Gaspillage alimentaire : les magasins pourraient aisément économiser 70.000 euros par an

Dans une opération menées auprès de dix magasins de cinq enseignes différentes, l'Ademe a expérimenté une dizaine d'actions faciles et peu coûteuses pour réduire les gâchis. Si adoptées par toute la grande distribution française, elles permettraient d'économiser 700 millions d'euros, estime l'agence.
Giulietta Gamberini
Dans les magasins volontaires, les achats ont été adaptés afin de tenir compte des offres organisées par les producteurs, et la promotions des produits proches de leur date d'expiration a été optimisées.

"Les distributeurs ne sont pas les plus grands fauteurs. Mais dans leur lutte contre le gaspillage alimentaire, il leur reste encore d'importantes marges de progrès. "

C'est à partir de ce constat, issu d'une étude publiée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie en mai 2016, et résumé jeudi 17 novembre par son président Bruno Léchevin devant les journalistes, que l'Ademe a décidé de proposer à cinq grandes enseignes françaises de la grande distribution une opération inédite. Pendant un an, dix magasins volontaires de Carrefour, Intermarché, Système U, Leclerc et Auchan ont été audités et accompagnés, afin d'identifier leurs faiblesses mais aussi de développer des pratiques modèles en matière de lutte contre le gaspillage. 50 millions de données ont été analysées pour comparer les flux d'entrée et de sortie des produits.

Les résultats de l'expérimentation sont encourageants. Les actions simples et peu coûteuses qui ont été mises en place pendant le court laps de temps du test ont permis à l'ensemble des magasins concernés de réduire leur gaspillage de 22% en volume. Sur une année, cela signifierait au total l'équivalent de 320.000 repas et, par magasin, une économie moyenne de 70.000 euros. "Le gaspillage coûte en moyenne 1% du chiffre d'affaires : un pourcentage qui correspond à celui de la marge nette!", souligne Bruno Léchevin.

Les rayons traiteur et des fruits et légumes sont les plus affectés

Si l'ensemble de la grande distribution s'engageait comme ces 10 magasins volontaires, le gaspillage alimentaire diminuerait de 300.000 tonnes chaque année, avec des économies de plus de 700 millions d'euros, calcule l'Ademe. La distribution est en effet responsable de 14% des 10 millions de tonnes de nourriture gaspillées chaque année en France, pour une valeur de 4,5 millions d'euros, révélait l'étude publiée au printemps.

L'opération a permis d'identifier trois causes principales de gaspillage, sur lesquelles on a tenté d'agir. La première consiste dans la gestion interne des références, dont dépend la capacité du magasin d'éviter le dépassement de la date limite de consommation : dans certains commerces, 20% du gaspillage était causé par moins de 1% des biens vendus. La manipulation des produits par le personnel ou les clients peut aussi engendrer des dégâts rendant les aliments moins désirables voire impropres à la vente. L'organisation du personnel pousse enfin souvent les salariés à négliger le problème du gaspillage, au profit du marketing et de l'optimisation de leur temps. D'une manière plus générale, l'étude a montré que les taux de perte sont inversement proportionnels au volume des ventes et à la stabilité des équipes. Les rayons traiteur et des fruits et légumes sont les plus impactés par le gaspillage.

Des coachs anti-gaspi à la transformation des produits

Les exigences spécifiques des magasins variant en fonction de leur emplacement et de leur taille, une dizaine de types d'actions ont été expérimentés, allant de la sensibilisation des clients à la transformation des produits. "L'organisation d'une vente assistée des produits les plus fragiles comme les fruits et les légumes nous a non seulement permis d'économiser 15.000 euros sur deux mois",  témoigne Frédéric Vaccaro, directeur du magasin Auchan de Boulogne-sur-Mer. "Elle nous a également poussés à recruter sur deux postes à temps plein et un à mi-temps. Les clients se sont d'ailleurs montrés satisfaits de cette nouvelle possibilité de contact humain", ajoute-t-il.

La désignation d'un "responsable anti-gaspillage" du magasin s'est également révélée être probante, constatent diverses enseignes. Le magasin Leclerc Templeuve est allé jusqu'à transformer des produits invendus pour leur donner une seconde vie : des carottes en vrac sont devenues des carottes rapées, des fruits des smoothies et des brioches des puddings, avec un effet de sensibilisation voire de motivation des équipes. Les achats ont été adaptés afin de tenir compte des offres organisées par les producteurs, et la promotions des produits proches de leur date d'expiration a été optimisée. Les magasins ont également été accompagnés dans l'organisation de leurs relations avec les associations d'aide alimentaire, avec lesquelles les surfaces de plus de 400 mètres carrés sont obligées depuis l'adoption de la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire de signer des conventions de don. "En milieu rural, cela peut en effet être difficile", observe le directeur du magasin Système U de Craon, Alain Vallée.

Des fiches à disposition des professionnels

"Cette opération a eu le mérite de nous ouvrir les yeux", concluent plusieurs directeurs des magasins concernés, dont pourtant un certain nombre étaient déjà sensibles à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Il s'agit à présent de partager et diffuser les bonnes pratiques testées, souligne l'Ademe, qui met des fiches qui les décrivent à disposition des professionnels intéressés sur son site, et qui lance en ces jours, à l'occasion de la semaine européenne de la réduction des déchets, une nouvelle campagne de sensibilisation.

A long terme, d'autres actions plus poussées, impliquant davantage fournisseurs et associations, notamment sur l'étiquetage des produits, sont évidemment aussi possibles et souhaitables. Le travail commun de tous les acteurs est notamment indispensable afin d'éviter que le gaspillage soit refoulé en amont, vers les producteurs, ou en aval, vers le consommateur, estime l'Ademe, qui entame d'ailleurs une nouvelle étude sur l'impact global de la lutte contre le gâchis. La recherche d'une cohérence dans la gestion des déchets, notamment pour que la lutte contre le gaspillage alimentaire ne se fasse pas au prix d'une augmentation disproportionné de l'emballage, est un autre enjeu urgent. Mais le législateur doit aussi aller au bout de sa démarche, souligne Alain Vallée, qui craint notamment des contrôles incohérents.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 2
à écrit le 20/11/2016 à 8:00
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Pourtant il faut encourager les grandes enseignes à continuer ce que font certaines actuellement. En, bout de gondole charcuterie, poissonnerie, viennoiserie, fromagerie, produit frais, légumes, on trouve maintenant un bac à prix réduit de déstockag...

à écrit le 19/11/2016 à 9:44
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Les directeurs de magasin compétents savent qu'il y a du gaspillage, mais comme c'est le client qui s'appuie la note finale, ils s'en fichent un peu. On nous dit que cela représente, dans l'exemple, 320 000 repas par an, sous-entendu pour les restos ...

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