Après Notre-Dame des Landes, nouvelle opération déminage à Fessenheim

Par Dominique Pialot  |   |  802  mots
La fermeture de la doyenne des centrales françaises est désormais prévue pour fin 2018. (Crédits : (c) Copyright Thomson Reuters 2012. Check for restrictions at: http://about.reuters.com/fulllegal.asp)
Le secrétaire d’Etat auprès de Nicolas Hulot, Sébastien Lecornu s’installe à Fessenheim jusqu’à samedi pour lancer un comité de pilotage destiner à élaborer un projet de territoire et préparer la fermeture de la plus vieille centrale nucléaire française, prévue pour la fin de l’année.

Au lendemain de sa décision - attendue de très longe date - concernant le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes, le gouvernement dépêche l'un de ses membres sur le site d'un autre chantier épineux : la commune alsacienne de Fessenheim, où est implantée la doyenne des centrales nucléaires françaises, entrée en service en 1978, dont la fermeture est devenue un véritable serpent de mer depuis 2011.

A l'époque, l'accord passé entre les Verts et le PS en prévision de l'élection présidentielle de 2012, prévoit la «fermeture progressive de 24 réacteurs» en France et un «arrêt immédiat de Fessenheim» en cas de victoire « parce que c'est la plus ancienne de nos centrales, mais aussi pour des raisons de sûreté puisqu'elle est située sur une zone sismique », avait précisé le candidat Hollande. Annoncée par le président élu en septembre 2012 lors de la première Conférence environnementale, cette fermeture avait en août 2016 été conditionnée à l'entrée en service de l'EPR de Flamanville, donc reportée de facto.

Fermeture programmée pour fin 2018

Initialement prévue pour 2012, cette entrée en service est désormais programmée pour fin 2018. Après des essais à froid, et avant des essais à chaud prévus en juillet prochain, EDF a confirmé cette échéance il y a quelques jours. Début avril 2017, quelques jours après l'accord du Conseil d'administration de l'électricien pour qu'une demande d'abrogation d'exploiter la centrale soit transmise à l'État dans les six mois précédant la mise en service de l'EPR de Flamanville, la ministre de l'énergie Ségolène Royal signait in extremis le décret d'abrogation de l'autorisation d'exploiter. Si celui-ci est contesté devant le Conseil d'État par quatre collectivités alsaciennes, FO et la CFE-CGC, le projet de fermeture semble aujourd'hui pris en compte par l'ensemble des parties prenantes.

Comité de pilotage

Mais face aux quelque 1 .100 personnes qui y travaillent aujourd'hui, dont 850 salariés d'EDF et 350 prestataires permanents, ainsi qu'aux élus locaux, qui vont voir disparaître 14 millions d'euros de recettes fiscales annuelles, le gouvernement veut mettre en avant à cette occasion sa volonté d'accompagner les territoires.

"L'on va enfin enclencher la procédure de concertation et de réflexion sur la reconversion du site de Fessenheim », avait déclaré Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat auprès de Nicolas Hulot, en annonçant son déplacement il y a quelques jours. Dans cette perspective, il va rencontrer élus locaux, départementaux et régionaux, salariés et direction de la centrale, mais aussi des acteurs économiques, notamment des voisins suisse et allemand, et installer un comité de pilotage.

Projet de territoire

Des compensations financières sont bel et bien envisagées, mais « je ne viens pas pour faire un chèque et m'en aller », a précisé Sébastien Lecornu, insistant sur la nécessité pour le territoire d'élaborer un projet d'avenir. Lui-même a évoqué différentes pistes de reconversion, notamment dans les énergies renouvelables ou la création d'une filière de démantèlement nucléaire. Mais rien de tout cela ne pourra voir le jour avant... 2038.

Car le démantèlement de Fessenheim ne pourra pas débuter avant un délai de post-exploitation de cinq ans. C'est le temps nécessaire pour évacuer le combustible nucléaire, démonter les matériels et traiter les futures aires de stockage des déchets. Le décret de démantèlement est attendu fin 2023, après enquête publique, et EDF estime à 15 ans la durée des travaux.

Une fermeture à valeur de test

Si la centrale fournit 65% de l'électricité de la région, elle a connu quelques interruptions de services ces dernières années. Ses détracteurs relèvent que, depuis l'été 2013, la tranche 1 a été indisponible pendant environ quatre mois et demi, et la tranche 2 - arrêtée depuis juin 2016 en raison notamment d'une irrégularité de fabrication d'un générateur de vapeur- pendant près de deux ans. Ce qui ne l'a pas empêchée, répond l'opérateur, de produire en 2015 sa meilleure performance économique depuis sa mise en service.

Mais au-delà de la contribution réelle de la centrale à l'approvisionnement en électricité, la préparation de cette fermeture a valeur de test. Non seulement parce qu'il s'agit à nouveau d'un dossier à déminer, mais aussi parce que se déroulent actuellement les travaux d'élaboration de la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) pour la période 2023-2028, qui doit entériner la fermeture d'un certain nombre de réacteurs afin de tendre vers l'objectif de la loi de transition énergétique, consistant à ramener à 50% la part du nucléaire dans la production électrique nationale.