Eau de Paris tire le bilan de 10 ans de régie

Par Giulietta Gamberini  |   |  708  mots
"Nous avons démontré qu'il est possible de monter une entreprise performante tout en assurant une meilleure participation des citoyens", affirme la présidente Célia Blauel, en annonçant même que dès l'année prochaine les Parisiens pourront voter sur une partie du budget d'Eau de Paris. (Crédits : Reuters)
L'entreprise publique se réjouit d'avoir amélioré le rendement de ses réseaux tout en assurant un prix de l'eau relativement bas. Elle veut maintenant améliorer ses performances écologiques.

Le "pari ambitieux et précurseur" de remunicipaliser le service parisien de l'eau, fait par Bertrand Delanoë en 2009 et confirmé ensuite par Anne Hidalgo, a porté ses fruits. C'est du moins le bilan qu'après 10 ans de vie de la régie autonome en tire Célia Blauel, adjointe à la maire de la capitale française, chargée de toutes les questions relatives à la transition écologique et présidente de l'entreprise publique Eau de Paris.

"Les défis ont été relevés au-delà des espérances", a-t-elle souligné lors d'une conférence de presse jeudi 7 mars, en se réjouissant en particulier de la mise en place d'"un modèle intégré de la production à la distribution", d'une gouvernance participative -trois membres du Conseil d'administration sont des représentants de la société civile- et du "prix de l'eau le plus bas de la métropole parisienne".

"Nous avons atteint un rendement des réseaux de 90,4%, dépassant la moyenne nationale des grandes villes. Entre 2017 et 2019, nous avons ainsi économisé trois millions de mètres cubes d'eau, l'équivalent de la consommation moyenne d'une ville de 50.000 habitants", a ajouté le directeur général d'Eau de Paris, Benjamin Gestin.

"Opérateur de la transition écologique"

Cette capacité à "aller au-delà d'une logique purement marchande" est aussi une force face aux problèmes du changement climatique et de la détérioration de la qualité de l'eau, selon Eau de Paris, qui se veut déjà "opérateur de la transition écologique" voire "démonstrateur des symbioses que la ville doit entretenir avec ses alentours". L'entreprise envisage ainsi de "doubler le rythme" de ses acquisitions foncières des zones de captage, et de "changer d'échelle" dans la mise en place de de partenariats avec les agriculteurs pour réduire la pollution des sources d'eau par les pesticides -partenariats qui impliquent déjà un soutien technique comme financier à la structuration de filières locales bio.

Elle compte aussi s'impliquer davantage face au problème des îlots de chaleur urbains, en expérimentant dès cet été des "dispositifs innovants" notamment autour des fontaines et des bouches d'incendie. Elle affiche même la volonté de s'aligner sur l'objectif de neutralité carbone de la ville de Paris en 2050, en produisant davantage d'énergies renouvelables -Eau de Paris produit déjà de l'énergie solaire et géothermique-, mais aussi en réduisant sa consommation voire en visant l'autoconsommation.

Comme dans la poursuite de l'objectif de la réduction des fuites, en matière de neutralité carbone aussi "Eau de Paris adoptera une stratégie d'investissement raisonné", pesant chaque choix à l'aune des coûts et des avantages économiques comme écologiques, explique Benjamin Gestin.

Une vision "gagnant gagnant" avec les agriculteurs

L'entreprise compte également profiter de la tenue pendant le premier semestre 2019 du deuxième volet des Assises de l'eau pour porter des propositions de réforme, notamment en matière de protection de la ressource puisque la présidence du groupe de travail sur ce sujet à été confiée à Célia Blauel. Eau de Paris espère notamment mettre à profit ses expériences de partenariats pour dépasser les clivages avec les agriculteurs et promouvoir une vision "gagnant gagnant" misant sur l'alimentation durable. En vue de la Politique agricole commune post-2020, déjà en cours d'élaboration, la régie songe même à proposer l'expérimentation locale d'un nouveau système de distribution des aides agricoles par les Agences de l'eau, "adapté aux besoins des agriculteurs comme aux besoins de protection de la ressource", a raconté Benjamin Gestin à La Tribune.

"Nous avons démontré qu'il est possible de monter une entreprise performante tout en assurant une meilleure participation des citoyens", conclut Célia Blauel, en annonçant même que dès l'année prochaine les Parisiens pourront voter sur une partie du budget d'Eau de Paris.

Ce n'est pas un exemple isolé, souligne-t-elle, en rappelant qu'en France, entre les 50 ans de régie à Strasbourg et les 2 ans à Nice, le mouvement vers la municipalisation des services de l'eau n'a jamais cessé "indépendamment des clivages politiques". On voit même surgir l'idée d'une extension du même modèle à d'autres services publiques, souligne la maire adjointe, qui affirme s'y intéresser.