Électricité : plus de voitures électriques pour maîtriser la facture ?

Par Dominique Pialot  |   |  964  mots
Le gouvernement vise 4,8 millions de voitures électriques en 2028, contre 163.000 en circulation aujourd'hui. (Crédits : Wolfgang Rattay)
Le président de RTE François Brottes n’a pas de mots pour louer les effets positifs qu’aurait un déploiement massif du véhicule électrique sur le système électrique français. A condition d'anticiper les conditions de ce développement, et de convaincre les automobilistes.

Le régulateur vient de proposer une hausse significative (+ 6%) des tarifs réglementés de l'électricité. Une annonce qui risque d'avoir du mal à passer en pleine crise des "Gilets jaunes", et que le gouvernement souhaite d'ailleurs décaler après l'hiver. Mais à terme, tout le monde s'accorde sur une nécessaire augmentation de ces tarifs.

Sur le long terme, il pourrait pourtant y avoir un moyen de maîtriser les factures. C'est en tous cas ce que pense François Brottes, qui place beaucoup d'espoir dans un déploiement massif de la voiture électrique.

Pour le patron du réseau de transport RTE (qui, dans ses scenarii, table sur un parc de 16 millions de véhicules en circulation à l'horizon 2035), « le véhicule électrique à usage massif peut être une vraie chance pour le système électrique dans sa globalité, mais aussi un vrai bénéfice pour chacun, automobiliste ou consommateur d'électricité. »

Le « vehicule to grid », qui consiste à raccorder au réseau les batteries des voitures électriques afin qu'elles se rechargent aux heures creuses et de façon étalée dans le temps, mais aussi qu'elles puissent stocker l'énergie renouvelable produite lors des creux de consommation, voire ré-injecter de l'électricité dans le réseau aux heures de pointe, peut en effet bénéficier largement à l'équilibre du réseau.

Anticiper correctement le pilotage

«  Les batteries de voitures électriques peuvent devenir un outil de flexibilité et de gestion du système électrique qui permette d'éviter certains investissements et donc de maîtriser la facture pour le consommateur », résume François Brottes.

À condition toutefois d'éviter que ce développement se fasse de façon anarchique. « Ce qui pourrait nous poser problème, ce serait une concentration de bornes de recharge autour d'un même poste, que tout le monde se recharge à la même heure, ou encore qu'il y ait des bornes de recharge rapide incompatibles avec l'équilibre du système. »

C'est pourquoi RTE veille au grain. Pour s'assurer que les choses seront correctement anticipées en matière de pilotage, l'opérateur de réseau planche actuellement sur des simulations, qu'il remettra d'ici à la fin du mois de mars. Bien sûr, le « smart charging » ou recharge intelligente, fait l'objet de multiples recherches et projets pilotes. « Mais seul RTE a la vision d'ensemble du système électrique français », insiste François Brottes.

Jusqu'à 1,5 milliard de gains pour la collectivité

Si l'opérateur multiplie les simulations sur l'impact du véhicule électrique sur le réseau, c'est aussi pour « démontrer de façon rationnelle ce qui est aujourd'hui déjà notre intuition, et énoncer des prescriptions précises », détaille son patron.

« Nous ne sommes que prescripteurs, reconnaît-il. Mais dans notre position, nous souhaitons convaincre les pouvoirs publics des bienfaits d'un tel développement à la fois pour la collectivité et pour l'automobiliste et/ou le consommateur. » Des bienfaits que RTE estime entre 1 et 1,5 milliard d'euros dans l'hypothèse d'un parc de 16 millions de véhicules électriques en circulation en 2035.

La question du modèle économique, et notamment la façon dont cela rémunère la collectivité, est encore sur la table. Mais pour François Brottes, l'équation est claire :

« Un déploiement massif pourrait représenter une solution alternative à des capacités de production supplémentaires. »

Cette déclaration, qui reflète l'indépendance affichée par la filiale d'EDF, pourrait froisser dans le même temps les fournisseurs de pétrole et ceux d'électricité... à l'inverse des résultats d'un sondage réalisé par Odoxa pour RTE et rendus publics par ce dernier le 29 janvier.

Des Français encore très frileux

En effet, on y apprend que seuls 6 Français sur 10 ont une bonne image des véhicules électriques. 8 sur 10 estiment, par exemple, qu'ils ne sont pas écologiques. Pourtant, les études d'analyse de cycle de vie démontrent que le coût écologique de la fabrication des batteries se trouve compensé au fil du temps par le moindre impact environnemental, à condition d'être un gros rouleur (ou, mieux encore, un véhicule partagé).

Même problématique sur le coût réel de détention d'un véhicule électrique, en dépit des aides à la conversion de véhicules récemment annoncées et du différentiel de coût de détention. En effet, alors que le coût du plein s'élève en moyenne à 1.100 euros par an pour une voiture diesel, il n'est que de 380 euros pour une voiture électrique sans pilotage de la recharge, et de 140 euros seulement avec pilotage et stockage. Mais en raison de prix d'achat qui restent élevés, 73% des Français continuent de penser que les véhicules électriques ne sont pas économiques.

Plus étonnant encore, un Français sur deux pense qu'ils ont (ou risqueraient d'avoir) un impact négatif sur l'équilibre électrique.

« 16 millions de voitures électriques en 2035, cela représente moins de 10% de la consommation nationale, et en tout état de cause, moins que le chauffage », rappelle pourtant François Brottes.

Grâce au stockage et au pilotage de la recharge, neuf jours de production photovoltaïque suffiraient d'ailleurs à alimenter ces 16 millions de voitures électriques.

Pour l'heure, on en compte que 163.000 en circulation sur les routes françaises. Pour espérer atteindre l'objectif de 4,8 millions en 2028 fixé par la programmation pluriannuelle de l'énergie, pourtant encore loin des 16 millions espérés par RTE en 2035, il faudra toute la force de persuasion d'un RTE pour convaincre les pouvoirs publics de faire la démonstration de leurs bienfaits pour la collectivité et pour chaque automobiliste, et surmonter les résistances de l'écosystème de la voiture thermique, que François Brottes compare à « Kodak face à la photographie numérique ».