Energie : des aides ciblées pourraient remplacer le bouclier tarifaire

Par latribune.fr  |   |  943  mots
(Crédits : ERIC GAILLARD)
Alors que les cours de l'électricité, du carburant et du gaz devraient rester incontrôlables l'an prochain, le bouclier tarifaire pourrait être remplacé par des aides plus ciblées à destination des ménages les moins aisés, a indiqué samedi la Première ministre, Elisabeth Borne. Une manière d'alléger les coûts pour l'Etat, sans pour autant "exposer les Français les plus modestes à des hausses inconsidérées du prix de l'énergie".

Passer d'un dispositif d'aide global à un accompagnement orienté vers les plus modestes, afin de soulager les finances publiques face à l'explosion des cours de l'énergie. C'est la voie qu'a évoqué samedi la Première ministre, Elisabeth Borne, en marge des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence.

« Le travail est en cours [...] On ne va pas exposer les Français les plus modestes à des hausses inconsidérées du prix de l'énergie. [...] Mais il faut passer de mécanismes généraux à des mécanismes plus ciblés », a précisé la cheffe du gouvernement devant la presse.

Et pour cause, la facture du bouclier tarifaire mis en place l'an dernier par l'Etat et récemment prolongé jusqu'à fin 2022 devrait s'avérer très salée. « Plus de 20 milliards d'euros », soulignait déjà le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, en mars dernier - au moment où que le dispositif ne devait durer que jusqu'au printemps. Or, « s'il n'y avait pas de bouclier » sur le prix du gaz ni de plafonnement sur les prix de l'électricité, « l'électricité serait un tiers plus chère, et le gaz 45 à 50% » plus cher, a pointé samedi Elisabeth Borne.

« On n'imagine pas demander aux Français, à commencer par les Français modestes, de payer leur gaz 45% plus cher ou leur électricité un tiers plus chère », a-t-elle affirmé.

L'exécutif pourrait donc s'orienter vers un allègement progressif du bouclier, qui s'applique aujourd'hui sans conditions de ressources, afin de lui préférer des mécanismes orientés vers les ménages les moins aisés. A l'instar du chèque énergie de 100 euros distribué l'année dernière à 5,8 millions de ménages, ou encore de l'indemnité carburant de 100 à 300 euros octroyée aux travailleurs modestes.

Les cours de l'électricité s'envolent en France

Jeudi, le gouvernement a déjà annoncé qu'une aide ciblée sur les personnes qui prennent leur voiture pour aller travailler prendrait le relais en octobre de la remise générale de 18 centimes sur le prix du litre de carburant, qui va diminuer progressivement puis s'éteindre définitivement en décembre.

Interrogée sur l'opportunité de mettre en place une taxe sur d'éventuels « surprofits » que réaliseraient les énergéticiens à la faveur de la forte hausse des prix de l'énergie, Elisabeth Borne s'est montrée plus évasive.

« Sur le principe évidemment, s'il y a des gens qui tirent des surprofits de la crise, on souhaiterait que ça puisse bénéficier à tout le monde et alléger les charges que la crise peut générer », a-t-elle affirmé.

« Après, c'est pas complètement simple », a-t-elle immédiatement nuancé. « Beaucoup de nos voisins ont mis en place des mécanismes pour taxer ces surprofits », mais « on n'est pas dans la même situation » en France, a-t-elle ajouté.

D'une part, « EDF a des difficultés de production aujourd'hui sur son parc nucléaire et on importe massivement » de l'électricité depuis l'étranger, a souligné la Première ministre, écartant de ce fait l'existence de « surprofits » pour l'énergéticien, dont l'exécutif a d'ailleurs annoncé il y a quelques jours la nationalisation.

De fait, la France fait face à une situation « spécifique », qui aggrave encore la crise et accroît la probabilité d'une pénurie de courant cet hiver. En effet, alors que son mix électrique repose toujours, en théorie, à presque 70% sur le parc nucléaire, celui-ci traverse une période d'indisponibilité historique. Selon le réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d'électricité ENTSO-E, 27 des 56 réacteurs du territoire se trouvent en effet à l'arrêt.

En cause : le décalage des maintenances du fait du coronavirus, qui tombent donc, pour plusieurs centrales, en ce moment-même, mais surtout l'identification récente d'un défaut de corrosion sur plusieurs infrastructures, et dont les causes et l'ampleur réelle restent inconnues. En février, EDF avait ainsi présenté un programme de contrôles afin de vérifier le nombre de réacteurs concernés par l'anomalie, et annoncé qu'il arrêterait en priorité, et d'ici à fin avril, Bugey 3 et 4, Cattenom 3, Chinon 3 et Flamanville 1 et 2.

De quoi faire bondir les prix au plafond : dans l'Hexagone, ceux-ci se négocient actuellement au prix hallucinant de 900 euros le mégawattheure (MWh) pour octobre-décembre 2022 sur la bourse EPEX, soit deux à trois fois plus que dans les pays voisins ! Néanmoins, la disponibilité des réacteurs sera normalement plus élevée cet hiver, continue-t-on d'assurer chez EDF.

« Traditionnellement, il y a un pic de maintenance l'été, quand la demande est plus faible. Plusieurs réacteurs reviendront sur le réseau d'ici à fin décembre, parmi lesquels des réacteurs à Civaux et Chooz », après remplacement des pièces touchées par le phénomène de corrosion sous contrainte, précise-t-on chez l'énergéticien.

Lire aussi 8 mnÉlectricité : les prix risquent de tripler en France cet hiver

Pas de taxe sur les super-profits

En-dehors du cas particulier d'EDF, « on a des compagnies pétrolières qui ont des activités de distribution en France (mais) qui ne dégagent pas de super-profits », a poursuivi Elisabeth Borne. Reste que TotalEnergies et Engie ne le cachent pas : la crise actuelle leur permet d'engranger des recettes mirobolantes, et d'exploser leurs bénéfices.

Sous pression, TotalEnergies a d'ailleurs annoncé fin juin relever sa remise sur le litre de carburant de 10 à 12 centimes d'euros pour les automobilistes faisant le plein dans ses stations-service sur autoroute cet été. Un geste qui ne s'apparente donc pas à une taxe, l'option restant pour l'heure écartée par le gouvernement.

Lire aussi 7 mnComment TotalEnergies bâtit son nouvel empire mondial