Nucléaire : le Sénat accélère, EDF appelé à étudier une prolongation de ses réacteurs au-delà de 60 ans

Le Sénat a voté mardi en première lecture un projet de loi favorisant la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, étoffé de dispositions controversées, comme la suppression de l'objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique d'ici 2035. Une mesure qui irrite les organisateurs du débat public en cours sur de futurs réacteurs nucléaires pour qui le Sénat veut décider de relancer l'atome avant d'avoir entendu les citoyens. Ce vote au Sénat intervient alors que le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) Bernard Doroszczuk a appelé ce lundi EDF à étudier et justifier sans attendre l'hypothèse d'une prolongation de ses réacteurs actuels au-delà de 60 ans.
Ce vote au Sénat intervient alors que le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) Bernard Doroszczuk a appelé ce lundi EDF à étudier et justifier sans attendre l'hypothèse d'une prolongation de ses réacteurs actuels au-delà de 60 ans.
Ce vote au Sénat intervient alors que le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) Bernard Doroszczuk a appelé ce lundi EDF à étudier et justifier sans attendre l'hypothèse d'une prolongation de ses réacteurs actuels au-delà de 60 ans. (Crédits : Reuters)

Article mis à jour le 25 janvier après le vote du Sénat

La relance du nucléaire voulue par Emmanuel Macron s'organise au Parlement. En tout premier lieu au Sénat, où, à l'exception des écologistes pour qui « ce nouveau nucléaire va à contresens de l'histoire », la quasi-totalité des sénateurs partagent l'objectif du gouvernement.

Révision de fait de l'actuelle loi de programmation des énergies

Après avoir élargi la semaine dernière en première lecture la portée du projet de loi de loi de simplification administrative pour favoriser la construction de nouveaux réacteurs, le Sénat a adopté mardi par 239 voix contre 16 mardi l'ensemble du texte. Outre Les Républicains et les centristes, ont voté en faveur du texte les groupes RDPI à majorité Renaissance et Indépendants et la majeure partie du groupe RDSE à dominante radicale. Les écologistes ont voté contre, les groupe PS et CRCE à majorité communiste se sont abstenus.

Le projet de loi ira ensuite à l'Assemblée nationale en mars. Le texte amendé révise de fait en partie l'actuelle loi de programmation des énergies. Il est en effet étoffé de dispositions controversées, comme la suppression de l'objectif de réduction à 50% de la part du nucléaire dans le mix électrique d'ici à 2035 qui figure dans l'actuelle loi de programmation des énergies. Le Sénat a également imposé la révision du décret qui prévoit la fermeture de 12 réacteurs existants, en plus des deux de Fessenheim. Un virage à 180° alors que La France, qui tire du nucléaire environ 70% de son électricité, avait décidé en 2015 la fermeture de 14 de ses 58 réacteurs.

Mardi soir, députés et sénateurs se sont par ailleurs accordés sur une version de compromis du projet de loi dédié aux énergies renouvelables qui sera soumise à un dernier vote dans les deux chambres.

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Projet de loi de programmation énergétique cet été

Après ces deux textes techniques, le projet de loi de programmation énergétique, qui doit fixer les trajectoires de la France dans chaque énergie, est attendu en juin, au mieux. Concrètement, le Parlement légifèrera sur les objectifs énergétiques du pays, et la part dévolue à chaque type d'énergie, ce qui leur permettra ainsi d'acter, ou non, la relance d'un programme nucléaire souhaité par le gouvernement.

Pour rappel, en février 2022, Emmanuel Macron a annoncé vouloir doter la France de six nouveaux réacteurs EPR2 avec une option pour huit autres, pour accompagner la sortie des énergies fossiles et la croissance des besoins en électricité. Le projet de loi est borné à des installations nouvelles situées sur des sites nucléaires existants, ou à proximité. Cela pour une durée limitée à 15 ans dans le texte initial, portée à 27 ans par le Sénat. Concrètement, les sites seront dispensés d'autorisation d'urbanisme car le contrôle de conformité sera assuré par l'Etat. Le droit d'expropriation sera assoupli. Ou encore les travaux sur les bâtiments non destinés à recevoir des substances radioactives pourront être engagés avant clôture de l'enquête publique.

