17,9 milliards d'euros de perte, 64,5 milliards de dette : le champ de ruines financières d'EDF

Par latribune.fr  |   |  1058  mots
(Crédits : BENOIT TESSIER)
EDF a enregistré en 2022 une perte historique de 17,9 milliards d'euros, creusant son endettement à un niveau également record de 64,5 milliards d'euros, au terme d’une année noire plombée notamment par les déboires de son parc nucléaire. Prenant « note de la dégradation de la situation financière d'EDF », le gouvernement compte désormais sur le nouveau PDG, Luc Rémont, pour « rétablir dans les meilleurs délais l'intégralité de la production électrique » et souhaite voir avancer le dossier des nouveaux EPR voulu par Emmanuel Macron.

[Article publié le 17 février et mis à jour à 12H20]

Une perte nette historique de près de 18 milliards d'euros (17,9), un Ebitda (bénéfice avant intérêts, impôts, amortissement, dépréciation) en perte de 5 milliards d'euros, et une dette stratosphérique de 64,5 milliards d'euros. Le tout pour un chiffre d'affaires en hausse de 70%, à 143, 5 milliards d'euros tiré par la hausse des prix de l'énergie et l'arrivée de nouveaux clients : c'est le triste bilan 2022 d'EDF. Un champ de ruines financières, alors que tous les groupes énergétiques tricolores affichent des bénéfices insolents. Une année noire marquée par les déboires de son parc nucléaire (en raison de la découverte de corrosion sur des tuyauteries cruciales pour la sûreté) qui l'ont contraint à acheter à prix d'or pour couvrir ses besoins, mais aussi par sa mise à contribution forcée au « bouclier tarifaire » des Français. Notamment l'obligation de vendre davantage d'électricité à ses concurrents à prix cassés.

« Les résultats 2022 ont été fortement pénalisés par la baisse de notre production d'électricité, ainsi que par les mesures régulatoires exceptionnelles mises en place en France dans des conditions de marché difficiles. 2022 marque également la confirmation de la relance du nucléaire en France et de l'accélération du développement des énergies renouvelables. Le Président de la République, lors de son discours de Belfort a fixé un cap énergétique clair et cohérent dans lequel s'inscrit la stratégie du groupe EDF. Aujourd'hui, notre priorité est le redressement d'EDF », a déclaré Luc Rémont, le PDG, dans un communiqué.

Ce dernier a confirmé « la fourchette de production nucléaire de 300 à 330 TWh (en 2023), soit une sortie progressive de la crise de la corrosion sous contrainte ». A date, 43 réacteurs nucléaires sur 56 sont opérationnels contre 30 le 1er novembre.

Le gouvernement compte sur le nouveau PDG d'EDF pour rétablir la production

De leur côté, « Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher prennent note de la dégradation de la situation financière d'EDF, conséquence de la faiblesse de production de l'année 2022 », ont-ils réagi peu après l'annonce des résultats. Le ministre de l'Economie et la ministre de la Transition énergétique ont estimé que « le redressement des finances d'EDF passera en priorité par l'augmentation du volume de production », maintenant toutefois « toute confiance » à l'électricien. Le gouvernement compte donc sur Luc Rémont, et les salariés du groupe, pour « rétablir dans les meilleurs délais l'intégralité de la production électrique d'EDF ».

Le groupe a affronté une crise industrielle inédite, liée à la découverte de corrosion sur des tuyauteries cruciales pour la sûreté des centrales nucléaires et a dû enclencher une vaste campagne de contrôle et réparation, de quoi perturber un programme de maintenance déjà retardé par le Covid. Résultat : en 2022, entre corrosion et arrêts programmés, la moitié de ses 56 réacteurs s'est parfois retrouvée à l'arrêt au même moment, menaçant le pays de coupures électriques en plein hiver. Finalement, le pire a été évité grâce aux importations d'électricité, aux efforts de sobriété des Français ainsi qu'à la course d'EDF pour rebrancher ses réacteurs. Néanmoins, la production nucléaire en France s'est élevée à 279 TWh, soit 81,7 TWh de moins qu'en 2021, très loin des 430 TWh que le groupe a pu produire dans le passé.

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Relance du nucléaire

En outre, Bruno Le Maire et Agnès Pannier-Runacher « souhaitent que soit préparé le projet de nouveaux EPR décidé par le président de la République » ont-ils indiqué ce vendredi. Il y a un an, à Belfort, le président Emmanuel Macron avait, en effet, annoncé vouloir construire jusqu'à 14 réacteurs nucléaires EPR de seconde génération et « prolonger tous les réacteurs actuels qui peuvent l'être » au-delà de 50 ans. Six de ces nouveaux réacteurs doivent être construits dans des centrales existantes, selon la volonté du chef de l'Etat : les deux premiers à Penly (Seine-Maritime), et les deux suivants à Gravelines (Nord), d'après les plans d'EDF. Agnès Pannier-Runacher a avancé récemment la date de 2027 - « plutôt fin 2027 » - pour « la première coulée de béton » et de « 2035-2037 » pour la mise en service. Mais les calendriers nucléaires, ainsi que les budgets, sont historiquement dépassés. La mise en service de l'EPR de Flamanville, en construction depuis 2007, est par exemple désormais prévue pour mi-2024, avec 12 ans de retard.

À ce sujet, Luc Rémont a toutefois assuré que le groupe mettait tout en oeuvre afin de tenir la date de 2035 pour le démarrage du premier réacteur nucléaire de nouvelle génération. « Il y a énormément de travail pour s'assurer que l'ensemble de la filière industrielle puisse monter en puissance pour être au rendez-vous », a-t-il répondu, interrogé lors d'une conférence de presse à l'occasion des résultats financiers annuels du groupe. « On a compris l'objectif, et nous travaillons pour essayer d'être dans toute la mesure possible au rendez-vous », a poursuivi le PDG d'EDF.

Comment financer le nouveau nucléaire ?

Une question demeure néanmoins : Comment financer le nouveau nucléaire ? La question n'est pas tranchée, mais « à un moment donné, il faudra bien que l'Etat injecte de l'argent », souligne Martine Faure, cheffe de file des actionnaires salariés d'EDF dans la bataille contre l'OPA que l'Etat mène sur EDF.

Pour l'heure, l'Etat a chargé un nouveau PDG, Luc Rémont, de prendre en main les chantiers cruciaux. Avant même de construire les nouveaux EPR, au coût estimé d'au moins 52 milliards pour six unités, EDF doit gérer la prolongation de son parc vieillissant et continuer à investir dans les énergies renouvelables.

Le tout dans un contexte social électrique avec des effectifs qui craignent de voir disparaître leur régime spécial des retraites et qui redoutent, malgré les démentis de l'Etat, que la renationalisation soit une étape vers la réorganisation du groupe.

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(Avec AFP)