Fin de l’exploitation d’hydrocarbures en 2040 : plus qu'un symbole pour Nicolas Hulot

Par Dominique Pialot  |   |  1059  mots
La production française de pétrole s'élève à 815.000 tonnes par an, soit 1% de la consommation
Le projet de loi présenté ce 6 septembre en Conseil des ministres vise l’extinction de la production d’hydrocarbures sur le sol français d’ici à 2040. Des questions subsistent, concernant le destin de certains permis en cours d’instruction, notamment en Guyane.

Sur le plan quantitatif, la décision est à la hauteur de la modeste position française en matière de production d'hydrocarbures. Sur le plan symbolique en revanche, c'est le premier geste fort du ministre de la Transition écologique, qui fait de la France le premier pays (après le Costa Rica) à adopter une telle mesure.

Le dépôt attendu de ce projet de loi, qui vise à «amorcer la sortie progressive et irréversible de la production de pétrole et de gaz sur le territoire français à l'horizon 2040», en « mettant fin à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures » n'a rien de très surprenant. Il concrétise une promesse du candidat Macron et avait d'ores et déjà été annoncée par Nicolas Hulot dans son plan climat présenté le 6 juillet dernier, de même que l'arrêt d'ici à 2022 de la production d'électricité à base de charbon.

1% de la consommation française

Ce faisant, le ministre se veut cohérent avec les engagements français pris lors de la COP21 et les injonctions du GIEC (groupement d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) pour qui, il est impératif de laisser sous terre 80% des réserves de charbon et de pétrole pour espérer atteindre l'objectif de l'Accord de Paris : limiter à 2°C la hausse des températures.

Certes, la production française est très modeste. Ses 63 gisements représentent 815.000 tonnes de pétrole, le principal gisement de gaz, celui de Lacq (Pyrénées Atlantique), ayant cessé de produire en 2013. Ce volume équivaut à 1% de la consommation française. Le secteur emploie 1.500 personnes, pour un chiffre d'affaires de 270 millions d'euros.

Mais Nicolas Hulot veut y voir plus qu'un symbole.

"Cela permettra de donner un signal aux investisseurs publics comme privés que le monde de demain sera basé principalement sur l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables, a-t-il affirmé en conférence de presse. Chacun aura compris qu'il y a un modèle qui va se tarir, un modèle qui va progressivement s'essouffler, et il y a un monde qui va très rapidement se développer."

Fin de la polémique concernant le gaz de schiste

Concrètement, dès l'entrée en vigueur de la loi, aucun nouveau permis de recherche d'hydrocarbures ne pourra être attribué et les concessions d'exploitation existantes ne pourront pas être renouvelées au-delà de 2040, qu'il s'agisse d'hydrocarbures non conventionnels ou conventionnels. Pour les premiers (pétrole et surtout gaz de schiste), une loi de 2011 avait interdit le recours à la fracturation hydraulique tout en laissant la porte ouverte à des méthodes d'exploitation alternatives. Cette porte vient de se refermer.

Le gaz de mine en revanche échappe à ces interdictions, "pour des raisons de sécurité et d'environnement", précise le texte. Une bonne nouvelle pour les projets de la Française de l'énergie dans les Hauts-de France, mais un coup dur pour ceux que mène l'entreprise en Lorraine pour y récupérer du gaz de charbon dans des mines encore inexploitées, en dépit des efforts déployés par son dirigeant pour tenter de démontrer au gouvernement la différence avec le gaz de schiste et les bénéfices de cette exploitation locale, y compris sur le plan environnemental.

Clarifier les demandes mises en attente

En outre, conformément au droit de suite qui stipule que toute recherche fructueuse débouche sur la délivrance d'un permis d'exploitation, le texte ne concerne ni les permis de recherche, ni les premières concessions déjà attribués.

La situation de nombreuses demandes mises en attente par le précédent gouvernement sera clarifiée, a souligné le ministère, qui souhaite une adoption de la loi fin 2017.

Les fédérations françaises n'en fustigent pas moins l'initiative, pointant du doigt les risques d'accroissement des importations destinées à compenser cette baisse de la production, qui devrait s'éteindre à l'horizon 2040.

Ce que contestent les ONG. Comme Nicolas Hulot, celles-ci rappellent l'objectif de réduction de la consommation d'énergie fossile fixé à -30% d'ici à 2030% dans la loi de transition énergétique. Mais elles s'inquiètent aussi d'une possible extension de la production au-delà de 2040 dans l'hypothèse de permis d'exploitation délivrés dans les prochaines années au nom du droit de suite. Une concession est habituellement accordée par l'État pour une période de 25 ou 50 ans et peut être renouvelée plusieurs fois pour 25 ans au plus, chaque fois.

Le canadien Vermilion, premier exploitant de puits de pétrole dans l'Hexagone, avec 26 concessions dont certaines arrivent à expiration dès 2019, est le principal concerné, et n'exclut d'ailleurs pas porter l'affaire en justice afin de préserver ses permis d'exploration en cours d'instruction en Ile-de-France.

Les industriels misent sur le débat parlementaire pour obtenir des amendements au texte.

La Guyane au cœur des interrogations

Une fois de plus, c'est la Guyane qui concentre l'attention. Les permis d'exploration terrestres en cours de validité représentent 24.584 km² en métropole et 66.610 km² Outre-Mer, essentiellement dans ce département. En juin 2012, la ministre de l'Ecologie Nicole Bricq (décédée accidentellement cet été) avait dû quitter son poste après avoir tenté de mettre un coup d'arrêt aux projets de Shell en refusant de signer des arrêtés préfectoraux indispensables au lancement des travaux.

"Nous sommes en discussions avec la Collectivité territoriale de Guyane", a répondu Nicolas Hulot à une question qui lui a été posée en conférence de presse.

"Il en est de la Guyane comme du reste du territoire: il y a des droits acquis qu'on ne remettra pas en cause et il y a des projets que cette nouvelle loi permettra de refuser. Je ne doute pas qu'on trouve une solution équilibrée."

Nicolas Hulot a confirmé ce matin que le projet d'exploration offshore au large de la Guyane française, dont Total est partie prenante, serait prolongé.

Selon le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner , Emmanuel Macron - qui se rendra en Guyane en octobre prochain avec Jean-Claude Juncker dans le cadre de la conférence des régions ultra-périphériques organisée par la Commission européenne - s'est félicité à l'issue du Conseil des ministres :

"Nous sommes à l'avant-garde de cette ambition qui est celle de la France et doit être celle du monde".