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Mise en service en 2035-2037

Autant de dispositions qui permettront « de ne pas ajouter un délai de deux à trois années à la construction d'un réacteur », a expliqué la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher qui porte à bout de bras le projet de loi.« En gros, on ne perd pas de temps », a-t-elle résumé. Les deux prochains EPR devraient être implantés à Penly (Seine-Maritime), suivis de deux autres à Gravelines (Nord), selon les plans d'EDF. La ministre a avancé l'objectif de 2027 (« plutôt fin 2027 ») pour « la première coulée de béton » et « 2035-2037 » pour la mise en service.

Prolongation des réacteurs au-delà de 60 ans

Ce vote au Sénat intervient alors que le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) Bernard Doroszczuk a appelé ce lundi EDF à étudier et justifier sans attendre l'hypothèse d'une prolongation de ses réacteurs actuels au-delà de 60 ans.

« L'ASN souhaite que l'hypothèse d'une poursuite de fonctionnement des réacteurs actuels jusqu'à et au-delà de 60 ans soit étudiée et justifiée par anticipation par EDF d'ici à fin 2024 », a affirmé Bernard Doroszczuk, lors de ses vœux à la presse.

Cette échéance doit permettre « une instruction approfondie débouchant sur une prise de position de l'ASN d'ici fin 2026 sur cette éventuelle possibilité de poursuite d'exploitation », alors que le parc nucléaire vieillit.

La plupart des réacteurs français ont été construits dans les années 1980 et approchent la quarantaine d'années, leur durée de fonctionnement initialement prévue. Le gendarme du nucléaire a acté en 2021 le principe de l'allongement de la durée de vie des plus anciens au-delà de 40 ans, avec des travaux. Pour le président de l'ASN, « les réflexions et le débat engagés sur les nouvelles perspectives nucléaires doivent porter sur l'ensemble du parc et pas seulement sur les nouveaux réacteurs ».

« Dans le cadre du débat actuel sur le nucléaire, les questions de sûreté et de radioprotection doivent être, selon l'ASN, revues globalement par anticipation et de manière systémique pour l'ensemble des installations nucléaires », a expliqué le président du gendarme du nucléaire en France.

La question d'une éventuelle prolongation des réacteurs les plus anciens, mis en service à la fin des années 1970 et dans les années 1980, doit être envisagée « avec au moins 10 ou 15 ans d'anticipation », c'est-à-dire « dans les 3 à 4 ans qui viennent », a-t-il expliqué. Ces réflexions doivent également être menées sur « le fonctionnement et l'avenir du cycle du combustible et la gestion dans des conditions sûres des déchets associés », a souligné Bernard Doroszczuk.

Les organisateurs du débat public tirent la sonnette d'alarme

Les organisateurs du débat public en cours sur de futurs réacteurs nucléaires en France ont tiré la sonnette d'alarme la semaine dernière sur les discussions menées au Sénat, qui voudrait décider de relancer l'atome avant d'avoir entendu les citoyens. Ce qui « revient à considérer comme sans intérêt » le débat public lancé en octobre sur le projet de nouveaux réacteurs, soulignaient Chantal Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public (CNDP), et Michel Badré, président du débat public en question.

« Dans le cadre de l'examen d'un projet de loi ne portant que sur les procédures de construction (...) et non sur les choix de politique énergétique, la levée des objectifs de limitation de la production nucléaire à 50% de la production électrique totale est actuellement débattue, par amendements au projet de loi initial » ont-ils indiqué.

« Une telle mesure anticip(e) de quelques mois un débat relevant du projet de loi de programmation énergétique », attendu au plus tôt cet été, notent-ils dans un communiqué commun. Et « elle revient à considérer comme sans intérêt pour définir la stratégie énergétique les interrogations, les remarques et les propositions faites lors du débat public en cours », ont déploré les deux responsables.

Dans ce contexte, un débat public organisé sous l'égide de la CNDP se tient jusqu'au 27 février sur la construction de six nouveaux réacteurs EPR. Obligation légale, « ce débat conduit à examiner, sans concession ni préjugé, les conditions et modalités pratiques de relance d'un tel programme: enjeux de sûreté, retour d'expérience du chantier toujours en cours de Flamanville, conditions de financement d'un programme évalué à plus de 50 milliards d'euros, incertitudes climatiques »..., ont souligné Chantal Jouanno et Michel Badré.

