Gaspillage : comment l'Etat veut aider 500 TPE et PME à faire des économies

Par Giulietta Gamberini  |   |  1103  mots
"Nous visons les secteurs de l'industrie, de la distribution et de la restauration", précise Fabrice Boissier, directeur général de l'Ademe.
L'Ademe lance, jeudi 9 novembre, une opération destinée à accompagner 500 TPE et PME dans la réduction de leurs gaspillages d'énergie, matières et eau. L'année prochaine, les entreprises concernées pourraient être 5.000.

Les entreprises effrayées par les coûts et la complexité de la transition vers un modèle davantage circulaire ne sont désormais plus seules. Appuyée par les grandes confédérations patronales, les chambres consulaires et les fédérations sectorielles, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) lance jeudi 9 novembre une opération destinée à accompagner 500 TPE et PME dans la réduction de leurs gaspillages d'énergie, matières et eau. Elle leur promet non seulement une meilleure performance environnementale, avec des répercussions positives sur leur réputation, mais surtout des économies renforçant leur compétitivité. "En offrant un outil concret aux entreprises, ce programme constitue un parfait exemple de la convergence entre économie et écologie", résume Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire.

Un test probant

Dénommée "TPE&PME - Gagnantes sur tous les coûts !", l'opération constitue en réalité la suite d'un premier test déjà mené entre 2015 et 2016. 49 entreprises avaient alors bénéficié d'un accompagnement de l'agence pendant un an afin de réduire leurs gaspillages. Les résultats s'étaient révélés probants: tous secteurs confondus, elles avaient réalisé des économies annuelles de 180 euros par salariés, allant jusqu'à 300 euros pour 60% d'entre elles. "Grâce au regard externe que le projet nous a apporté, nous avons identifié des économies potentielles de 50.000 euros sur dix ans, juste en ajoutant une benne pour le bois à notre dispositif de tri sélectif ou en gérant mieux notre éclairage en fonction de la présence effective du personnel. C'est de l'argent que nous espérons investir pour répondre à d'autres besoins, par exemple pour alléger la pénibilité du travail de nos salariés", témoigne Jean-Claude Courant, directeur logistique de Botanique, entreprise pourtant déjà engagée en matière environnementale -elle a retiré le glyphosate de ses rayons depuis 2008.

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Au total, grâce à de telles actions "simples et à rentabilité rapide ou immédiate", les économies réalisées par les 49 entreprises testées ont dépassé les 3 millions d'euros et atteint les 9.000 tonnes de CO2: l'équivalent de 7.700 allers/retours Paris-New York en avion. Et "en une année, le retour sur investissement était assuré", souligne Fabrice Boissier, directeur général de l'Ademe.

 L'industrie de la distribution et de la restauration

"Après avoir récolté cette preuve tangible de l'intérêt d'une telle opération, nous passons donc à l'échelle supérieure", souligne Fabrice Boissier. Le nouveau programme permettra de multiplier par dix le nombre des entreprises accompagnées: notamment des TPE et PME, voire les établissements de plus grandes sociétés, de moins de 250 salariés. "Nous visons les secteurs de l'industrie, de la distribution et de la restauration, et notamment les entreprises qui n'ont pas encore pu identifier ou structurer cette compétence de suivi et optimisation des flux matières et énergie", précise Fabrice Boissier: "Cette opération les aidera à prendre le temps de cette analyse et surtout à la concrétiser en actions économiquement rentables."

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Le patron d'une d'entre elles témoigne: "Nous n'avons aucune idée de notre potentiel d'économies, mais espérons, grâce à cet audit indépendant, hiérarchiser les investissements nécessaires pour plus d'efficacité et de respect de l'environnement", explique Laurent Garcia, directeur général d'Omedec, entreprise de découpage de précision qui a déjà manifesté son intérêt pour l'opération. "Dans notre quête de performance d'économies afin d'endiguer la hausse permanente des taxes, l'indépendance et l'expertise de l'Ademe sont une vraie garantie", ajoute un autre candidat, Jean-Marc L'Huillier, à la tête de magasins Intermarché et Netto dans le Cher.

Un nouveau modèle économique

Afin de participer au programme, une démarche volontaire est initialement nécessaire: s'inscrire sur le site de l'Ademe. Cela permet de bénéficier de l'audit d'un expert mandaté par l'agence (qui en a formés 160 dans les bureaux d'études ayant répondu à son appel d'offres), lequel identifiera et chiffrera les pertes cachées et donc les potentiels d'économies. L'expert établira ensuite un plan d'actions concrètes pouvant être réalisées et rentabilisées à l'horizon d'un an maximum, dont les avancements seront mesurés et la pertinence vérifiée régulièrement. Une évaluation sera aussi réalisée à la fin.

Quant aux coûts, l'Ademe expérimente un nouveau modèle économique pour cette opération. Afin d'inciter les entreprises à la démarche, elle prend en charge, avec ses partenaires, le risque financier de l'audit initial. Seulement, si les économies identifiées dépassent un plancher déterminé en fonction de la taille de l'entreprise (500 euros jusqu'à 19 salariés, 6.000 euros de 20 à 49, 12.000 euros de 50 à 99 et 18.000 euros de 100 à 250), une contribution au fonds d'intervention mis en place par l'agence lui est demandé, à un niveau forfaitaire correspondant à la moitié du plancher. "Mais les économies réalisées en pratique peuvent bien dépasser cette somme", souligne Fabrice Boissier.

Une étape face à l'objectif de "changer l'économie française"

Pour l'instant, selon un sondage, 77% des établissements visés seraient intéressés par l'opération et 69% apprécieraient le mode de paiement choisi. La mission de les convaincre à se lancer concrètement dans l'aventure incombera surtout aux partenaires et aux antennes régionales de l'Ademe, qui espère atteindre les 500 candidats au plus vite.

Pour l'agence, il ne s'agit en effet que d'une étape face à l'objectif de "changer l'économie française", selon les mots de son président Bruno Léchevin. Cette année permettra notamment de perfectionner la méthodologie, ainsi que de peaufiner les estimations, qui laissent espérer au total 1 milliard d'économies annuelles si toutes les PME françaises se mettaient à l'économie circulaire. Mais dès 2019, on veut aller plus loin, en généralisant la démarche à plus de 5.000 entreprises. Au-delà des bénéfices en termes d'emplois délocalisables et d'innovation, l'impact environnemental attendu est aussi énorme: l'activité privée est en effet responsable de 60% de l'énergie totale consommée en France et de 64 millions de tonnes de déchets par an, pour un coût de traitement de 3,9 milliards d'euros, rappelle l'Ademe, qui dit même travailler sur un éventuel développement au niveau européen de cette première française.