialisée notamment dans la thérapie génique contre le cancer, ne veut pas s'emballer :

«On n'est pas sauvés des eaux. À partir du moment où vous avez vraiment un produit qui est capable de libérer 85% de marge et de faire un carton sur le marché, là vous êtes sauvés. Aujourd'hui, le risque est toujours là. Je suis fier de ce qu'on a fait, mais mon objectif est de faire de Cellectis une boîte sauvée des eaux», lâche-t-il lors d'une conférence de presse, mercredi 21 septembre.

2013, l'année noire

Dans son livre Réécrire la vie, sorti jeudi 22 septembre, le fondateur de la biotech raconte une année 2013 noire. Les investissements s'orientent vers les CRISPR, un outil d'édition du génome moins coûteux que les TALEN, le pari de Cellectis.

Face à une chute brutale des ventes et un avenir qui s'assombrit, Cellectis décide de se restructurer. La société "est passée de 255 à 68 personnes", regrette André Choulika. Elle "valait moins de 50 millions d'euros. On n'avait plus un rond". Avec la chute des ventes et les remous en Bourse, la trésorerie de la société tombe à 7,6 millions d'euros au 31 décembre 2013, contre 21,8 millions d'euros un an plus tôt.

Puis, Cellectis décide de présenter une nouvelle stratégie pour convaincre de nouveaux investisseurs de lui faire à nouveau confiance.

«On a pour ainsi dire "ravalé" la société. On a pu se repositionner sur ce que l'on faisait par ailleurs depuis 5 ans : essentiellement des applications thérapeutiques de l'édition de génomes, anticancéreux notamment, et nos recherches entreprises depuis trois ans dans le domaine des plantes [...] Nous avons sabré le reste. [...] Un an et demi plus tard, la société valait 1,5 milliard d'euros», écrit André Choulika.

Car outre le retour de la confiance des investisseurs et des fonds levés, la biotech française a réussi à s'introduire au Nasdaq entretemps et repris du poil de la bête en Bourse à Paris.

"On se bat avec nos petits bras"

Néanmoins, André Choulika rappelle que dans l'ingénierie du génome, notamment en oncologie, la concurrence est rude. "On se bat avec nos petits bras", souffle le Pdg. "Petits bras" comparé à d'autres poids lourds américains sur ce marché. Par exemple, la valeur boursière de la société est inférieure à un milliard de dollars, alors que son concurrent, Juno Therapeutics, est valorisé plus de trois milliards. Ou encore, la trésorerie de Cellectis dépasse difficilement les 300 millions d'euros quand celle de certains concurrents dépasse aisément le milliard.

Aujourd'hui, Cellectis fonde de grands espoir sur deux produits consistant à injecter dans le corps d'un patient des cellules immunitaires modifiées génétiquement. Le premier est l'UCART19, des lymphocytes T ingénierés ("globules blancs"). Dans le détail, ces cellules T sont modifiées en supprimant certains gènes et rajoutant d'autres. L'objectif : faire des cellules qui s'attaquent plus efficacement au cancerEn 2015, Cellectis a réussi à guérir un bébé atteint d'une leucémie lymphoblastique grâce à l'UCART19, un produit qui utilise cette technologie. L'UCART19, pour lequel Servier et Pfizer ont conclu un partenariat avec Cellectis, est actuellement en essai clinique en phase I. Le second traitement sur lequel la biotech française mise beaucoup est l'UCART123 contre la leucémie myéloïde aiguë.

"Si les résultats encourageants des deux produits sont confirmés, nous pourrons être en avance sur nos concurrents", s'enthousiasme André Choulika.

Reste à savoir quand ces nouveaux résultats seront connus.

Cellectis mise sur les plantes aux organismes mutés par édition du génome

Cellectis compte également beaucoup sur sa filiale Calyxt, une société de biotechnologie agricole qui, par l'édition du génome, modifie les plantes pour améliorer certaines de ses propriétés ou lui en apporter de nouvelles.

La biotech a ainsi créé des pommes de terre stockables au froid, ou encore de l'huile de colza à faible teneur en graisses saturées aux États-Unis, dans un pays où les maladies cardiaques représentent la première cause de mortalité. S'il s'agit d'organismes mutés par édition du génome, André Choulika estime "qu'on ne peut les considérer comme des organismes génétiquement modifiés car n'étant pas transgénique".

Des barrières pour l'édition du génome à vocation thérapeutique

Outre la question de la réussite scientifique et de l'approbation des autorités, Cellectis doit faire face à une autre barrière. Aux États-Unis, l'édition du génome à vocation thérapeutique suscite le débat. Une partie du monde scientifique soulève le problème éthique et les risques de cette technique qui touche au patrimoine génétique de l'humanité. À Washington en décembre, lors d'un meeting organisé par l'Académie nationale des sciences, un groupe international de scientifiques avait appelé à un moratoire sur le sujet. Ils estiment qu'il serait "irresponsable de procéder" avant que les risques d'une telle méthode soient mieux évalués avant qu'"il y ait un consensus social sur l'opportunité de l'édition du génome".

Cellectis réussira peut-être à sortir du lot avec son outil TALEN, qu'il estime plus puissant et précis, donc plus sûr.

Jean-Yves Paillé

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