« Aucune de ces questions ne semble anodine, pour éclairer les décisions à prendre », ont-ils noté Les garants du débat auront ensuite deux mois, jusqu'au 27 avril, pour remettre leur rapport.

(AFP)

Fukushima : l'acquittement d'ex-dirigeants de Tepco confirmé en appel

La justice japonaise a confirmé la semaine dernière en appel l'acquittement de trois anciens dirigeants de Tepco, l'opérateur de la centrale nucléaire de Fukushima, qui avaient été jugés en 2019 non coupables de négligence pour l'accident nucléaire consécutif au tsunami de mars 2011. La décision a été annoncée à l'extérieur de la Haute Cour de Tokyo par des militants et soutiens aux personnes déplacées après la catastrophe survenue dans le nord-est du Japon, le pire accident nucléaire après celui de Tchernobyl en URSS (aujourd'hui Ukraine) en 1986. Cette cour d'appel a refusé de confirmer la décision dans l'immédiat, comme l'audience était toujours en cours.

Le tribunal de première instance de Tokyo avait innocenté en septembre 2019 l'ancien président du conseil d'administration de Tepco, Tsunehisa Katsumata, aujourd'hui âgé de 82 ans, et les anciens vice-présidents Sakae Muto (72 ans) et Ichiro Takekuro (76 ans), accusés de négligence ayant entraîné la mort. Selon les plaignants, qui avaient fait appel de cette décision, ils auraient dû cesser l'activité de la centrale de Fukushima Daiichi bien avant la catastrophe de 2011, sur la base d'informations faisant état d'un risque de tsunami dépassant ses capacités de résistance.

Les trois anciens responsables de Tepco, seules personnes physiques à être jugées au pénal dans le cadre de ce désastre, risquaient jusqu'à cinq ans de prison. Les poursuites contre eux s'appuyaient sur le décès de 44 patients d'un hôpital situé à quelques kilomètres de la centrale lors de leur évacuation d'urgence dans des conditions extrêmes le 11 mars 2011 après le tsunami provoqué par un fort séisme de magnitude 9.0.

Si le tremblement de terre et surtout le tsunami ont causé la mort de 18.500 personnes, la catastrophe nucléaire en elle-même n'a fait aucune victime sur le coup. Cependant, elle est indirectement responsable de plusieurs milliers de « décès liés », reconnus par les autorités japonaises comme des morts dues à la dégradation des conditions de vie des nombreuses personnes évacuées de la région.

Les trois anciens dirigeants de Tepco et un quatrième ex responsable avaient par ailleurs été condamnés l'été dernier au civil, à l'issue d'une procédure distincte lancée par des actionnaires du groupe, à verser des dommages-intérêts record, pour un montant de 13.300 milliards de yens (95 milliards d'euros au cours actuel).

Ce montant astronomique est bien au-delà de leurs moyens personnels, mais la justice avait expliqué qu'il correspondait à ce que devait payer Tepco pour faire face aux coûts de démantèlement de la centrale, de décontamination des sols et de stockage de déchets et débris radioactifs, ainsi qu'aux indemnités devant être versées aux habitants affectés par l'accident nucléaire.

(AFP)

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Commentaires 4
à écrit le 24/01/2023 à 15:06
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bravo au lobby nucleaire. Detail picant; Malgre les decrets et toute la meilleure volonte du monde, les tuyaux ,sous l action corrosive constante de la radioactivite, ne vont pas retrouve une nouvelle jeunesse. Le tout a ete calcule pour durer 40 an...

le 24/01/2023 à 15:39
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"Malgre les decrets et toute la meilleure volonte du monde, les tuyaux ,sous l action corrosive constante de la radioactivite, ne vont pas retrouve une nouvelle jeunesse." On le sait que la corrosion peut exister et qu'il faut la traiter ,le probl...

le 25/01/2023 à 11:57
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"Malgre les decrets et toute la meilleure volonte du monde, les tuyaux ,sous l action corrosive constante de la radioactivite" La fluence et la corrosion sous contrainte sont 2 choses différentes. Encore un littéraire qui vient nous expliquer un do...

à écrit le 24/01/2023 à 9:21
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Acte majeur du quinquenat de F.Hollande: la fermeture de la centrale de Fessenheim, trop vieille nous disait -on à l'époque .Un vrai visionnaire celui là!.

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