Des climatologues à la rescousse du nucléaire français

Par Dominique Pialot  |   |  809  mots
50 académiques pro-nucléaires appellent Emmanuel Macron à préserver le nucléaire français
Près de 50 signataires, se revendiquant climatologues, écologistes et scientifiques pro-nucléaires, dont l’ancien de la NASA James Hansen, adressent une lettre ouverte à Emmanuel Macron pour l’exhorter à soutenir l’ensemble des énergies propres « dont l’énergie nucléaire ». Et à renier sa promesse de mettre en œuvre la loi de transition énergétique.

Peut-être craignent-ils que les récents déboires des EPR de Flamanville et de Hinkley Point C puissent susciter des interrogations sur la capacité de la filière nucléaire française à construire des centrales capables de produire une électricité compétitive, et pèsent dans la balance au moment de dessiner son avenir. Loi de transition énergétique oblige, et alors qu'une vingtaine des centrales françaises seront atteintes par la limite d'âge de 40 ans initialement prévue sous son quinquennat, le président français devra dans tous les cas prendre des décisions sur ce sujet sensible.

Tout en le félicitant pour sa victoire et sa politique en faveur d'une taxe carbone, près de 50 professionnels liés à l'industrie nucléaire s'adressent au président français pour lui faire part de leur « inquiétude » devant sa « décision d'éloigner la France d'une production nucléaire propre ». Ce sont essentiellement des Américains membres de « Energy for humanity », « American nuclear society », « Environmentalists for nuclear energy », ou, pour le Français Claude Jeandron, « Save the Climate ».

L'Allemagne pointée du doigt

L'essentiel de leur argumentation tient dans une comparaison entre la France, « un des pays développés dont les émissions de dioxyde de carbone par habitant sont les plus faibles », et l'Allemagne, qui a vu ses émissions  augmenter « tant en 2015 qu'en 2016 à cause des fermetures de centrales nucléaires ». En réalité, après avoir fortement chuté grâce au développement des énergies renouvelables et à la crise financière de 2008, elles ont essentiellement augmenté entre 2009 et 2013 avant de rebaisser puis de se stabiliser. En 25 ans, elles ont diminué de 24%.

Autre argument brandi par les signataires : « La France a une électricité parmi les moins chères et les plus propres d'Europe, celle de l'Allemagne est une des plus chères et plus sales. »

Des prix bas, pour combien de temps ?

Malheureusement, rien ne garantit que les prix bas durent encore longtemps en France. D'une part, les études se multiplient pour démontrer que les prix ne reflètent pas l'intégralité du coût de l'électricité nucléaire, et par ailleurs la fin des tarifs réglementés de vente (TRV), inscrite dans la directive européenne, ôtera au gouvernement le pouvoir de fixer les prix.

Et de conclure « l'Allemagne n'atteindra pas ses objectifs de réduction d'émissions de 2020, et de loin ? ». Rien en revanche sur le risque, tout aussi réel, que la France n'atteigne pas les siens en matière d'énergies renouvelables. Avec un peu moins de 16% du mix énergétique à fin 2016, il faudrait accélérer assez nettement leur développement des renouvelables pour espérer atteindre les 23% prévus pour 2020. En outre, lorsqu'ils comparent les 46% d'électricité allemande issus d'énergies propres aux 93% français, c'est sans préciser que le nucléaire en représente aujourd'hui 78%.

Une menace pour l'export ?

Reconnaissant que « les renouvelables peuvent contribuer à une électrification plus poussée des transports », ils pointent les conséquences négatives qu'engendrerait un « remplacement du nucléaire par des combustibles fossiles et des renouvelables » : une augmentation des prix de l'électricité pour les ménages et l'industrie ; la fin des exportations lucratives d'électricité et - peut-être le plus important - la destruction de la filière nucléaire française à l'export.

Tout en demeurant légèrement positives, les exportations françaises d'électricité ont chuté de près de 37% en 2016, notamment en raison des arrêts de réacteurs demandés par l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour contrôle et maintenance, et qui ont conduit le pays au bord du blackout lorsque les températures ont chuté.

« Les pays qui cherchent à construire de nouvelles centrales nucléaires veulent, avec raison, savoir que le produit que la France leur vend est un produit dont la France elle-même profite », indiquent-ils. Cet argument semble bien fragile alors que la France reste de très loin le pays le plus nucléarisé et que le président n'a jamais fait part d'une quelconque vision, même à long terme, de « sortir du nucléaire ». Quant aux pays intéressés par l'EPR, gageons qu'ils sont plus inquiets des déboires observés sur les chantiers français, finlandais et maintenant britannique, que par l'avenir de notre parc historique.

Par ailleurs, les signataires redoutent « une augmentation des coûts et une réduction des revenus » dans le cas où le parc nucléaire français serait « contraint de fonctionner avec un facteur de charge réduit ». Ce qui, en période de consommation plate, revient a minima à s'opposer à réduire la part du nucléaire dans le mix électrique, donc à la mise en œuvre de la loi de transition énergétique pourtant promise par le candidat Macron et ré-affirmée par le président.